En difficultés dans le Donbass, Kiev fait désormais face à une contre-attaque dans la région de Koursk et presse ses alliés de l’autoriser à frapper plus largement le sol russe avec l’armement qui lui est livré.
Si nous ne sommes pas autorisés à détruire des cibles militaires en Russie, « nous n’avons aucune chance de succès« . Le constat est clair, limpide même, il vient de la bouche du Premier ministre ukrainien Denys Chmyhal après une rencontre avec le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy et le Secrétaire d’État américain Antony Blinken, organisée à Kiev mercredi. Jamais, en deux ans et demi, la nécessité de recourir plus largement aux armes occidentales pour frapper le sol russe n’avait été abordée de manière aussi frontale.
Totalement exclues initialement, ces frappes stratégiques en Russie ont fini par être autorisées – sous strictes conditions – en mai dernier, lors de l’ouverture par Moscou d’un nouveau front au nord de l’Ukraine. Kharkiv étant lourdement bombardée depuis des positions situées de l’autre côté de la frontière, Kiev fut autorisé à répliquer sur des cibles géographiques déterminées. Quatre mois plus tard, Kharkiv est toujours sous assaut, l’offensive russe dans le Donbass ne cesse de progresser, et plusieurs lieux stratégiques menacent de tomber.
Pour Volodymyr Zelensky, il est donc plus important que jamais « que les arguments ukrainiens soient entendus« . Le président ukrainien se rendra à Washington ce vendredi, où il sera vraisemblablement invité à préciser la stratégie militaire de l’Ukraine à court et moyen terme. S’il convainc le président américain de la pertinence de son plan, ses souhaits pourraient en partie être exaucés. Joe Biden avait en effet entrouvert mardi la porte à un assouplissement des règles d’usage de l’armement américain en Russie – notamment les missiles ATACMS, d’une portée de 300 km – en déclarant que les États-Unis étaient « en train d’y réfléchir« . Antony Blinken a confirmé ses dires le lendemain à Kiev, en indiquant que Washington fournirait à l’Ukraine « ce dont elle a besoin, au moment où elle en a besoin, pour être la plus efficace possible dans sa lutte contre l’agression russe ». Or, les besoins sont criants.
Contre-attaque russe sur Koursk
Selon le ministère de l’intérieur ukrainien, la Russie a mené plus de trois mille frappes « sur la ligne de front et dans le secteur résidentiel » au cours des dernières 24 heures. Dans l’Oblast de Donetsk (Donbass), les forces russes ne sont plus qu’à quelques kilomètres de la ville de Pokrovsk, important nœud logistique de l’armée ukrainienne. « Il y a un tonnerre de feu qui s’abat sur les Ukrainiens, difficile de résister« , commente Jean-Claude Allard, ancien commandant de la Force pour le Kosovo (Otan) et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). « L’objectif final des Russes, c’est Kramatorsk et Sloviansk. Cela permettrait à Poutine de prouver qu’il peut annexer les deux oblasts qui forment le Donbass. Or Pokrovsk est le point d’entrée vers Kramatorsk.«
Les choses ne sont pas beaucoup plus engageantes dans la région de Koursk, en Russie, où l’armée ukrainienne avait lancé une percée surprise le 6 août dernier jusqu’à contrôler un territoire de 1 300 km2. « Ils ont pris les Russes par surprise« , estime Jean-Claude Allard « Mais aujourd’hui, on voit que les Ukrainiens sont figés. Ils ne vont plus avancer« . Selon le think tank américain Institute for the Study of War (ISW), les troupes russes auraient même commencé à reprendre du terrain. « Les forces russes ont lancé une série de contre-attaques sur la pointe Est de la zone sous contrôle ukrainienne et auraient saisi plusieurs postes au nord et au sud de Korenevo ces 10 et 11 septembre« , indique le dernier rapport de l’ISW. Information confirmée ce jeudi après-midi par Volodymyr Zelensky… et par l’armée russe qui assure avoir repris dix villages dans la zone concernée depuis mardi.
Vladimir Poutine, qui vient tout juste de faire le plein de missiles iraniens de moyenne portée, a annoncé mercredi si les Occidentaux autorisaient l’Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles à plus longue portée, cela signifierait que « les pays de l’Otan sont en guerre contre la Russie« . Moscou vient par ailleurs de confirmer la tenue d’un sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à Kazan, en Russie, au mois d’octobre, en présence du chef de la diplomatie chinoise Wang Yi. Chaque camp cherche plus que jamais à sécuriser le soutien de ses alliés.