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Benjamin Netanyahu, conflit israélo-palestinien, Gaza, Israël, le Hezbollah, Liban
En cas de guerre, le Hezbollah peut compter sur l’arrivée de combattants iraniens et de ses autres mandataires, ainsi que de combattants islamiques extérieurs à la région.
Amin Saikal, professeur émérite d’études sur le Moyen-Orient et l’Asie centrale, Australian National University

Le Moyen-Orient est au bord d’une guerre régionale potentiellement dévastatrice, les hostilités entre Israël et le Hezbollah ayant atteint un niveau extrêmement dangereux.
Washington s’est engagé dans une diplomatie intense pour persuader les protagonistes de s’éloigner du bord du gouffre. Mais les efforts des États-Unis n’ont pas porté leurs fruits jusqu’à présent, étant donné qu’ils n’ont pas suffisamment d’influence sur les deux parties.
Un grand accord entre Israël, le Hezbollah et leurs soutiens extérieurs est désormais nécessaire pour éviter une guerre régionale.
Netanyahou ne tient qu’à un fil
La gestion de la guerre de Gaza par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a enhardi le groupe militant Hezbollah au Liban et ses partisans.
L’échec d’Israël à atteindre ses deux principaux objectifs dans la guerre – détruire le Hamas et sauver les otages israéliens – a isolé et affaibli M. Netanyahou. Sa poursuite des opérations de terre brûlée à Gaza, sans aucun plan pour mettre fin à la guerre ou gérer l’enclave par la suite, a mis en péril sa position, ainsi que celle d’Israël.
Une majorité de l’opinion publique israélienne souhaite désormais qu’il quitte ses fonctions. Il s’accroche au pouvoir avec le soutien étroit des éléments extrémistes de son cabinet et de la direction des forces de défense israéliennes. Il s’est même aliéné ses partisans juifs ultra-orthodoxes traditionnels, qui refusent de servir dans l’armée et dont Washington, soutien de toujours d’Israël, se méfie largement.
Les généraux israéliens ont également exprimé leur inquiétude quant au manque de munitions et à l’épuisement des troupes à Gaza. Ils lui ont demandé d’accepter un cessez-le-feu avec le Hamas, afin qu’Israël puisse affronter efficacement le Hezbollah.
Mais le premier ministre est resté inflexible et a accusé à tort l’administration Biden de retenir les livraisons d’armes qui pourraient lui permettre de mettre fin plus tôt à la campagne de Gaza et de se tourner vers la lutte contre le Hezbollah.
La puissance du Hezbollah
Il ne fait aucun doute que le Hezbollah est depuis longtemps une épine dans le pied d’Israël.
Dans son discours devant la session conjointe du Congrès américain, mercredi, M. Netanyahou a souligné que la lutte contre le Hezbollah et son protecteur, l’Iran, était dans l’intérêt non seulement d’Israël, mais aussi de l’Amérique.
80 000 de nos concitoyens du nord d’Israël ont évacué leurs maisons, devenant de fait des réfugiés dans leur propre pays. Nous nous sommes engagés à les ramener chez eux. Nous préférons y parvenir par la voie diplomatique.
Mais soyons clairs : Israël fera tout ce qu’il faut pour rétablir la sécurité à notre frontière septentrionale et permettre à nos concitoyens de rentrer chez eux en toute sécurité.
Israël a tenté à plusieurs reprises d’affaiblir ou de détruire le Hezbollah depuis son émergence en tant que force politique et paramilitaire majeure au Liban au début des années 1980.
Pourtant, les efforts d’Israël, et plus particulièrement sa campagne militaire de 2006, ont échoué. La capacité du Hezbollah à survivre a renforcé sa puissance et celle de l’Iran et de ses autres affiliés, dont le Hamas, dans la région.
Le Hezbollah est aujourd’hui le groupe militant subnational le plus puissant du monde. Il disposerait de 100 000 combattants aguerris, d’un vaste arsenal d’armes (y compris des missiles et des drones avancés) et d’une force organisationnelle et d’un soutien infrastructurel remarquables.
Il s’agit d’un élément essentiel de l’« axe de la résistance », dirigé par l’Iran et majoritairement chiite, dont les membres considèrent le martyre comme un article de foi.
Le président iranien nouvellement élu, Masoud Pezeshkian, issu de la faction réformiste de la politique iranienne, a réaffirmé le soutien indéfectible de Téhéran au Hezbollah contre Israël dans le cadre de son complexe de sécurité régionale.
En cas de guerre, le Hezbollah peut compter sur des milliers de combattants iraniens et de ses autres mandataires, ainsi que sur des combattants islamiques extérieurs à la région. Les talibans, par exemple, ont déjà promis d’envoyer de nombreux combattants d’Afghanistan pour aider le Hezbollah.
Bien qu’Israël, les États-Unis et nombre de leurs alliés aient traité le Hezbollah comme une organisation terroriste, la Ligue arabe a récemment décidé de ne pas qualifier le groupe d’organisation terroriste, compte tenu de sa popularité croissante dans le monde arabe et musulman.
Un grand marché
Israël n’est plus considéré comme la puissance dominante de la région. La guerre de Gaza et l’escalade des échanges militaires avec le Hezbollah, les Houthis yéménites et l’Iran ont révélé les vulnérabilités d’Israël.
Il possède peut-être encore la puissance de feu nécessaire pour écraser Beyrouth de la même manière qu’il l’a fait à Gaza, mais il lui faudrait l’implication directe des États-Unis pour sortir d’une guerre avec le Hezbollah avec un certain degré de résilience ou de bien-être.
Les États-Unis continuent d’insister sur leur engagement sans faille en faveur de la sécurité d’Israël, mais il leur serait très difficile de soutenir une guerre au Liban, en particulier à l’approche d’une élection cruciale. Cela déclencherait probablement le soutien de la Russie, de la Chine et de la Corée du Nord à l’Iran et, par extension, au Hezbollah et à d’autres éléments de l’« axe de la résistance ».
Dans le cadre d’un grand marchandage, Israël, le Hezbollah et leurs soutiens extérieurs devraient parvenir à un accord diplomatique pour créer des zones tampons de sécurité mutuellement acceptables de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise.
Pour ce faire, Israël et le Hamas doivent d’abord s’entendre sur un cessez-le-feu à Gaza et sur un échange d’otages et de prisonniers, afin de jeter les bases d’un règlement durable de la question palestinienne. Jusqu’à présent, M. Netanyahou s’y est opposé. Il craint que cela ne l’oblige à quitter ses fonctions et ne le conduise en prison pour des accusations de corruption et de fraude.L’histoire du Moyen-Orient a montré à maintes reprises que les conflits armés et les interventions extérieures n’ont jamais abouti à la paix et à la stabilité.
Au contraire, ils n’ont fait qu’aggraver les problèmes de la région. La situation au Moyen-Orient est explosive et il faut faire preuve de sang-froid pour éviter une nouvelle inflammation.
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