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La dissolution de l’Assemblée nationale devait provoquer une « clarification », mais le paysage politique reste brouillé. Les macronistes, la droite et la gauche se partagent des leviers importants au Palais-Bourbon, dont le RN a été écarté, tandis que le poste de rapporteur général du budget échappe au camp présidentiel.

Corinne Laurent

Quand Emmanuel Macron a pris la décision« grave » de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées, il a misé sur une « clarification » du paysage politique. Après l’installation de la nouvelle Assemblée, du jeudi 18 au samedi 20 juillet, la situation demeure toujours confuse, pour ne pas dire baroque. La répartition des postes clés au Palais-Bourbon a donné lieu à trois jours de tractations et de tensions entre les différentes forces politiques, sans qu’il soit possible de distinguer de véritables gagnants et l’esquisse d’une future coalition gouvernementale.

Certes, la présidente sortante de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a été reconduite au perchoir – à la faveur d’une entente entre les macronistes et le groupe Droite républicaine (ex-Les Républicains), présidé par Laurent Wauquiez –, mais le Nouveau Front populaire a remporté, à la surprise générale, la majorité absolue des sièges au bureau. Celui-ci est composé avec la présidente de 6 vice-présidents, 3 questeurs et 12 secrétaires. Grâce au soutien de la droite, la coalition présidentielle a rectifié le tir en se maintenant à la tête de 6 des 8 commissions permanentes, dont celle des lois.

Deux opposants à la commission des finances

En revanche, le camp présidentiel a perdu la main sur le budget, qui sera le sujet majeur de la rentrée, dans un contexte de dégradation des finances publiques qui pourrait valoir à la France d’être placée par Bruxelles en procédure de déficit excessif. La Cour des comptes a d’ailleurs appelé à prendre des décisions rigoureuses. L’entente entre les macronistes et Droite républicaine pour installer une élue LR à la présidence de la commission des finances a échoué, et le député La France insoumise Éric Coquerel a été réélu à ce poste.

Mais surtout – autre surprise –, c’est le député centriste Charles de Courson, connu pour son opposition à la réforme des retraites en 2023, qui a été élu rapporteur général du budget, poste stratégique habituellement dévolu à un député soutenant l’exécutif. Élu sans interruption depuis 1993, ce spécialiste des finances publiques a été désigné au bénéfice de l’âge, face au macroniste Jean-René Cazeneuve. Le nouveau rapporteur général pourrait se montrer exigeant. En mars, Charles de Courson avait en effet dénoncé « l’insincérité » du budget 2024, après avoir signalé un mois plus tôt l’annulation « d’un trait de plume » de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État.

Des propositions pour un « pacte législatif »

Dans cette nouvelle configuration politique, le Rassemblement national, groupe le plus important, a été tenu à part de la distribution des postes. Ni vice-présidence, alors qu’il en détenait deux depuis 2022, ni questeur, ni secrétaire au bureau de l’Assemblée. Le RN a seulement obtenu des représentants aux vice-présidences de six commissions, dont celles des finances et de la défense. La cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, a estimé que l’Assemblée nationale était devenue une « zone de non-droit ». Favorable à ce que toutes les forces politiques soient représentées au bureau, Yaël Braun-Pivet a assuré que sa voix serait « entendue ».

Cette étape de « structuration » de la nouvelle Assemblée accomplie, Emmanuel Macron va observer les discussions parlementaires s’étirer pendant l’été – « en parallèle » des Jeux olympiques, dit l’Élysée. Et rien n’empêche que du désordre sortent des compromis… Dès lundi 22 juillet, sous l’impulsion de Laurent Wauquiez, qui a orchestré opportunément son retour sur la scène nationale, Droite républicaine va présenter un « pacte législatif » avec des mesures sur le travail, l’autorité ou l’immigration pour « répondre aux problèmes du pays ». Le premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a lui aussi promis pour bientôt des « propositions pour un pacte d’action », sans doute sur les moyens de maîtriser le déficit et sur les questions de souveraineté.

Macronistes et ex-LR vont-ils parvenir à prolonger l’arrangement conclu pour les postes au Palais-Bourbon, alors que Droite républicaine s’est posée en « groupe d’opposition responsable » et exclut toute « coalition » ? Pour sortir des blocages, elle devra clarifier son positionnement et la coalition présidentielle tendre la main à des sociaux-démocrates aussi. Quant à la gauche, qui a échoué à prendre le perchoir, ses désaccords sur le nom d’un premier ministre l’éloignent chaque jour de la perspective de gouverner seule.

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Le bureau de l’Assemblée nationale est composé de 22 membres. Parmi eux, il y a 6 vice-présidents, dont Xavier Breton et Annie Genevard (Droite républicaine, DR), Clémence Guetté et Nadège Abomangoli (La France insoumise, Nouveau Front populaire), et 3 questeurs : Christine Pirès Beaune (Socialistes), Brigitte Klinkert (Ensemble pour la République, macroniste, EPR) et Michèle Tabarot (DR).

La présidence de la commission des finances reste entre les mains d’Éric Coquerel (LFI). Le poste de rapporteur général du budget revient à Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires).

Florent Boudié (EPR) préside la commission des lois, Jean-Noël Barrot (Démocrates) celle des affaires étrangères, Paul Christophe (Horizons) celle des affaires sociales et Fatiha Keloua Hachi (PS) celle des affaires culturelles.

La Croix