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par Maxime Tandonnet

Quand on aime la France, on ne peut que lui souhaiter bon succès et au moins lui donner sa chance de réussite plutôt que de l’accabler avant même qu’il ait mis les pieds à Matignon, en espérant au moins une période d’apaisement pour le pays.
A l’évidence, Michel Barnier est un politique, un homme d’expérience et de dialogue, contrairement à ses prédécesseurs, on ne voit pas d’arrogance chez lui, ni de mépris du peuple. La critique sur l’âge est absurde: de Gaulle avait 74 ans lors de sa réélection en 1965, Mitterrand 72, Clemenceau en avait 77 lors de la « Victoire ».
Les circonstances ne sont pas les mêmes que celles de la félonie de certains leaders de LR trahissant leur camp pour se soumettre à la macronie en 2017 à 2022 en quête d’un mandat ou d’un poste, quand Jupiter était au firmament de sa splendeur. Nous avons aujourd’hui un président en perdition, au bord de la rupture ou de l’effondrement, qui ne peut désormais que s’effacer derrière son Premier ministre.
L’expérience Barnier n’est pas le produit d’un choix stratégique de l’Elysée réfléchi de longue date, ni d’une volonté populaire. Elle est le produit d’un chaos politique infini, d’une débâcle et d’une situation inextricable. Elle résulte des circonstances. Dès lors, MB ne doit rien à personne, surtout pas au président et c’est à lui seul de se montrer à la hauteur de l’histoire.
Le président a choisi de ne pas démissionner à l’issue de sa dissolution et du désaveu populaire cinglant qui a suivi. Il est probable que l’expérience Barnier est sa dernière chance. Si elle échoue, si de nouvelles législatives devaient se produire dans un an, suivie d’un nouveau désaveu, la démission deviendra quasiment inévitable.
Cette nomination correspond à mouvement en profondeur de la politique française, l’affaiblissement du cordon sanitaire autour du RN (qui aurait donné une sorte d’assurance au président de ne pas censurer Barnier) comme si le macronisme était désormais plus proche du RN que de la gauche dont il est issu…
Deux blocs se reforment, à gauche et à droite incluant le RN et par la force des circonstances, le macronisme officiel bascule dans le second et voisine désormais le « nationalisme » ou populisme honnis quelques mois auparavant alors que la lutte contre ce dernier était sa première raison d’être! Le diable ou l’épouvantail est passé de l’autre côté, de droite à gauche! Voici le fruit du chaos qui commence à émerger…
Le temps pourrait (peut-être) revenir partiellement aux idées et aux projets, le discours à l’AN de Barnier et son projet sera vital pour la suite et notamment pour permettre une majorité d’idées au-delà des frontières partisanes de plus en plus floues et morcelées.
La Ve République, telle qu’elle est pratiquée notamment depuis 2002 est morte et enterrée. Le président Jupiter dont le rayonnement et le prestige se substituent au fonctionnement des institutions, c’est fini. 22 ans après, un tournant est pris. Désormais, le Premier ministre n’est plus un collaborateur et retrouve sa place de chef de gouvernement. Tant mieux.
L’expérience repose sur des bases démocratiques extrêmement réduites et fragiles sinon incertaines. M. Barnier est issu d’un parti qui s’est effondré à toutes les élections depuis 2017 et ne dispose que d’une cinquantaine de députés sur 577. Dès lors que les vaisseaux sont définitivement grillés à gauche, son succès ne repose que sur le bon vouloir des députés macronistes, dont certains sont d’ores et déjà réservés, et surtout ceux du RN. Jusqu’où cet équilibre est-il viable? Encore une fois, je souhaite de tout cœur la réussite de M. Barnier, pour la France. Mais ses marges de manœuvres paraissent étroites.
Le risque, immense, absolu, celui que j’ai toujours dénoncé depuis le début, depuis 2017, c’est de voir la droite dite républicaine, ou LR, absorbée dans une sorte de nihilisme macronien et disparaître définitivement avec lui, engloutie dans son néant, ouvrant la voie en 2027 à la seule alternance dès lors possible qui sera une gauche radicalisée, extrémisée, avec la totale, l’Elysée, Matignon et le palais Bourbon.
Pour essayer de l’éviter, il faudra à tout prix que M. Barnier gouverne comme un vrai Premier ministre en toute indépendance envers l’Elysée. La clé tient à sa capacité à prendre l’ascendant sur M. Macron et à tendre la main aux Français en étant bien conscient qu’ils ne l’ont pas choisi et que sa première mission est de gagner leur confiance. Sinon, le pire nous attend, c’est-à-dire le désastre.
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