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Trois experts médico-légaux qui ont examiné le dossier de la militante turco-américaine tuée affirment que la balle ne semble pas avoir ricoché sur le sol comme l’a affirmé Israël.

Des membres des forces de sécurité palestiniennes portent le corps d’Aysenur Ezgi Eygi, lors d’une procession en son honneur à Naplouse, le 9 septembre (Reuters/Mohammed Torokman).

Par Ragip Soylu

Un rapport d’autopsie préparé par l’Autorité palestinienne suggère qu’Aysenur Ezgi Eygi, un activiste turco-américain de 26 ans, a été directement touché à la tête par des soldats israéliens en Cisjordanie occupée, selon trois experts médico-légaux qui ont examiné le dossier.

Le rapport, daté du 6 septembre et rédigé par un comité médical palestinien dirigé par le Dr Rayyan al-Ali, contredit la version des faits donnée par Israël et par le président américain Joe Biden, qui a déclaré que la balle qui a tué Eygi semblait avoir « ricoché sur le sol ».

Trois experts médico-légaux ayant consulté le rapport d’autopsie ont déclaré à Middle East Eye que les dégâts sur le crâne d’Eygi et la destruction à l’intérieur suggèrent qu’il s’agit d’un tir direct.

« La balle a laissé de gros dégâts à l’intérieur du crâne et il semble qu’elle ait dépensé toute son énergie cinétique dans la zone touchée, parallèlement aux tirs d’armes à feu qui frappent directement la tête », a déclaré Polat Erdi, un expert en médecine légale, à MEE.

Eygi, militant pro-palestinien du Mouvement de solidarité internationale (ISM), a reçu une balle dans la tête lorsque des soldats israéliens ont ouvert le feu sur des manifestants dans le village cisjordanien de Beita, près de Naplouse, la semaine dernière.
Le rapport indique que la balle a laissé une abrasion semi-circulaire d’une dimension de 1,5 cm et de 1,4 cm près du lobe de l’oreille gauche vers l’arrière.

« Elle est située à 11 cm du milieu du sommet de la tête et représente une blessure par balle », indique le rapport.

Sermet Koc, expert légiste chevronné et professeur ayant pratiqué des autopsies pendant des décennies en Turquie, est d’accord avec l’évaluation selon laquelle il s’agit d’un coup direct à la tête plutôt que d’un ricochet.

« De plus, la taille de la blessure indique que la balle n’a pas été tirée par un simple pistolet ou un fusil, mais par une arme plus sophistiquée », a-t-il déclaré à MEE, évoquant la possibilité d’un tir de sniper.

Le rapport indique que des fragments de balle ont été découverts dans le cerveau. « Tous les fragments métalliques ont été préservés et remis directement au ministère public.

Le troisième expert, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré que plusieurs fractures de l’os du crâne et les dommages à l’intérieur de la tête indiquaient que la balle avait été tirée directement.

Le rapport résume la cause du décès comme suit : « Nous attribuons la cause du décès à une hémorragie, un gonflement et une rupture de la substance cérébrale résultant d’une blessure par une balle qui a pénétré dans la cavité crânienne, s’est fragmentée et s’est logée ».
Mardi, l’armée israélienne a déclaré qu’il était « très probable » qu’Aysenur Eygi ait été tué par des tirs israéliens « indirectement et involontairement ».

Des témoins oculaires ont contesté l’affirmation israélienne, déclarant à MEE qu’elle ne se trouvait pas à proximité d’un lieu de violence au moment où elle a été tuée.

Un militant présent lors de la manifestation a déclaré que les manifestants avaient reculé devant les soldats qui avaient lancé des gaz lacrymogènes sur la foule. Ensuite, deux balles réelles ont été tirées sur le groupe, a déclaré le militant, dont l’une a touché Eygi à la tête.

« Quand elle a été touchée, elle se tenait là, ne faisant absolument rien, avec une autre femme. C’était un tir délibéré car ils ont tiré de très, très, très loin », a déclaré l’activiste à MEE, sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité.

La mort d’Eygi fait écho au meurtre de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akhlah, abattue par Israël en Cisjordanie en mai 2023.

M. Biden a d’abord publié une déclaration discrète soutenant l’évaluation israélienne selon laquelle la balle qui a tué M. Eygi semble avoir « ricoché sur le sol », mais à mesure que les critiques se sont multipliées au sujet de l’incident et de la réaction des États-Unis, son administration s’est montrée plus véhémente.

Mercredi, Joe Biden s’est dit « indigné et profondément attristé » par cet assassinat, qu’il considère comme le résultat d’une « escalade inutile ».

MEE