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par Edouard Husson

Israël demande aux USA d’intimider l’Afrique du Sud sur la question du “génocide” à Gaza

Israël demande à ses diplomates et ses lobbyistes de faire un lobbying intense auprès du Congrès américain pour que l’Afrique du Sud abandonne sa plainte pour « génocide » déposée devant la Cour Internationale de Justice. Plusieurs aspects de la question étonnent dans ces révélations du média Axios. D’abord, pourquoi rendre public ce qui serait sans doute plus efficace en restant caché? Ensuite, pourquoi prendre le risque de rendre aussi visible le chantage que l’on fait peser sur les élections américaines: il est signifié aux candidats concerné par les élections au Congrès qui se dférouleront en même temps que l’élection présidentielle: soit vous n’aurez pas de financement de la communauté juive américaine pour votre campagne? En réalité, la grossièreté de la manœuvre est un signe de plus que le gouvernement Netanyahu est le dos au mur.

Selon le média israélien Axios:

En coulisses : Des responsables israéliens ont déclaré que le ministère israélien des affaires étrangères avait lancé une campagne diplomatique au cours des dernières semaines afin de faire pression sur l’Afrique du Sud pour qu’elle ne poursuive pas l’affaire devant la CIJ. Le Congrès américain est l’un des principaux outils de cette campagne

  • Lundi, le ministère israélien des affaires étrangères a envoyé un câble confidentiel à l’ambassade d’Israël à Washington et à tous les consulats israéliens aux États-Unis au sujet de l’affaire de l’Afrique du Sud devant la CIJ.
  • « Nous vous demandons de travailler immédiatement avec les législateurs au niveau fédéral et de l’Etat, avec les gouverneurs et les organisations juives pour faire pression sur l’Afrique du Sud afin qu’elle modifie sa politique à l’égard d’Israël et qu’elle fasse clairement comprendre que la poursuite de ses actions actuelles, telles que le soutien au Hamas et la promotion de mesures anti-israéliennes devant les tribunaux internationaux, aura un prix élevé », peut-on lire dans le câble.

Il est curieux que les choses soient à ce point explicitées

Non content de citer ce qu’on lui a visiblement fourni, le média transmet aussi l’explication de texte dont il a été destinataire:

Zoom sur le câble : Les diplomates israéliens ont reçu pour instruction de demander aux membres du Congrès de faire des déclarations publiques condamnant les actions de l’Afrique du Sud contre Israël et de menacer de suspendre les relations commerciales des États-Unis avec l’Afrique du Sud

  • Une autre voie que les diplomates israéliens ont été chargés d’emprunter est celle d’une législation contre l’Afrique du Sud au niveau de l’État et au niveau fédéral « qui, même si elle ne se concrétise pas, sera importante » pour tenter d’influencer la politique sud-africaine à l’adresse.
  • Le ministère israélien des affaires étrangères a demandé aux diplomates israéliens de faire pression pour que des auditions sur la politique sud-africaine à l’égard d’Israël soient organisées dans les assemblées législatives des États.
  • Les diplomates israéliens ont également reçu pour instruction de rendre leur activité diplomatique concernant l’Afrique du Sud aussi publique que possible dans la presse américaine et sur les médias sociaux.

Une manœuvre contre-productive…

Le journal en ligne concède lui-même:

Il est peu probable que [des sanctions commerciales soient mises en place], car les États-Unis souhaitent maintenir leurs relations avec l’Afrique du Sud afin de contrer l’influence de la Russie et de la Chine.

En réalité, il faut aller beaucoup plus loin. Le gouvernement israélien affiche sur la place publique un lobbying assumé alors qu’il a désormais la majorité de l’opinion mondiale contre lui.

Et il le fait en pleine campagne électorale aux Etats-Unis, au risque d’être accusé de chantage sur les candidats.

….et désespérée?

En réalité, on discerne deux mouvements contradictoires venus de Tel-Aviv:

D’un côté, Benjamin Netanyahu et l’aile la plus dure du gouvernement constate que l’Afrique du Sud a jusqu’à la fin octobre pour alimenter son dossier devant la Cour Internationale de Justice. La médiatisation du dépôt du dossier complété pourrait tourner à la catastrophe pour un gouvernement déjà très critiqué dans son pays et à l’extérieur.

(On se rappelle que fin décembre, l’Afrique du Sud a saisi la CIJ d’une plainte accusant Israël de violer les obligations qui lui incombent en vertu de la convention de 1948 sur le génocide. Depuis lors, la Cour a tenu plusieurs audiences et émis des ordonnances provisoires, dont la dernière en date remonte au mois de mai, lorsqu’elle a demandé à Israël de mettre fin à son opération militaire dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza. C’est à partir du mois de novembre que la Cour va examiner le dossier au fond).

Cependant la publicité donnée à la démarche du gouvernement israélien fait penser à une démarche en sens inverse: presque une tentative de sabotage, fondée sur le constat qu’Israël est suffisamment isolée sur la scène international pour que l’on ne cherche pas à aggraver cet isolement. Autant rendre public ce qui ne doit pas aboutir….

Ce faisant, la publicité accordée à la démarche rend évident le fait qu’il n’y a plus guère que les Etats-Unis à soutenir le gouvernement Netanyahu.

Le Courrier des Stratèges