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Tel-Aviv a bombardé un port vital du Yémen en représailles à une attaque de drone, mais si l’histoire se répète, cela n’aura pas d’importance.
Daniel Larison

Les forces israéliennes ont attaqué samedi des « infrastructures civiles vitales » dans le port de Hodeidah, au Yémen, en réponse à une attaque de drone des Houthis à Tel-Aviv, selon Mwatana, une importante organisation indépendante de défense des droits de l’homme au Yémen.
L’armée israélienne a affirmé avoir touché des « cibles militaires », mais Mwatana rapporte que les frappes ont causé des dommages importants aux installations pétrolières, aux réservoirs de carburant, ainsi qu’au quai et aux grues du port, qui sont tous essentiels pour approvisionner la population civile du nord du Yémen en carburant et en nourriture, dont elle a grand besoin.
Le groupe a également déclaré que les frappes avaient mis hors service la centrale électrique qui alimente toute la ville en électricité. Les autorités houthies affirment que les frappes ont tué au moins trois personnes et en ont blessé 87. Nick Brumfield, chercheur spécialiste du Yémen, a commenté le choix des cibles par les Israéliens : « L’attaque israélienne contre les installations de stockage de pétrole de Hudaydah n’est pas un exemple de dissimulation d’armes par les Houthis dans des infrastructures civiles et de bombardement de ces dernières. Pour autant que je puisse en juger, il s’agit d’une attaque israélienne visant délibérément des infrastructures civiles vitales en tant que telles ».
Le gouvernement israélien a utilisé au Yémen les mêmes tactiques que celles qu’il a employées avec un effet dévastateur à Gaza.
La riposte israélienne représente une escalade majeure contre les Houthis, qui lancent sans succès des drones et des missiles sur des cibles israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza. Les attaques ont fait des ravages : le port israélien d’Eilat est aujourd’hui en faillite, tous les navires ayant été redirigés vers des itinéraires plus sûrs, et la marine américaine a dépensé plus d’un milliard de dollars pour intercepter les armes bien moins coûteuses des Houthis dans la mer Rouge.
Tout comme la campagne de bombardement inefficace menée par les États-Unis et le Royaume-Uni contre les Houthis depuis janvier, ces frappes israéliennes font le jeu des Houthis, la milice armée et le mouvement politique qui constituent le gouvernement de facto du nord du Yémen depuis dix ans. Un conflit direct avec les États-Unis et Israël renforce considérablement la position politique intérieure des Houthis, et leur opposition à la guerre à Gaza a également amélioré leur profil international.
La journaliste Iona Craig a fait remarquer sur BlueSky que les frappes sont un cadeau pour les Houthis : « Pour un groupe dont l’existence, l’évolution et l’expansion dépendent de la guerre, on leur offre tout ce dont ils ont besoin.
En plus d’être une réponse disproportionnée à l’attaque de drone, les frappes sur Hodeidah semblent certaines de provoquer les Houthis à lancer d’autres attaques contre Israël. Hodeidah était une cible fréquente des frappes aériennes de la coalition saoudienne avant l’entrée en vigueur de la trêve de 2022, mais cela n’a pas mis fin aux attaques des Houthis contre des cibles saoudiennes et émiriennes. Après plus de neuf ans de bombardements des villes yéménites par des gouvernements étrangers, il devrait être clair que cela ne sert à rien, si ce n’est à infliger la misère et la mort aux civils yéménites.
Selon Haaretz, l’armée israélienne sait que frapper le Yémen ne dissuadera probablement pas les Houthis de lancer davantage de drones et de missiles. L’escalade contre les Houthis ne renforcera pas la sécurité d’Israël, mais elle pèsera davantage sur ses ressources en rapprochant la région d’une guerre plus vaste. Tant que les États-Unis continueront à soutenir la guerre d’Israël à Gaza et à mener leur propre campagne militaire au Yémen, ils risquent fort de s’enliser davantage dans cette guerre plus vaste.
Les personnes qui souffriront le plus des frappes israéliennes sont, comme toujours, la population civile du Yémen qui a déjà enduré une décennie de guerre et de privations. M. Craig a ajouté : « Tout en aidant les Houthis, ces frappes performatives ne font que nuire au peuple yéménite en ciblant le principal point d’entrée de la nourriture dans un pays qui importe plus de 70 % de ses approvisionnements alimentaires et 90 % de son blé ».
En effet, les États-Unis se sont abstenus de cibler le port dans leur campagne de bombardement, craignant que cela n’aggrave la crise humanitaire en cours dans le pays.
Avec les frappes israéliennes au Yémen, il sera plus difficile pour l’administration Biden de prétendre que les attaques des Houthis contre les navires commerciaux de la mer Rouge n’ont rien à voir avec la guerre à Gaza. L’administration veut garder ces conflits dans des boîtes séparées pour maintenir l’illusion qu’elle a empêché la guerre à Gaza de déstabiliser la région, mais ils sont tous manifestement liés. Ignorer cette réalité ne rend service à personne.
Si les États-Unis veulent voir cesser les attaques des Houthis contre les navires et celles dirigées contre Israël, ils doivent cesser d’essayer d’obtenir une désescalade par des bombardements et faire réellement pression sur le gouvernement israélien pour qu’il mette fin à sa campagne à Gaza. La guerre à Gaza est le principal moteur de tous ces autres conflits, et aucun d’entre eux ne sera résolu avec succès tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu durable et de fin du blocus qui étrangle le peuple palestinien.
À tout le moins, les États-Unis devraient faire pression sur le gouvernement israélien pour qu’il évite toute nouvelle escalade contre d’autres pays de la région. Pour ce faire, il faut notamment adresser un message clair au Premier ministre israélien, M. Netanyahou, lors de sa visite à Washington cette semaine : les États-Unis ne le soutiendront pas s’il entre en guerre au Liban. La région ne peut pas se permettre de nouveaux conflits, et les États-Unis doivent cesser d’alimenter ceux qui existent déjà en leur fournissant davantage d’armes et de soutien.
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