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Le vaste réseau de tunnels du Hezbollah retient l’attention à l’approche de la guerre avec Israël. Bien que leur valeur stratégique actuelle reste incertaine, les réseaux souterrains sont tactiquement vitaux, car ils offrent des positions fortifiées, des capacités de mouvement secrètes et une résistance aux forces ennemies.
Bilal Nour Al-Deen

En 2018, l’armée d’occupation israélienne a lancé l’opération « Bouclier du Nord » pour découvrir et détruire les tunnels du Hezbollah le long de la frontière libanaise, un réseau souterrain dont le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a expliqué plus tard qu’il avait été construit dans les années 1990 et abandonné par la suite.
Les compétences du Hezbollah en matière de construction de tunnels ont bénéficié de l’expérience des combattants palestiniens qui avaient creusé des tunnels dans le sud du Liban avant l’invasion israélienne de 1982. La résistance libanaise a commencé à utiliser les tunnels peu après avoir lancé ses propres opérations militaires contre l’État d’occupation dans les années 1990.
Un rapport publié en 2021 par le centre de recherche israélien ALMA révèle que le Hezbollah a construit de nombreux tunnels souterrains à travers le Liban, notamment dans le sud du pays, dans certaines parties de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa. Le journal français Libération rapporte que le réseau de tunnels du Hezbollah est remarquablement sophistiqué, s’étendant sur des centaines de kilomètres et atteignant même la Syrie.
Mais aujourd’hui, face à la menace d’une nouvelle guerre israélo-libanaise, les analystes prévoient que tout conflit futur sera fortement influencé par les avancées technologiques militaires et moins par le labyrinthe de tunnels qui a caractérisé les affrontements précédents.
Depuis 2023, le Hezbollah a présenté des armes de pointe capables d’abattre des drones israéliens et de détruire leurs systèmes de défense aérienne, alors que Nasrallah affirme qu’il n’a utilisé qu’une fraction de son arsenal.
Valeur tactique contre valeur stratégique
Si M. Nasrallah met souvent en avant l’armement avancé du Hezbollah, il reste silencieux sur les réseaux de tunnels, ce que Tel-Aviv juge préoccupant. Cela soulève la question de savoir si ces tunnels ont encore une importance stratégique face aux progrès rapides de l’armement.
Comme l’explique Andreas Krieg, professeur adjoint au King’s College de Londres, à The Cradle :
Les tunnels construits par le Hezbollah au cours des 15 dernières années dans le sud du Liban ont une valeur tactique et opérationnelle, mais pas stratégique. En d’autres termes, alors que le système de tunnels est le centre de gravité du Hamas à Gaza, le système de tunnels au Sud-Liban n’est qu’un multiplicateur de force pour le Hezbollah, qui lui donne un avantage militaire par rapport à l’infanterie des FDI.
Krieg explique qu’il existe différents types de tunnels : les tunnels de surface utilisés pour déplacer des agents et du matériel, qui peuvent être détruits depuis les airs, et les tunnels plus profonds, renforcés de béton, qui servent de centres de commandement et d’entrepôts d’armes. Les tunnels plus profonds, dont certains atteignent 60 mètres sous terre, sont presque imperméables aux frappes aériennes israéliennes et ont été construits avec le soutien de la Corée du Nord et de l’Iran.
Il suggère que l’efficacité des efforts d’Israël pour détruire ces tunnels dépendra de sa capacité à maintenir sa suprématie aérienne, comme en 2006. Toutefois, les progrès de la technologie des drones et de la technologie anti-drones pourraient compliquer cette tâche. L’utilisation potentielle par le Hezbollah de la technologie iranienne pour abattre les drones israéliens pourrait équilibrer les capacités de renseignement entre les deux parties.
Aujourd’hui, M. Krieg estime que la destruction des tunnels ne changera pas la donne : « Comme les tunnels n’ont pas la même importance stratégique pour le Hezbollah que pour le Hamas à Gaza, la destruction du système de tunnels n’est pas aussi problématique pour le Hezbollah ».
Les multiples facettes des tunnels du Hezbollah
Nicholas Blanford, un expert américain des opérations militaires du Hezbollah, explique à The Cradle que « les tunnels sont toujours très importants pour le Hezbollah, qu’il s’agisse de tunnels transfrontaliers ou d’une partie des réseaux de tunnels/bunkers qu’il a établis dans le sud du Liban et ailleurs ».
« Ils restent une priorité stratégique », poursuit-il. M. Blanford pense que les tunnels seront utilisés pour stocker et abriter des combattants, ainsi que pour infiltrer Israël afin de mener des attaques. Il suggère également que le Hezbollah pourrait reconfigurer ou agrandir les tunnels pour servir différents objectifs tactiques en fonction de l’évolution des besoins.
Blanford souligne l’importance stratégique des tunnels dans l’infrastructure militaire du Hezbollah. Même avec la mise en œuvre potentielle de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui vise à servir de médiateur entre le Liban et Israël et à limiter les activités militaires du Hezbollah, en particulier au sud du fleuve Litani, les tunnels continueraient à jouer un rôle essentiel.
Par exemple, ils pourraient permettre au Hezbollah de repérer des soldats ou des véhicules israéliens se dirigeant vers une position et d’attaquer immédiatement. Cela signifie que le Hezbollah est toujours déployé jusqu’à la Ligne bleue qui délimite la frontière entre les deux pays et qu’il peut réagir en temps réel aux mouvements israéliens.
Cela met également en lumière les pressions persistantes exercées par les États-Unis pour que le Hezbollah retire ses forces à au moins huit kilomètres de la frontière. Si cette mesure était respectée, elle limiterait considérablement la présence et les activités militaires du Hezbollah dans la région.
Nécessaire mais pas essentiel
Dans un entretien accordé au journal The Cradle, le journaliste militaire libanais Ali Jezzini note que l’utilité des tunnels fluctue en fonction de la capacité du Hezbollah à perturber la puissance de feu israélienne. Pendant la guerre de 2006, les combattants du Hezbollah ont utilisé des tunnels et des tranchées pour résister avec férocité aux forces israéliennes.
M. Jezzini estime que les tunnels resteront essentiels, en particulier dans les zones désignées comme « réserves naturelles », qui servent de forteresses souterraines et de positions défensives.
Il rappelle que ces tunnels ont constitué un obstacle majeur pour Israël lors de la guerre de 2006. Les combattants du Hezbollah à Maroun al-Ras et dans ses environs ont férocement combattu les forces d’occupation israéliennes à partir de ces tranchées et tunnels.
Jezzini souligne toutefois que l’importance des tunnels n’est pas uniquement liée à leur capacité à perturber les opérations des forces aériennes ; les labyrinthes souterrains resteront nécessaires pour des raisons sans rapport avec les opérations aériennes, par exemple pour servir d’abris afin de protéger le personnel et le matériel de l’artillerie de l’État d’occupation.
D’une manière générale, les tunnels restent très nécessaires, d’autant plus que l’élément de surprise sera absent, contrairement à ce qui s’est passé pour le Hamas le 7 octobre.
En fin de compte, le rôle que joueront ces réseaux de tunnels dans tout conflit futur entre Israël et le Hezbollah reste incertain. Si leur importance stratégique est peut-être moindre qu’en 2006, ils pourraient néanmoins offrir de précieux avantages tactiques lors d’une prochaine guerre.
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