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La proposition de « cessez-le-feu à Gaza » de la Maison Blanche est essentiellement une reprise de l’offre faite par le Hamas en avril. Elle révèle les options de plus en plus réduites de Joe Biden pour sortir du bourbier qu’il s’est lui-même créé à Gaza, alors que les élections présidentielles américaines approchent.
Khalil Harb

Tous ceux qui ont regardé le président américain Joe Biden annoncer son plan de cessez-le-feu à Gaza le 31 mai ont dû se demander où était passée la menace de « se rendre ou mourir » que les responsables américains – notamment le conseiller en communication pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby – agitent depuis des mois à l’encontre des combattants de la résistance palestinienne.
Non, le président américain, qui a essentiellement banni le mot « cessez-le-feu » des lèvres des responsables occidentaux et des Nations unies pendant la première partie de l’assaut militaire brutal d’Israël sur la bande de Gaza, n’est pas soudainement devenu un pacifiste.
Au contraire, comme l’a récemment résumé le journaliste israélien Gideon Levy dans le quotidien hébreu Haaretz à propos de la guerre ingagnable d’Israël, « la guerre est devenue un cycle sans fin :
La guerre est devenue un cycle sans fin de mort et de destruction. Après Rafah, nous revenons au début, au nord de la bande de Gaza, comme dans un jeu de Monopoly, mais avec cruauté, et de là vers le sud jusqu’à Rafah, à travers les ruines de Jabalya, et ainsi de suite, dans une boue gorgée de sang.
M. Biden veut sortir de ce bourbier pour plusieurs raisons : la fermeté de la résistance à Gaza, le soutien militaire régional et la solidarité internationale qu’elle a suscités, ainsi que la fortune fluctuante de l’armée israélienne sur le champ de bataille, ont tous joué un rôle important. Sur le plan intérieur, la perspective imminente du retour de Donald Trump à la Maison Blanche à l’issue des élections de novembre est venue s’ajouter à l’ensemble des considérations du président.
Erreurs de calcul et options limitées
Joe Biden estime qu’il n’est pas trop tard pour rectifier le tir. Le président, ébranlé, panse ses plaies, le prix de son pari perdu sur les stratégies de guerre ratées du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Mais il n’est pas trop tôt non plus : le « plan de paix » présenté par M. Biden vendredi dernier montre que Washington n’a pas d’options viables, et de nombreux obstacles se dressent devant lui, notamment de la part de son « allié » israélien.
Depuis le début, le Hamas et les autres factions de la résistance palestinienne ont maintenu une position claire dans les négociations avec diverses parties, dont l’Égypte, le Qatar et la France. Ils ont insisté sur un accord de cessez-le-feu garantissant la fin de la guerre et le retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza.
D’autre part, Netanyahou mise sur la manipulation du langage et des objectifs des clauses de l’accord pour assurer à ses partenaires « extrémistes » de la coalition qu’il a versé le plus de sang palestinien possible et qu’il n’a l’intention d’accorder qu’une trêve temporaire qui lui permettra de revenir à ses méthodes génocidaires quand il le souhaitera.
Une source de l’Axe de la Résistance à Beyrouth a déclaré au Berceau que la prévention de cette ruse israélienne est l’essence même de la position du Hamas et du Jihad islamique palestinien (PIJ) dans les négociations. Mais il est intéressant de noter que le plan de Biden est basé sur des principes que le Hamas a déjà acceptés le mois dernier – un accord qui a embarrassé Israël à l’époque et qu’il a cherché à éviter.
Mise à jour « cosmétique » de l’ancien accord
L’annonce de Biden est essentiellement un reconditionnement de l’accord approuvé par le Hamas le mois dernier, qu’il repositionne maintenant comme un accord approuvé par Israël. Il déclare même effrontément que Tel Aviv a soumis de « nouvelles propositions » structurées en trois étapes, qui servent de feuille de route pour un cessez-le-feu :
La première étape consiste à arrêter les tirs, à libérer les prisonniers et à permettre aux Palestiniens de rentrer chez eux. La deuxième phase comprend l’échange de prisonniers vivants, y compris de soldats israéliens. La troisième phase se concentre sur la reconstruction, que la Maison Blanche présente comme nécessaire pour empêcher le Hamas de répéter les événements du 7 octobre.
La Israeli Broadcasting Corporation a également cité des responsables israéliens et américains affirmant que le document de la proposition israélienne est remarquablement similaire au document que le Hamas avait accepté un mois auparavant et que Tel-Aviv avait refusé.
Dimitri Diliani, membre du Conseil révolutionnaire du mouvement Fatah, révèle à The Cradle que l’État d’occupation a initialement approuvé l’initiative Biden à la fin du mois d’avril. Le Hamas a approuvé l’initiative quelques jours plus tard. Mais Netanyahou a retiré son soutien pour des raisons politiques – principalement parce qu’il avait prévu que le Hamas rejetterait cet accord.
Lorsque le Hamas a approuvé l’initiative de manière inattendue, Netanyahou s’est rebiffé. Comme le raconte Diliani :
Cette initiative a été proposée plus d’une fois, mais le nom diffère. La première fois, elle était égyptienne, et aujourd’hui elle s’appelle l’initiative Biden, mais ce qui est différent, c’est qu’il est clair qu’il existe une volonté politique américaine d’arrêter la guerre à Gaza, non pas au service de l’humanité, de la paix, des droits de l’homme ou de la pitié pour les femmes et les enfants. Mais pour en faire une carte pour Biden et le Parti démocrate après qu’il soit devenu clair qu’il perdrait la Maison Blanche aux prochaines élections, pour des raisons qui incluent principalement le soutien de Biden à la guerre à Gaza et le grand nombre de partisans de l’arrêt de la guerre au sein du Parti démocrate.
Quoi qu’il en soit, le « plan Biden », affirme la source de l’Axe de la résistance basée à Beyrouth, est une tentative de modifier le statu quo – ce qui s’apparente à l’altération d’une scène de crime – en notant que le président américain a omis une clause qui exige la création d’un « État palestinien ». La Maison Blanche espère également utiliser sa proposition d’accord de cessez-le-feu pour relancer le processus de normalisation israélo-saoudien, qui stagne, juste à temps pour les élections de novembre.
L’absence de mention d’un État palestinien ou d’une solution à deux États dans le plan a suscité des inquiétudes. Il semble donner la priorité à la sécurité d’Israël et aux objectifs d’intégration régionale, y compris la normalisation avec les principaux États arabes, plutôt qu’à la souveraineté palestinienne.
Selon une source proche des mouvements de résistance palestiniens, la partie la plus dangereuse de la nouvelle rhétorique de M. Biden est qu’il reconnaît ouvertement le droit d’Israël à reprendre la guerre si le Hamas « viole » les termes de l’accord.
Cette faille permettrait à Israël d’exploiter tout incident lié à Gaza, aussi anodin soit-il, pour relancer sa campagne génocidaire sur Gaza après que la résistance palestinienne aura libéré des captifs israéliens.
La même source souligne que l’initiative de M. Biden soulève des questions en raison du rôle de son administration en tant que garant d’Israël, alors que l’Égypte et le Qatar sont censés fournir des assurances au Hamas. Cette situation est préoccupante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les États-Unis sont profondément impliqués dans le conflit depuis le début, en tant qu’acteur clé et fournisseur d’armes dans son escalade. Deuxièmement, il n’est pas certain que Joe Biden reste au pouvoir après les prochaines élections de novembre, ce qui jette un doute sur la fiabilité à long terme des États-Unis en tant que garant.
Politique intérieure israélienne
M. Diliani résume bien les faiblesses inhérentes au plan de cessez-le-feu de M. Biden, avertissant qu’il engagera Washington et Tel-Aviv sur la voie du conflit :
Il existe une volonté américaine, pour des raisons de politique intérieure, d’arrêter la guerre, mais elle se heurte à une volonté politique intérieure israélienne, au sein de la coalition de Netanyahou, de ne pas arrêter la guerre pour des raisons politiques. C’est ce qui risque de provoquer une escalade du conflit entre les deux alliés.
Le dilemme de la Maison Blanche réside en partie dans le fait que chacune de ses initiatives contourne le groupe d’extrême droite au sein du gouvernement israélien (dirigé par les ministres de la sécurité nationale et des finances Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich) qui ne veut pas que la guerre contre Gaza s’arrête.
Parallèlement, il existe un autre groupe israélien au sein du « cabinet de guerre » du gouvernement, représenté par le ministre du cabinet de guerre Benny Gantz, et un troisième groupe externe dirigé par le chef de l’opposition Yair Lapid, qui est favorable à l’arrêt de la guerre et à l’éviction de M. Netanyahu du pouvoir.
Mais ce cercle complexe d’enchevêtrements à l’intérieur d’Israël n’est plus dans l’intérêt de Biden et de ses démocrates. Il n’est pas improbable que Biden tente d’amener Netanyahou à accepter l’accord et à aller jusqu’au bout, ce qui pourrait conduire à son renversement par Ben Gvir et Smotrich, qui ont d’ailleurs menacé de le faire dès que Biden a annoncé son initiative. Ce scénario pourrait conduire à l’émergence d’un mouvement plus enclin à s’entendre avec les Américains, représenté par Benny Gantz et Lapid.
N’est-il pas remarquable que Biden ait adressé plusieurs de ses discours et promesses au « peuple israélien » vendredi, lui rappelant – surtout – ou reconnaissant que la bataille de Gaza, malgré sa férocité, n’est pas terminée et que le salut face au Hamas n’est pas à portée de main, tout à fait en tant que concept ? La « victoire absolue » que Netanyahou et son ministre Yoav Gallant leur avaient promise le 7 octobre 2023 n’a pas eu lieu.
La « fin » est maintenant une douleur pour Israël qui ne sera pas guérie de sitôt, tout comme elle le serait s’il poursuivait une guerre sans fin. Les deux options sont fatales.
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