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par Edouard Husson

« Mieux vaut perdre les élections que perdre son âme »: ce sont les mots grandiloquents utilisés par un talent éphémère de la politique lyonnaise, Michel Noir, en 1987, pour refuser – la question se posait déjà – des alliances avec le Front (aujourd’hui Rassemblement) National. En réalité, depuis presque quarante ans, RPR et UDF devenus UMP puis LR ont d’abord perdu leur âme: ils ont trahi toutes les causes qu’ils étaient censés servir: la nation, la famille, l’entreprise. Et, de plus en plus souvent, ils ont perdu les élections. La levée de boucliers des notables LR contre les négociations entre Eric Ciotti et le Rassemblement National représente l’agonie d’un parti qui préfère se rallier au plus nocif de nos présidents de la République plutôt que d’écouter l’électorat.
Ce qu’a fait @ECiotti est une trahison.
En passant cet accord avec le @RNational_off, il a fait le choix de la collaboration. Il nous a trahi pour un poste, pour une circonscription. Voilà le cynisme le plus complet en politique ! @lesRepublicains portent l’héritage de Jacques… pic.twitter.com/FedKJhbvfm— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) June 11, 2024
On se rappelle la formule grandiloquente de Michel Noir en 1987, pour refuser toute alliance avec le Front National: « Mieux vaut perdre les élections que perdre son âme ».
En réalité, en refusant de s’allier avec le Front National et en refusant largement – sauf pendant la campagne présidentielle de 2007 – de traiter les thèmes qui préoccupaient la majorité de la population française (immigration, insécurité, respect des règles commerciales par les partenaires de la France etc…), les héritiers du gaullisme et de la démocratie chrétienne ont perdu leur âme et, de plus en plus évidemment, perdu les élections.
La trahison des héritiers
Prenons les quelques grands thèmes que les héritiers du gaullisme et de la démocratie chrétienne avaient vocation à défendre: la famille comme cellule fondatrice de l’ordre social; la nation comme cadre d’expression approprié de la démocratie; l’entreprise comme lieu vital de la création de richesses et d’emplois; l’école comme creuset de l’assimilation nationale; nos territoires d’outremer et la francophonie comme vecteurs de l’universalisme français; l’outil militaire et diplomatique laissé par le Général de Gaulle; la construction européenne comme noyau d’une organisation pacifique des relations entre les nations du continent.
Sur tous ces sujets, RPR et UDF, puis UMP puis LR ont d’abord « perdu leur âme »; puis ils ont perdu les élections.
RPR et UDF rassemblaient 40% des suffrages à eux deux dans les années 1980 et 1990. Nicolas Sarkozy fut encore élu président avec 31% des voix au premier tout et 54% au second tour, en 2007. Aujourd’hui François-Xavier Bellamy a fait 7% aux élections européennes, sauvant les meubles pour un parti dont la candidate à l’élection présidentielle avait fait moins de 5% en 2022.
Eh bien, à peine retombés sur leurs pieds, les caciques de LR, à commencer par le désastreux Laurent Wauquiez, un autre matamore lyonnais, décident d’aller au bout du suicide politique du parti.
Sinistre imposture
Yves Pozzo di Borgo, ancien élu du Conseil de Paris et ancien sénateur, l’une des dernières personnalités publiques à se rappeler ce que fut la tradition de l’UDF, postait hier ce message sur X:
Le programme du RPR et des centristes de l’UDF ! pic.twitter.com/jGDhdLSQUM
— Yves Pozzo di Borgo (@YvesPDB) June 11, 2024
C’était il y trente-cinq ans. Mais, de plus en plus, les héritiers de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing ont fait leur une mentalité que résumait finalement très bien Raphaël Glucksmann, il y a quelques années:
Ce que dit le fils d’André Glucksmann est une version un peu bisounours du macronisme. Mais c’est au fond l’idéologie partagée peu ou prou par la caste qui pense diriger notre pays alors qu’elle se laisse diriger par des décisions et des initiatives prises ailleurs. Les notables de chez LR se sont ralliés, plus ou moins consciemment, à cette vision des choses.
Ce faisant, ils ont perdu leur âme et, aujourd’hui, ils achèvent de perdre les élections.