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par Eric Margolis

Peu de gens savent que le Liban faisait autrefois partie de la Syrie. La France impériale l’a détaché de la Syrie et en a fait une nation chrétienne nominalement maronite. Les musulmans sunnites, les musulmans chiites et les druzes étaient également inclus dans ce nouveau pays de 6 millions d’habitants.

Puis vinrent 100 000 réfugiés palestiniens chassés de leur terre ancestrale dans ce qui est aujourd’hui le nord d’Israël. L’arrivée de ces réfugiés palestiniens a enflammé les féroces rivalités tribales traditionnelles du Liban. En 1975, elles ont débouché sur une guerre civile majeure entre les chrétiens maronites, les musulmans et les druzes, ainsi que sur des affrontements entre milices sunnites et chiites. Je suis arrivé à Beyrouth en 1975, au premier jour de la guerre civile.

C’était une affaire horrible, marquée par des atrocités et des massacres hideux. La France, les États-Unis, la Syrie et Israël se sont ouvertement mêlés au chaos libanais. Je n’avais jamais vu une telle haine, un tel sadisme et une telle barbarie. Le conflit a culminé avec le massacre de milliers de civils palestiniens – principalement des femmes et des enfants – dans les camps de réfugiés de Chatila et de Sabra par des miliciens chrétiens aidés par Israël.

Après la guerre civile de 1990, le Liban a sombré dans une hostilité tribale accrue et une corruption stupéfiante, tandis que cette ancienne nation phénicienne se désagrégeait. Des nitrates stockés sans précaution dans le port de Beyrouth ont explosé, tuant des centaines de personnes. La banque nationale a été pillée.

Israël a envahi le pays en 1978, 1982 et 2006 dans le but d’écraser la résistance palestinienne, l’OLP. J’étais dans l’armée israélienne lorsqu’elle a attaqué le Sud-Liban en 1982. Les guérilleros sunnites libanais ont riposté, rejoints par les combattants d’une nouvelle milice chiite, le Hezbollah.

Aujourd’hui, le carnage a repris avec le bain de sang de Gaza et les attaques aériennes massives qu’Israël vient de lancer sur le Sud-Liban du 21 au 23 septembre, qui ont tué 558 civils et en ont blessé 1 835.

Cette attaque massive fait suite au piégeage par Israël des communications du Hezbollah, qui a tué et blessé des milliers de personnes, aveuglant beaucoup d’entre elles ou leur arrachant les mains ou les organes génitaux. C’est de la pure férocité biblique.

Israël chasse sans relâche la population arabe du Sud-Liban. Depuis sa création en 1947-1948, la droite israélienne a les yeux rivés sur le Sud-Liban. Sur sa rive nord se trouve le fleuve Litani, l’une des dernières grandes sources d’eau qui ne soit pas aux mains des Israéliens. L’eau se raréfie partout au Moyen-Orient. Israël convoite depuis longtemps les deux anciens ports maritimes de Tyr et de Sidon. S’y promener nous ramène à la Bible. Certains des extrémistes de droite israéliens affirment également que le sud de la Syrie devrait être annexé par Israël. Pourquoi s’arrêter là ? D’autres convoitent la capitale de l’Irak, Bagdad, qui comptait une importante population juive avant 1948.

Les partisans de la ligne dure au pouvoir en Israël semblent avoir en tête un plan visant à chasser les Palestiniens de Gaza – eux-mêmes déjà réfugiés de Galilée et de la région de Haïfa – vers les déserts de la Jordanie voisine. Jusqu’à 40 % de la population jordanienne est aujourd’hui constituée de Palestiniens chassés de ce qui est devenu Israël.

Dans ce contexte, le discours du président Joe Biden à l’ONU la semaine dernière était une symphonie d’hypocrisie. Joe Biden et le Congrès américain ont fourni à Israël plus de 300 milliards de dollars, et plus encore, ainsi que les armes américaines les plus récentes. Les États-Unis fournissent des renseignements et bloquent les efforts de l’ONU et de nombreuses nations pour obliger Israël à mettre un terme à la destruction de Gaza. Comme l’a dit Pat Buchanan, « le Congrès est devenu un territoire occupé par Israël ».

La tactique habituelle du salami d’Israël, qui consiste à s’emparer de petits morceaux de terre arabe, a très bien fonctionné. Le Liban est-il le prochain ? Le Premier ministre Benjamin Netanyahu devra répondre d’accusations de corruption et de malversations devant les tribunaux une fois le conflit terminé, et il n’est donc pas pressé d’enterrer la hache de guerre. Les grandes puissances qui pourraient faire la différence ont toutes été achetées. La Russie est en guerre. Seul le puissant Israël pourrait agir pour mettre fin à ce conflit meurtrier.

Eric Margolis