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Il n’y aura pas de négociations avec Zelensky

Stephen Bryen

La guerre en Ukraine se terminera par une capitulation, et non par un accord négocié. C’est ce que je pense de la direction que prend la guerre et de la raison pour laquelle les parties ne peuvent pas négocier un accord.

Le dernier épisode en date de la saga des négociations manquantes est une déclaration, sous la forme d’une interview accordée par Volodymyr Zelensky au Philadelphia Inquirer. Zelensky affirme qu’il ne peut y avoir de négociations directes entre l’Ukraine et la Russie, mais qu’il pourrait y avoir des négociations indirectes par l’intermédiaire d’une tierce partie, où l’Ukraine et la Russie n’auraient pas seulement la tierce partie comme intermédiaire, mais où tout accord ne serait conclu qu’avec l’intermédiaire, et non avec la Russie ou l’Ukraine. M. Zelensky a suggéré que les Nations unies pourraient jouer ce rôle.

Le président russe Vladimir Poutine, le président français François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le président ukrainien Petro Porochenko à Minsk, en Biélorussie, en février 2015.

La proposition Zelensky est vouée à l’échec pour de nombreuses raisons, mais la plus importante est que les États en guerre doivent s’entendre directement sur la fin d’un conflit. Il n’y a aucun espoir qu’une tierce partie mette en œuvre un accord, comme le prouvent les accords de Minsk (2014, 2015). Minsk était un cas hybride, où l’accord a été signé par la Russie, l’Ukraine et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L’Ukraine a refusé de mettre en œuvre l’accord, et l’OSCE s’est révélée impuissante et peu désireuse d’essayer de faire respecter les accords de Minsk. L’accord a reçu le soutien politique de l’Allemagne et de la France, bien que ni l’une ni l’autre n’ait été signataire et que l’Allemagne et la France n’aient pas été légalement obligées de soutenir l’accord qui en a résulté.

La « proposition » de M. Zelensky n’est en fait qu’un nouvel écran de fumée destiné à détourner les critiques adressées à l’Ukraine pour son refus d’un règlement avec la Russie. Trois forces importantes empêchent Zelensky d’accéder à la table des négociations. La plus importante est que les principaux acteurs anglo-saxons de l’OTAN, à savoir les États-Unis et le Royaume-Uni, s’opposent fermement à toute négociation avec la Russie. Les États-Unis ont fait tout ce qui était en leur pouvoir, par le biais de sanctions et de mesures diplomatiques, pour empêcher tout dialogue avec la Russie sur quelque sujet que ce soit (à l’exception des échanges de prisonniers).

La deuxième raison est la législation ukrainienne, parrainée par Zelensky, qui interdit les négociations avec la Russie. La Verkhovna Rada (le parlement ukrainien) pourrait annuler cette législation en une nanoseconde si Zelensky le lui demandait, mais il ne le fera pas. M. Zelensky contrôle totalement le parlement ukrainien, a arrêté ou exilé des hommes politiques de l’opposition et contrôle la presse et les autres médias. La poigne de fer de Zelensky signifie qu’il n’autorisera pas personnellement des négociations directes.

Il a également signé un décret interdisant toute négociation avec le président russe, Vladimir Poutine.

Yuri Sodol. Photo:Ukrainska Pravda

La troisième raison est liée à la pression exercée sur Zelensky par les nationalistes de la droite dure, notamment la brigade néo-nazie Azov. La preuve directe en est le licenciement du général de corps d’armée Youri Sodol, commandant en chef des forces de Kiev dans la région de Kharkov (Ukr. Kharkiv). Sodol était accusé par les chefs de la brigade Azov d’avoir tué plus d’Ukrainiens que de Russes lors des batailles de Kharkov. Azov transmet leur message à la Rada et Zelensky les oblige à licencier Sodol.

Le major Bohdan Krotevych, chef d’état-major de la brigade Azov, a accusé le général Sodol d’incompétence, ce qui a entraîné des milliers de pertes humaines et territoriales

Depuis le limogeage de Sodol, la situation de l’Ukraine continue de se dégrader sur l’ensemble de la ligne de contact. Les pertes ukrainiennes au combat sont très élevées, atteignant certains jours jusqu’à 2 000 morts et blessés. Les Russes ont intensifié leurs attaques avec des bombes planantes FAB, notamment la monstrueuse FAB-3000 qui vient de frapper un centre de commandement de l’armée ukrainienne dans la ville de New York, dans le Donbass, et qui aurait tué au moins 60 militaires ukrainiens.

Les Russes affirment que Zelensky lui-même n’est pas un partenaire de négociation car son mandat a expiré en mai. La situation juridique en Ukraine est assez confuse, mais les experts ukrainiens et étrangers pensent que, Zelensky ayant achevé son mandat, la direction du pays devrait être confiée au président de la Rada. Ruslan Stefanchuk est le président de la Rada et il est de plus en plus actif politiquement, mais il ne s’est pas opposé au maintien au pouvoir de Zelensky.

Entre-temps, compte tenu de la situation sur le champ de bataille, les Russes pensent sans doute que le moment viendra bientôt où l’armée ukrainienne s’effondrera ou se rendra, ou les deux à la fois. Dans les deux cas, le gouvernement ukrainien devra être remplacé d’une manière ou d’une autre, peut-être par une direction militaire intérimaire choisie par la Russie. Cela permettrait aux Russes de formuler un accord de capitulation avec le gouvernement de remplacement.

Une reddition de l’armée ukrainienne et un accord avec un gouvernement de remplacement rendraient impossible la poursuite de l’engagement de l’OTAN en Ukraine. Cela pourrait enfin ouvrir la porte à un dialogue sur la sécurité entre l’OTAN et la Russie, une fois que l’OTAN aura digéré ce qui s’est passé et pourquoi. Malheureusement, le fait de charger l’OTAN de dirigeants politiques has been comme Marc Rutte n’augure rien de bon pour l’avenir de l’alliance. Le message clé pour l’OTAN si les Russes gagnent en Ukraine, comme cela semble de plus en plus probable, est que l’OTAN doit arrêter son expansion et chercher un arrangement plus stable avec la Russie en Europe.

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