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L’armée d’occupation a été éjectée deux fois du Liban par le Hezbollah. Deux décennies plus tard, elle envisage une nouvelle invasion terrestre de son voisin du nord, cette fois contre un adversaire beaucoup plus sophistiqué.

Mohamad Hasan Sweidan

Le 26 septembre, l’armée israélienne a annoncé la conclusion d’un exercice de brigade simulant une opération terrestre au Liban, à plusieurs kilomètres de la frontière commune. Ces deux derniers jours, plusieurs responsables militaires israéliens, dont le chef d’état-major Herzi Halevy et le commandant du Nord Uri Gordin, ont déclaré que l’armée d’occupation était prête à mener des opérations terrestres au Liban.

Mais comment Tel Aviv peut-il concevoir de manière réaliste l’envoi de troupes terrestres dans un pays qui a réussi, non pas une, mais deux fois, à expulser les forces d’occupation, pour engager le combat contre un adversaire – le groupe de résistance libanais Hezbollah – bien mieux armé et organisé que par le passé ?

Caractéristiques de la stratégie israélienne jusqu’à présent

Depuis le début de la récente escalade avec le Liban, Israël semble mener sa guerre sur cinq fronts simultanés. Premièrement, il cherche à frapper le système de commandement et de contrôle du Hezbollah, principalement par des assassinats ciblés contre les principaux chefs militaires de la résistance, la cible la plus récente étant le commandant de l’unité de drones Abou Saleh Sorour.

Deuxièmement, elle vise à frapper directement les capacités militaires du Hezbollah en s’appuyant sur une banque de cibles établie par Tel-Aviv : lundi dernier, les Israéliens ont annoncé qu’ils avaient frappé avec succès 1 600 cibles militaires de la résistance, notamment des dépôts d’armes, des entrepôts de missiles et des rampes de lancement. Les Israéliens ont annoncé lundi dernier qu’ils avaient frappé avec succès 1 600 cibles militaires de la résistance, y compris des dépôts d’armes, des entrepôts de missiles et des rampes de lancement.

Troisièmement, Israël vise à exercer une pression interne libanaise sur le Hezbollah en nuisant à ses membres, à ses partisans et même à ses détracteurs. Tel-Aviv a intensifié ses attaques sanglantes contre les populations et les zones civiles au cours des deux dernières semaines, tuant plus de 728 civils, en blessant des milliers et déplaçant près de 390 000 personnes, selon les données officielles du gouvernement libanais.

Quatrièmement, une tentative d’influencer l’environnement général libanais pour qu’il se retourne contre la résistance par le biais de campagnes médiatiques systématiques – en coopération avec les médias libanais et les personnalités qui reprennent les récits d’intimidation d’Israël afin d’apprivoiser et de freiner les actions du Hezbollah. La cinquième et dernière piste, à ce jour, est la menace croissante et la préparation d’une invasion terrestre israélienne du Liban – même limitée – dans le but de confirmer la supériorité israélienne sur le terrain en contrôlant les zones libanaises, même pour de courtes périodes.

Les réactions du Hezbollah ?

Naturellement, la résistance a l’intention de contrecarrer les stratégies d’Israël par une série d’étapes interconnectées. Après chaque assassinat, le Hezbollah confirme que son système de commandement et de contrôle n’est pas affecté, puis lance une escalade contrôlée pour confirmer qu’il est prêt à faire face aux chocs de l’ennemi. C’est ce qui s’est passé le 24 septembre, lorsque le Hezbollah a lancé une frappe de plus de 300 missiles le lendemain de la campagne aérienne israélienne, essentiellement pour confirmer que ses capacités de missiles étaient verrouillées, chargées et prêtes à l’emploi.

Comme lors des précédentes confrontations entre Israël et le Hezbollah, la base de soutien de ce dernier reste largement cohérente et soutient les plans d’escalade de la résistance. Séparer le Hezbollah de son environnement d’incubation est une stratégie israélienne qui a échoué à plusieurs reprises, principalement parce que la base de la résistance est issue de cette même société.

Enfin, l’objectif d’Israël de retourner l’opinion publique libanaise contre la résistance n’a pas progressé à ce jour. Au contraire, les agressions israéliennes ont renforcé la cohésion nationale, en particulier après l‘attaque terroriste par téléavertisseur de l’État d’occupation, sauf dans certains cas limités.

La cinquième voie : l’invasion terrestre du Liban

Ces derniers jours, les discussions sur la possibilité d’une incursion terrestre israélienne au Liban se sont nettement intensifiées. Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’est vanté du fait que les opérations militaires contre le Liban se poursuivront « à pleine puissance pour s’assurer que le Hezbollah est “considérablement affaibli”, et a rejeté les appels internationaux en faveur d’un cessez-le-feu immédiat.

Le chef d’état-major de l’armée a également demandé aux forces israéliennes de se préparer à une éventuelle attaque terrestre dans le but d’établir une zone tampon israélienne dans le sud du Liban. Sur le plan opérationnel, l’armée d’occupation se prépare à cette éventualité en organisant des exercices d’entraînement et en convoquant deux brigades de réserve sur le front nord.

Selon des sources occidentales et israéliennes, il existe plusieurs scénarios pour une éventuelle invasion terrestre israélienne du Liban, chaque scénario offrant des objectifs stratégiques et des risques différents :

La première est une action terrestre limitée à l’intérieur du territoire libanais dans le but de frapper des cibles spécifiques du Hezbollah près de la frontière, telles que des sites de lancement de missiles, ou de nettoyer une zone afin d’empêcher la résistance de mener des attaques contre Israël. Il s’agirait d’une action à court terme destinée à faire pression sur la partie qui négocie un cessez-le-feu. À ce stade, si Tel-Aviv choisit l’option d’une action terrestre, il s’agira du scénario le plus probable.

Deuxièmement, une incursion terrestre limitée pour pousser les forces de résistance à se retirer de la frontière, en particulier pour réduire la portée des missiles guidés antichars que possède le Hezbollah. Les commandants militaires israéliens ont indiqué que cette option servirait à créer une « zone de sécurité » s’étendant sur 8 à 10 kilomètres à l’intérieur du territoire libanais. Ce scénario augmente notamment la probabilité de combats prolongés et de pertes humaines et militaires israéliennes plus élevées.

Troisièmement, une invasion terrestre complète du Liban – le scénario le plus extrême – dans le but de détruire les capacités du Hezbollah. À l’heure actuelle, ce scénario reste très improbable en raison de son profil extrêmement risqué et du fait que l’objectif à court terme de Tel-Aviv n’est pas de détruire le Hezbollah, mais plutôt de modifier les problèmes de sécurité à sa frontière avec le Liban.

Attaquer où ?

Une attaque terrestre israélienne – limitée ou étendue – devrait se concentrer sur des zones géographiques spécifiques au Liban, principalement le sud, où Tel-Aviv veut sa zone tampon sans Hezbollah, ou la région de la Bekaa qui flanque la frontière syrienne. Israël envisage un scénario similaire au statu quo qui prévalait dans le sud du Liban dans les années 1990, où il maintenait une zone de sécurité pour limiter l’accès du Hezbollah à la frontière – avant d’être purgé par les commandos de la résistance en 2000.

À l’inverse, une action terrestre israélienne limitée dans la Bekaa aurait pour but d’affecter et de resserrer les voies d’approvisionnement en armes et en logistique du Hezbollah depuis la Syrie, soit en coupant les voies terrestres entre le Liban et la Syrie, soit en coupant les lignes d’approvisionnement entre la Bekaa et le sud. Le travail préparatoire consistera à poursuivre les frappes aériennes israéliennes dans la Bekaa, qui ont visé les quatre principaux points de passage de la frontière avec la Syrie – Al-Arrayedh, Mutariba, Saleh et Qabsh.

La plupart des analystes occidentaux ne sont pas optimistes quant à la possibilité pour l’armée israélienne de mener des opérations terrestres au Liban, étant donné les capacités renforcées et sophistiquées du Hezbollah pour faire face à une telle action. Dans un article du Washington Post, l’écrivain Max Boot affirme que cette option sauvage « serait un nouveau bourbier pour Israël ». Du point de vue de Tel-Aviv, le meilleur scénario serait que sa campagne aérienne parvienne à stopper le front libanais de soutien à Gaza et permette aux colons israéliens déplacés de rentrer chez eux dans le nord d’Israël.

Mais comme aucune résolution imminente du conflit avec le Liban n’est probable – étant donné le refus de Netanyahou d’envisager un cessez-le-feu dans le nord, et encore moins à Gaza – la possibilité d’une action terrestre israélienne au Liban augmente, malgré les risques extraordinaires pour l’armée d’occupation. Tel Aviv sait très bien que sa supériorité aérienne n’a d’égal que l’avantage terrestre du Hezbollah, comme en témoignent ses récentes batailles avec la résistance libanaise, au cours desquelles Israël a perdu la face.

The Cradle