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Si la conférence de presse du Président, jeudi soir, n’a pas ressemblé au débat désastreux du 27 juin, elle a de nouveau montré un homme diminué qui, enfermé dans sa logique, écarte toujours l’idée de renoncer à sa candidature.

Philippe Paquet

President Joe Biden walks from the podium after a news conference Thursday July 11, 2024, on the final day of the NATO summit in Washington. (AP Photo/Jacquelyn Martin)
Joe Biden lors de sa conférence de presse ©Copyright 2024 The Associated Press.

Il est rare que, lors d’une conférence de presse, la forme importe plus que le fond, que ce qui est dit compte moins que la manière de le dire. C’était le cas jeudi soir, quand Joe Biden s’est présenté devant les médias après le sommet de l’Otan. Sa première prestation de ce genre cette année et la première surtout depuis son catastrophique débat du 27 juin avec Donald Trump. Tout l’enjeu était pour lui de rassurer sur son état de santé et ses capacités, de démontrer qu’il était toujours à la hauteur de la tâche, et de prouver qu’il n’avait aucune raison de renoncer à sa candidature à l’élection présidentielle.

Les choses avaient plutôt mal commencé. Avant la conférence de presse, alors que l’Alliance atlantique achevait ses travaux, Joe Biden avait introduit à la tribune Volodymyr Zelensky en annonçant… « le président Poutine ». Il s’est immédiatement repris, tentant de transformer la bourde en plaisanterie, mais le mal était fait. On a beau se rappeler que Donald Trump commet lui aussi pareilles bévues – il avait, par exemple, réussi à confondre son ancienne ambassadrice à l’Onu Nikki Haley, devenue sa rivale dans les primaires, avec l’ex- » speaker » démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, qui était son ennemie jurée. Il n’en reste pas moins que, de la part de Joe Biden, dans les circonstances actuelles, la gaffe est dévastatrice.

🇺🇸 Joe Biden, qui joue désormais sa survie politique à chaque apparition publique, a fait jeudi une gaffe monumentale, annonçant le « président Poutine » alors qu’il accueillait le chef d’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky lors du sommet de l’Otan #AFPVertical ⤵️ pic.twitter.com/riTtTt3RaZ— Agence France-Presse (@afpfr) July 12, 2024

Fier de son bilan

Joe Biden entend balayer les critiques en souhaitant qu’on le juge non sur une heure et demie de débat, mais sur trois ans et demi de présidence. C’est la stratégie qu’il a voulu poursuivre jeudi soir. Dans ses remarques préliminaires, il s’est réjoui que l’Alliance atlantique soit plus forte – et « plus grande », grâce à l’adhésion de la Finlande et de la Suède. Il a opposé ce résultat à la politique de son prédécesseur, qui ne cherchait qu’à affaiblir l’Otan et est prêt à abandonner les alliés de l’Amérique. Il a adopté un ton de campagne en épinglant trois bonnes nouvelles : le recul de l’inflation, une situation qui s’améliore sur le front de l’immigration à la frontière avec le Mexique, et la perspective d’un accord pour un cessez-le-feu à Gaza.

Cependant, l’impression s’est détériorée au fil des questions posées pendant près d’une heure. Si le Président a semblé maîtriser ses dossiers, le débit est devenu plus soporifique, loin de suggérer la vigueur qu’on attendrait d’un candidat prêt au combat. Les explications sont vite apparues décousues et embrouillées. Joe Biden a de nouveau eu quelquefois cet air halluciné qu’on avait observé avec effroi le 27 juin. Il a souvent perdu le fil de sa pensée, oubliant systématiquement la seconde question quand on lui en posait deux, répétant interminablement les mêmes arguments, s’égarant dans des raisonnements qu’il interrompait par un « de toute façon » (« anyway ») aussi dépité qu’incongru.

Et décidé à rester

Assailli de questions sur ses intentions, Joe Biden a sans surprise réaffirmé qu’il restait dans la course, se justifiant par le souci de « vouloir terminer ce qui a été commencé » et par la conviction d’être « le meilleur candidat possible », quand bien même des sondages récents donnent plus de chances à Kamala Harris de battre Donald Trump en novembre. Pressé de dire s’il avait des réticences à passer éventuellement le flambeau à celle-ci, il a répondu qu’elle était évidemment qualifiée pour être présidente, sinon il ne l’aurait pas choisie comme vice-présidente. Il ne s’en est pas moins enfermé jusqu’au bout dans une logique égotique qui avait des accents pathétiques.

D’aucuns auront néanmoins trouvé Joe Biden beaucoup plus sur la défensive que lors de l’entretien qu’il avait accordé vendredi dernier à George Stephanopoulos sur ABC. Il a même paru, sur la fin, ne pas totalement exclure, en dépit de ses dénégations antérieures, la possibilité de s’effacer. Il serait, en effet, acceptable, a-t-il dit, que les délégués à la Convention nationale démocrate lui préfèrent un autre candidat, le mois prochain, en dépit du « soutien écrasant » qu’il a reçu lors des primaires.

Avant la conférence de presse, le député démocrate du Texas Lloyd Doggett, qui fut le premier à réclamer publiquement le retrait de Joe Biden, avait indiqué que la prestation du Président jeudi soir ne suffirait pas, quoi qu’il arrive, à dissiper les doutes. Il est possible qu’elle les ait renforcés. L’exercice à peine déterminé, le député démocrate du Connecticut Jim Hines n’a-t-il pas rallié, par voie de communiqué, les quatorze élus qui ont déjà invité Joe Biden à se retirer ?

La Libre