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Leonie Fleischmann, Maître de conférences en politique internationale, City, Université de Londres

Alors que la guerre à Gaza fait rage, la situation en Cisjordanie s’est détériorée. Le 28 août, les forces israéliennes ont commencé à mener des raids sur les villes de Jénine et de Tulkarem, dans le nord du territoire, ainsi que sur le camp de réfugiés d’Al-Far’a, situé un peu plus au sud. Depuis, les raids se sont multipliés.

L’ONU a rapporté que 12 Palestiniens ont été tués au cours des quatre premiers jours des opérations. Des détails ont également été révélés sur les destructions massives, 80% du camp de réfugiés de Jénine n’ayant plus accès à l’eau.

Les opérations ont été décrites par l’armée israélienne comme des « mesures antiterroristes », à la suite d’une tentative d’attentat-suicide à la bombe à Tel Aviv le 18 août. Un jeune commandant militant appelé Mohammed Jaber, ainsi que le commandant du Hamas Wassem Hazem, ont tous deux été tués dans le cadre de ces opérations.

Les raids israéliens en cours ont donné lieu à des représailles. Deux voitures piégées ont ainsi explosé dans la région de Gush Etzion, en Cisjordanie, le 30 août, à l’initiative de militants palestiniens. Les militants ont été abattus par les troupes israéliennes et deux personnes ont été transportées à l’hôpital.
Les incursions en Cisjordanie ont eu lieu dans le contexte de la guerre à Gaza et sont conformes à l’objectif du gouvernement israélien d’éradiquer le Hamas. Mais les opérations menées par les forces israéliennes en Cisjordanie, présentées comme des mesures antiterroristes, ne sont certainement pas nouvelles.
La dernière incursion à grande échelle d’Israël à Jénine remonte à juillet 2023. L’opération, qui a donné lieu à un barrage de frappes de drones et au déploiement de centaines de soldats, a duré deux jours et a causé des dommages importants au camp de réfugiés surpeuplé de Jénine.

J’ai écrit à l’époque que l’influence déclinante de l’Autorité palestinienne dans le camp avait créé un vide de pouvoir. Ce vide a été comblé par des groupes militants tels que le Hamas et le Jihad islamique palestinien. Ces deux groupes sont responsables du meurtre et de l’enlèvement d’Israéliens le 7 octobre.

Le camp de réfugiés de Jénine a longtemps été considéré comme le centre de la résistance palestinienne. Les Palestiniens de Cisjordanie ont toujours été déplacés et privés de leurs droits. Cette situation ne s’est guère améliorée, même après que l’Autorité palestinienne se soit vu confier des tâches administratives dans le cadre du processus de paix d’Oslo dans les années 1990.

La violence et la pauvreté subies par les jeunes du fait de l’occupation militaire israélienne ont poussé nombre d’entre eux à rejoindre les groupes militants. Selon l’analyste palestinien Mohammed Daraghmeh, les groupes militants palestiniens se développent dans le nord de la Cisjordanie depuis 2022. Mais cette croissance s’est considérablement accrue depuis le 7 octobre.

Israël a choisi de répondre par de nouvelles violences. Lors d’une visite à Jénine le 31 août, le chef d’état-major des Forces de défense israéliennes (FDI), le général de corps d’armée Herzi Halevi, a affirmé qu’il « ne laisserait pas la terreur prendre pied en Cisjordanie ». Il a déclaré que les FDI « se déplaceront de ville en ville, de camp de réfugiés en camp de réfugiés » pour l’éradiquer.

Les forces israéliennes ont mené plusieurs raids importants en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza. Selon le ministère palestinien de la santé, au moins 652 Palestiniens ont été tués dans le territoire au cours de cette période.

Ces décès ne peuvent être attribués uniquement à l’armée israélienne. Les colons israéliens se sont également livrés à des attaques violentes contre les Palestiniens, sans que l’armée n’intervienne vraiment. On peut dire que cette violence ne fait qu’encourager la résistance et le défi militant chez les Palestiniens.
Obligations en vertu du droit international

Ces dernières incursions israéliennes en Cisjordanie ont été condamnées par la communauté internationale. Une déclaration des Nations unies publiée le 28 août souligne qu’Israël, en tant que puissance occupante, est tenu par le droit international de protéger la population palestinienne.

Mais mes propres recherches ont montré que, même si les lois internationales de l’occupation sont respectées, elles peuvent approuver sans discussion les mesures contre-insurrectionnelles.

Certaines clauses du droit international de l’occupation reconnaissent la légitimité de la force occupante à protéger sa propre sécurité contre ce qui est susceptible d’être une population hostile. Israël peut donc affirmer qu’il ne viole pas le droit international en menant ces raids « antiterroristes ».

En effet, l’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme peut permettre de justifier certaines violations des droits aux yeux de la loi. Mais les préoccupations en matière de droits de l’homme en Cisjordanie, déjà nombreuses, ne cessent de croître.

Elles ne comprennent pas seulement les destructions causées par les incursions régulières d’Israël dans des zones censées être sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Il s’agit également de la poursuite de la construction de colonies juives illégales et de l’incapacité de l’armée israélienne à protéger les Palestiniens contre la violence des colons.

Il n’est donc pas surprenant que l’occupation israélienne de la Cisjordanie soit de plus en plus considérée comme intrinsèquement illégale. Tout récemment, la Cour internationale de justice a statué que la présence continue d’Israël dans les territoires occupés était illégale et qu’elle devait prendre fin.

Si aucune pression n’est exercée sur Israël pour qu’il mette fin à son occupation, le cycle de la violence ne fera que se poursuivre.

The Conversation