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Le Rassemblement national a recueilli 34,2 % des voix, devançant le Nouveau Front populaire et plus largement encore le camp du président Macron. À l’issue du second tour, il pourrait occuper entre 240 et 270 sièges à l’Assemblée nationale, ce qui reste en deçà de la majorité absolue. Reste à voir comment se comporteront les autres partis dans les triangulaires.
Laure de Charette
Après sept ans de macronisme, près de deux Français sur trois ont donc voté pour un bloc radical…
L’extrême-droite, emmenée par le Rassemblement national (RN) alliée depuis peu aux « ciottistes » fidèles au président du parti Les Républicains, est arrivée largement en tête avec 34,2 % des voix au niveau national, ce 30 juin, lors premier tour des élections législatives anticipées convoquées par le président de la République, Emmanuel Macron. Elle a progressé de 6 points par rapport aux dernières législatives de 2022.
Les nationalistes pourraient donc occuper pour la première fois dans l’histoire de la Ve République entre 240 et 270 sièges dans l’hémicycle à l’issue du second tour prévu le 7 juillet (contre 89 aujourd’hui), un chiffre néanmoins en deçà des 289 députés nécessaires pour obtenir la majorité absolue et voir leur chef de file, Jordan Bardella, s’installer pour sûr à Matignon. Les gauches, rassemblées cahin-caha sous la bannière du Nouveau Front populaire, terminent en deuxième position avec 29,1 % des suffrages, ce qui leur permettrait d’obtenir entre 180 et 200 députés la semaine prochaine, soit près du double du nombre d’élus de la Nupes aujourd’hui. Quant aux macronistes d' »Ensemble ! », ils se prennent comme prévu une énorme claque en n’obtenant que 21,5 % des voix. Certes le camp présidentiel fait mieux qu’aux européennes (14,60 %) mais la majorité sortante n’obtiendrait qu’entre 60 et 90 sièges. Emmanuel Macron espérait, on ne sait trop comment, gagner des députés à l’issue de ces élections surprises, il risque in fine d’en perdre plusieurs dizaines. Les Républicains sont eux à 9,5 %.
« Un verdict sans appel »
Le chef de l’État paye cher plusieurs erreurs de jugement. Un : les Français n’ont pas voté aux européennes pour le RN en raison d’une prétendue « colère » ou mauvaise « humeur » mais bien car ils adhèrent désormais aux idées défendues par le parti à la flamme, et donc il était évident qu’ils ne changeraient pas d’avis en l’espace de trois semaines. Deux : Emmanuel Macron misait sur la division des gauches, présumées irréconciliables, alors qu’elles sont parvenues à s’allier en un temps record malgré leurs divergences. Trois : il n’a pas jugé bon d’imprimer un nouvel élan ni de créer une rupture programmatique pendant la campagne. Au final, les électeurs se sont rendus massivement aux urnes, comme pour mieux enfoncer le clou : la participation est estimée autour de 65,5 à 69,7 %, au plus haut depuis près de quarante ans (près de 20 points supérieure au premier tour en 2022). Il y a quelques jours, Vincent Martigny, professeur de sciences politiques à l’université de Nice et à l’École polytechnique, et chercheur associé au Cevipof, nous confiait que « sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale restera comme le geste le plus déraisonnable et le plus grave que la Ve République ait connu ». Les résultats du premier tour semblent lui donner raison.
Jordan Bardella a évoqué « un verdict sans appel », Jean-Luc Mélenchon s’est réjoui de la « lourde et indiscutable défaite infligée au président ».
Un second tour déterminant
Reste à savoir à quoi pourrait ressembler le second tour. Qui l’emportera dans les nombreux duels attendus entre des candidats RN et Nouveau Front populaire ? De très nombreuses triangulaires (entre 285 et 315) sont également prévues. Les décisions des candidats arrivés en troisième position seront donc cruciales et scrutées à la loupe : les qualifiés pour le second tour (ceux qui ont atteint 12,5 % des inscrits) ont jusqu’au 2 juillet à 18 heures pour déposer leur candidature en préfecture ou se désister. À gauche, socialistes, écologistes et communistes ont clairement appelé au barrage à l’extrême droite, avec retrait de leur candidat en cas de risque. Après avoir entretenu le flou, les Insoumis ont pris hier soir la même décision.
Dès l’annonce des résultats, Emmanuel Macron a appelé, « face au Rassemblement national, à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour ». Une consigne qui demande clarification. Les candidats Ensemble arrivés troisièmes se désisteront-ils en faveur des candidats du Nouveau Front populaire ? Si c’est un candidat LFI, cela semble peu probable. Pour un socialiste, un écologiste ou un communiste, cela reste à préciser. Les Républicains ont de leur côté appelé à voter pour leurs candidats qualifiés pour le second tour, refusant de donner de consigne de vote dans les autres cas.
À ce stade, difficile de savoir si le Rassemblement national et ses alliés peuvent encore décrocher la majorité absolue dans quelques jours. Jordan Bardella avait assuré qu’il n’irait pas à Matignon faute de l’obtenir, mais selon La Tribune Dimanche, la garde rapprochée de Marine Le Pen estimerait désormais qu’à partir de 270 élus, le coup est jouable en raison des possibles recrutements au sein du vivier des Républicains et du micro-parti Liot. Le jeune chef de file a déclaré hier soir qu’il « entend être un Premier ministre respectueux » mais « intransigeant ». Il sera fixé sur son sort dans quelques jours… et tous les habitants de France, avec lui.