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par Edouard Husson

Les négociations sur Gaza continuent sans qu’aucun progrès soit fait sur les exigences des deux belligérants: Netanyahu ne veut pas d’un cessez-le-feu durable; et Yahya Sinwar ne veut pas d’une présence militaire continuée des Israéliens à Gaza. Pourtant le gouvernement Biden continue à maintenir en vie les négociations, dans l’espoir d’un succès, qui augmenterait les chances de Kamala Harris. En attendant, les otages israéliens ont de moins en moins de chances de survie tandis que l’armée israélienne continue à bombarder Gaza.

Camp de réfugiés de Djabalia au nord de Gaza, 26 août 2024. Photo: Mahmoud Issa/Anadolu via Getty Images

Les négociations indirectes entre Israël et le Hamas (au nom de la Résistance Palestinienne) continuent, alternativement à Doha et au Caire:

Dimanche [25 août] et lundi, des fonctionnaires d’Israël, du Hamas, du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis ont poursuivi leurs discussions au Caire sur le texte de l’accord.

  • « Les progrès se poursuivent et notre équipe sur le terrain continue de qualifier les discussions de constructives », a déclaré lundi le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, à la presse.
  • Les négociations se sont achevées dans la nuit de lundi à mardi, les responsables israéliens retournant en Israël et les responsables du Hamas retournant à Doha pour consulter leurs dirigeants.
  • Mercredi, une délégation israélienne composée de responsables du Mossad, des Forces de défense israéliennes et du Shin Bet s’est rendue à Doha pour poursuivre les pourparlers indirects avec le Hamas par l’intermédiaire de médiateurs des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte, ont indiqué des responsables israéliens.
  • Les discussions à Doha se sont terminées jeudi soir et la délégation israélienne est rentrée en Israël.

Les Etats-Unis prennent le problème à l’envers

Selon Axios, que nous citons ci-dessus, les Etats-Unis ont décidé de commencer par le (relativement) plus facile. Les discussions portent essentiellement sur la liste des otages israéliens et celle des prisonniers palestiniens qui seraient libérés.

Les Etats-Unis peuvent ainsi maintenir les négociations en vie. Le Mossad, qui participe aux négociations côté israélien, espère intercepter la communication décisive qui leur permettra de localiser Sinwar. Et le Hamas sait qu’il permet, en négociant, à l’Iran de continuer à préparer son opération de représailles pour l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh à Téhéran.

Au-delà, tout est incertain:

  • Les responsables américains et israéliens espèrent que lorsque le paquet sera prêt, le Hamas verra qu’il obtient la plupart de ce qu’il voulait : Au moins six semaines de cessez-le-feu, la libération de centaines de prisonniers, le retour des Palestiniens déplacés dans leurs foyers, un afflux d’aide humanitaire à Gaza (), la reconstruction initiale () et le traitement médical de centaines de militants du Hamas blessés en Égypte.
  • Les questions épineuses, notamment la demande du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de conserver le contrôle total de la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza et de surveiller les déplacements des Palestiniens du sud de la bande de Gaza vers le nord, et la demande du chef du Hamas Yahya Sinwar que l’accord conduise à la fin de la guerre, seront reportées à la dernière étape des pourparlers.
  • « Les patates chaudes politiques seront laissées pour la fin, puis les États-Unis présenteront probablement une proposition de rapprochement actualisée et définitive aux parties et leur feront prendre une décision », a déclaré un fonctionnaire israélien.

Netanyahu ne veut pas d’accord avant les élections américaines

Une analyse parue dans Al-Monitor explique bien les calculs actuels de Benjamin Netanyahu. Premièrement, après la libération d’un otage israélien il y a quelques jours, il est persuadé que les forces de défense et de sécurité israéliennes vont découvrir Yahya Sinwar et le capturer ou l’éliminer. Deuxièmement, le Premier ministre israélien aurait choisi Trump et ne souhaiterait pas procurer aux Démocrates la victoire d’un cessez-le-feu, même provisoire:

Malgré une forte pression intérieure pour parvenir à un accord avec le Hamas sur les otages restants en échange d’un cessez-le-feu à Gaza, la perspective de la capture ou de l’assassinat de Sinwar alimente les tactiques dilatoires de Netanyahou dans les pourparlers en cours.
« Netanyahou pense qu’une fois Sinwar éliminé, il sera beaucoup plus facile de parvenir à un accord mettant fin à la saga des otages », a déclaré une source diplomatique israélienne de haut rang à Al-Monitor sous le couvert de l’anonymat. « Une fois que nous aurons éliminé les hauts responsables du Hamas, ceux qui remplaceront Sinwar, Deif et leurs amis s’efforceront de mettre fin à la guerre dès que possible et de payer le prix que Sinwar a refusé d’accepter ».
Pendant ce temps, les négociations se poursuivent. (…)
« Tout cela pour sauver les apparences », a déclaré à Al-Monitor une source israélienne au fait des négociations, sous couvert d’anonymat. Selon cette source, M. Netanyahou a fait preuve de peu de flexibilité en ce qui concerne la résolution de deux points de friction majeurs : La demande d’Israël pour une présence militaire continue le long de la frontière sud de Gaza avec l’Egypte [Corridor Philadelphie] et le long d’un corridor découpé par Israël coupant la partie nord de Gaza de sa partie sud [Corridor Netzarim]. « Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, il n’y aura pas d’accord », a déclaré la source. (…)
Les Américains n’ont pas d’influence significative sur le Hamas. (…) L’influence des Etats-Unis sur Israël est également limitée. « M. Netanyahou ne compte pas sur le président Joe Biden en ce moment », a déclaré la source diplomatique israélienne de haut rang. « Il est reconnaissant à l’armada américaine envoyée ici pour défendre Israël contre l’Iran et le Hezbollah, mais il sait que M. Biden n’a pas d’autre choix et ne peut pas se permettre d’abandonner Israël à la veille des élections.
Les collaborateurs de Netanyahou admettent que le premier ministre compte sur un retour de l’ancien président américain Donald Trump, un dirigeant dont il est publiquement proche. « Dans le même temps », a déclaré la source politique israélienne de haut rang, »le premier ministre se prépare à toute éventualité. Une éventuelle victoire de [la vice-présidente et candidate démocrate] Kamala Harris serait un désastre pour lui, encore plus grand que les deux victoires de [l’ancien président] Barack Obama. »

Pendant ce temps, les chances de survies des otages israéliens et des Palestiniens de Gaza s’amenuisent.

Le Courrier des Stratèges