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par Edouard Husson

Ukraine: un vent de panique souffle dans les capitales occidentales

L’échec de l’offensive de Koursk, la montée en puissance des frappes russes sur les infrastructures et les dispositifs militaires en Ukraine et la pression de l’opinion occidentale donnent de l’oxygène au parti de la négociation avec la Russie, en Europe et aux Etats-Unis. Le parti de la continuation de la guerre est encore le plus vigoureux mais il a de plus en plus de mal à expliquer pourquoi il faudrait s’obstiner alors que la défaite militaire est certaine. En réalité, un vent de panique s’est emparé des gouvernements occidentaux. Il peut mener à des réactions erratiques comme à des positions plus raisonnables.

Un vent de panique court dans les capitales occidentales concernant l’Ukraine.

L’opération de Koursk tourne au fiasco.

La Russie, depuis cette incursion sur son territoire, frappe beaucoup plus durement qu’auparavant les points nodaux du dispositif militaire « OTANien » de l’Ukraine et les infrastructures électriques. Quant aux opinions publiques des pays occidentaux, elles sont en train d’exiger des négociations.

La question qui se pose partout dans les milieux dirigeants est de savoir comment sortir à moindres frais du fiasco – qu’apparemment personne parmi les décideurs n’avait véritablement anticipé. .

La bataille de Koursk est un échec ukrainien

La meilleure synthèse est proposée à la date du 11 septembre par Moon of Alabama:

Le commandement ukrainien avait envoyé ses meilleures troupes et équipements dans la région. Il avait même poussé ses dernières réserves motorisées dans l’opération. La semaine dernière, il a renforcé le contingent. Mais quatre semaines de bombardements et d’attaques d’artillerie russes ont fait des ravages.

Quel que soit l’objectif de l’incursion, il n’a pas été atteint. Elle a permis de remonter brièvement le moral des Ukrainiens, mais cet effet s’est déjà dissipé.

Le prix à payer a été élevé. La moitié des troupes et du matériel investis dans l’incursion ont maintenant disparu.

La Russie semble croire qu’elle n’a plus grand-chose à gagner dans ce piège et a commencé à le refermer. Hier, une attaque rapide des marines et des parachutistes russes a permis de libérer dix villes et hameaux des forces ukrainiennes. Aujourd’hui, au moins trois villes supplémentaires ont été libérées.

La plupart des chars et des véhicules blindés de combat que les Ukrainiens avaient amenés au combat ont disparu. Ils devront se replier à bord de n’importe quel véhicule qu’ils trouveront. Et ce, tout en subissant des bombardements constants. Dans deux ou trois semaines, les Ukrainiens qui auront survécu seront probablement de retour à l’intérieur de leurs frontières.

Les frappes russes sur les infrastructures et les dispositifs militaires sont de plus en plus intenses

Le tableau dressé par southfront.press est saisissant. Depuis une dizaines de jours, l’armée russe frappe avec une intensité inégalée. C’est une réponse à l’incursion dans la région de Koursk. Je laisse les liens avec les vidéos:

Les forces armées de la Fédération de Russie ne cessent de mener des frappes de précision à l’arrière de l’Ukraine, détruisant les infrastructures des aérodromes militaires, les installations énergétiques, les entrepôts qui soutiennent les opérations des forces armées ukrainiennes sur la ligne de front.

Dans la nuit du 12 septembre, les forces russes ont lancé une nouvelle vague de frappes dans toute l’Ukraine. Plus de 60 drones kamikazes russes ont pris pour cible les régions arrière de l’Ukraine. Des explosions ont retenti à Kiev, Poltava, Vinnitsa, Cherkassy, Dniepropetrovsk, Kharkiv, Kherson et dans d’autres régions.

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Des drones russes ont frappé plusieurs aérodromes de l’armée de l’air ukrainienne. Il s’agit notamment de l’aérodrome de Starokonstantinov dans la région de Khmelnitsky, de Konotop dans la région de Sumy, de Nezhin dans la région de Chernihiv et, semble-t-il, de l’aérodrome de Krivy Rih dans la région de Dnepropetrovsk.

Un grand incendie s’est déclaré dans la région de Khmelnitsky à la suite de frappes de drones russes sur un grand entrepôt :

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Les drones et les missiles russes frappent l’armée ukrainienne à l’arrière tactique dans les régions orientales déchirées par la guerre.

La nuit dernière, une autre frappe de précision a détruit un hôpital utilisé par les forces armées ukrainiennes dans la ville de Mirnograd (Dimitrov).

Une série de frappes a détruit des cibles dans la ville de Konotop, dans la région frontalière de Sumy. Les autorités locales se sont plaintes que la situation était critique après que les frappes aient détruit une installation énergétique. La sous-station locale Konotop-300 a probablement été attaquée. L’approvisionnement en eau et en électricité a été coupé dans la ville. Selon des rapports locaux, les cibles détruites comprenaient également des installations utilisées pour l’hébergement des militaires ukrainiens. La ville de Konotop est un centre logistique important utilisé par les forces armées ukrainiennes pour le transfert de personnel et de matériel militaire vers la frontière russe et la région de Koursk.

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Selon les rapports de la ligne de front, les bombes lourdes russes ont pilonné les positions militaires ukrainiennes dans l’est de la région de Kharkiv. Une attaque massive a été signalée près du village de Kolesnikovka, situé sur la côte est du réservoir d’eau d’Oskol. Auparavant, le commandement militaire ukrainien aurait envoyé plusieurs unités de la 3e brigade dans la zone de la colonie, se préparant à des contre-attaques dans les directions de Kupyansk.

Autoriser des frappes ukrainiennes en profondeur?

Le secrétaire d’État américain Blinken était à Kiev le 11 septembre. Il a informé les Ukrainiens qu’ils sont désormais autorisés à utiliser des armes américaines, en particulier des missiles à plus longue portée, contre des cibles en Russie. Mais lisons bien le commentaire qu’en fait Moon of Alabama:

Deux questions se posent :
– Combien de missiles américains à plus longue portée l’Ukraine possède-t-elle encore ?
– Combien reste-t-il de cibles militaires en Russie qui n’ont pas encore été évacuées ou qui n’ont pas reçu de protection supplémentaire ?

Je pense que ces deux chiffres sont faibles.

L’administration Biden s’est battue sur ces questions. Le Pentagone se serait opposé à ce que l’Ukraine puisse agir de la sorte. Les généraux savent ce que la Russie peut faire et craignent des représailles. Les bellicistes du département d’État semblent toutefois avoir remporté la discussion.

Mais c’est le Pentagone qui procédera, ou non, à un réapprovisionnement. Les Ukrainiens ne recevront pas de missiles supplémentaires si les généraux sont déterminés à les bloquer.

Actuellement, l’Ukraine envoie régulièrement des drones et des missiles sur la Crimée ou dans les régions frontalières. Mais il se pourrait que cette phase s’arrête car, dans l’Union Européenne comme aux Etats-Unis, le parti de la négociation commence à peser.

Ajoutons aussi la crainte américaine qu’une Ukraine désespérée envisage de frapper le Kremlin pour assassiner Vladimir Poutine.

L’Allemagne pousse à une négociation

Le Wall Street Journal fait état de pressions exercées sur l’Ukraine pour qu’elle réfléchisse à une fin de conflit.

D’abord le contexte général avec « Moon of Alabama »:

Certains diplomates européens estiment que l’Ukraine doit être plus réaliste dans ses objectifs de guerre. Cela pourrait aider les responsables occidentaux à faire valoir auprès de leurs électeurs respectifs la nécessité d’acheminer des armes et de l’aide au pays.

De hauts fonctionnaires européens affirment que Kiev a été informé qu’une victoire totale de l’Ukraine nécessiterait que l’Occident fournisse des centaines de milliards de dollars de soutien, ce que ni Washington ni l’Europe ne peuvent faire de manière réaliste.

Zelenski devra présenter un plan B, plus réaliste que sa position intransigeante actuelle sur les négociations. Pour tout cessez-le-feu ou toute paix, l’Ukraine devra renoncer à des terres, à une bonne partie d’entre elles, et devra remplir des conditions supplémentaires.

Si Zelenski n’est pas en mesure de parvenir à une telle solution, quelqu’un d’autre sera trouvé pour reprendre son rôle.

C’est l’Allemagne qui pousse le plus à une négociation, comme nous l’explique la Reppublica, qui indique que le Chancelier allemand considère que l’Ukraine doit faire désormais des concessions territoriales:

Selon des informations récentes, le chancelier allemand Olaf Scholz travaille sur un plan de paix visant à amener la Russie à la table des négociations. Ce plan impliquerait que l’Ukraine accepte des concessions territoriales, ce qui pourrait conduire à un cessez-le-feu et à une résolution du conflit en cours.

L’initiative de M. Scholz est une réponse aux résultats électoraux dévastateurs en Thuringe et en Saxe, ainsi qu’à la menace imminente d’une défaite potentielle lors des prochaines élections dans le Brandebourg. Le chancelier cherche à se repositionner en tant qu’« artisan de la paix » et à s’assurer un héritage durable.

Le Courrier des Srtratèges