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Si Israël s’en est sorti sans trop de mal sur le plan économique lors de précédents épisodes guerriers, celui-ci est très long et nécessite des dépenses considérables…

Vincent Braun

A woman walks past a closed shop in Haifa, Israel, Thursday, Aug. 15, 2024. (AP Photo/Leo Correa)
Un des nombreux magasins fermés d’Israël, ici à Haïfa. ©Copyright 2024 The Associated Press. All rights reserved.

Outre celles du Hamas palestinien, du Hezbollah libanais et de l’Iran, une menace d’une nature autre que militaire plane sur Israël : elle est économique. L’adage l’énonce bien : l’argent est le nerf de la guerre. Pas seulement parce que faire la guerre coûte cher mais aussi parce que celle-ci pèse, parfois lourdement, sur l’économie du pays concerné. Surtout lorsque le conflit a tendance à s’éterniser, voire à s’étendre. Ce qui est le cas, depuis près de onze mois, de la guerre menée par l’État juif contre le Hamas dans la bande de Gaza.

Jusqu’ici, les dépenses liées à la guerre ont dépassé les 80 milliards de shekels (20 milliards d’euros). Mais, la facture totale pourrait atteindre les 120 milliards de shekels (30 milliards d’euros), soit vingt pour cent du Produit intérieur brut (PIB) d’Israël, selon les calculs de l’économiste Jacob Sheinin. Cette personnalité influente, qui a conseillé des Premiers ministres et d’autres ministres israéliens, estime que l’économie du pays est en difficulté et que la meilleure manière de la faire rebondir serait de mettre un terme au conflit à Gaza. Mais, prévient-il, « si nous nous obstinons à continuer cette guerre, nous ne nous relèverons pas ». Car si Israël s’en est sorti sans trop de mal lors de précédents épisodes guerriers, y compris contre le Hamas à Gaza, celui-ci est très long et nécessite des dépenses militaires considérables, d’importantes compensations aux 360 000 réservistes rappelés sous les drapeaux ainsi qu’aux milliers de familles de victimes, des coûts de reconstruction des villages et kiboutz sinistrés le 7 Octobre…

Explosion du déficit

Dimanche dernier, le gouvernement Netanyahou a approuvé une rallonge budgétaire de 3,4 milliards de shekels (840 millions d’euros) à titre d’aide pour les évacués de ce qu’il nomme les « zones de conflit », soit les communautés proches de la barrière de Gaza et de la frontière nord du pays. Depuis le lendemain des attaques du Hamas en Israël, des dizaines de milliers d’habitants établis tout le long de la frontière libanaise, qui sont exposés aux tirs quotidiens du Hezbollah (en soutien au Hamas), se sont vus contraints de quitter leur domicile pour être relogés dans des hôtels loin de tout danger immédiat. Tout comme ceux qui ont été évacués des villages meurtris en lisière du territoire gazaoui.

Cet ajustement, qui doit être prochainement soumis au vote des parlementaires de la Knesset, doit couvrir les frais de déplacement et d’hébergement de ces personnes jusqu’à la fin de l’année – ce qui signifie que l’exécutif envisage que le conflit se prolonge sur les quatre prochains mois. Le ministre des Finances, l’ultranationaliste sioniste-religieux Bezalel Smotrich, estime que ces coûts additionnels n’accentueront pas le déficit prévu pour l’année en cours, fixé à 6,6 % du PIB au lieu des 2,25 % prévus initialement. En juin et juillet, suite à la hausse des dépenses militaires, ce déficit a toutefois atteint successivement 7,6 % puis 8,1 % du PIB…

Dommages durables

« Il incombe au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, même si certaines d’entre elles ne sont pas populaires, pour garantir la stabilité économique et promouvoir une croissance durable », a prévenu mi-juillet Amir Yaron, le gouverneur de la Banque centrale d’Israël. Pour lui, Israël risque de voir augmenter sa prime de risque dès lors que les marchés percevront que « le ratio de la dette par rapport au PIB est en train de devenir incontrôlable ».

Plusieurs agences internationales ont déjà dégradé la notation d’Israël sur les marchés financiers. L’Américaine Fitch l’a abaissé, plus tôt ce mois-ci (de A-plus à A), suivant des dégradations analogues de Standard & Poor’s (S&P) et Moody’s. Par ailleurs, Fitch table sur la possibilité que la guerre s’étende jusqu’en 2025 avec de probables « dépenses militaires additionnelles importantes, destructions d’infrastructure et davantage de dommages durables pour l’activité et l’investissement économiques ». La Banque d’Israël a d’ailleurs révisé à 1,5 % la croissance du PIB, prévue à 3 %.

Énorme incertitude

Les signes de ralentissement de l’activité sont déjà perceptibles. Environ 46 000 sociétés ont fermé boutique depuis le début du conflit. Les trois quarts d’entre elles sont de toutes petites entreprises, contraintes pour la plupart d’arrêter leurs activités en raison du rappel de leurs propriétaires ou employés comme réservistes dans l’armée. Des compagnies aériennes ont suspendu leurs lignes avec Israël en raison de la guerre et des menaces d’extension du conflit : l’Allemande Lufthansa, les Américaines Delta et American Airlines, jusqu’à fin octobre. C’est dire si les prédictions sont pessimistes. Cela signifie moins de touristes et de clients d’affaires. Ce qui fait dire à l’ancien gouverneur de la Banque d’Israël, Karnit Flug, que l’actuelle situation sécuritaire soumet l’économie du pays à une « énorme incertitude ».

Le creusement du déficit public, qui peut mener à des hausses de taxes ou d’impôts et à des réductions de dépenses, et la baisse de la notation du pays (susceptible de provoquer des coûts plus élevés pour les emprunts contractés par l’État) sont à même de faire pression sur le gouvernement pour qu’il écourte la guerre. Mais la poursuite du conflit arrange tant Benjamin Netanyahou, car elle lui permet rester éloigné des prétoires, que son ministre Bezalel Smotrich, qui a les clés des Finances et de la coalition…

La libre