Edouard Husson
30 juillet 2024 – cérémonie d’investiture du nouveau président iranien Pezeshkian.
Le même jour, Fouad Chokr, l’un des hauts responsables militaires du Hezbollah est tué dans un bombardement cible israélien.
31 juillet – le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh est assassiné à Téhéran, où il était venu assister à l’inauguration de Pezeshkian.
Le Mossad est immédiatement soupçonné et on s’attend à des représailles iraniennes.
Le président nouvellement élu obtient de l’imam Khamenei, Guide Suprême que les représailles contre Israël soient suspendues pour laisser leur chance aux négociations sur un cessez-le-feu à Gaza.
Comme on sait, Benjamin Netanyahu torpille le processus. Mais la Maison Blanche, qui a besoin d’un succès diplomatique pour Kamala Harris, fait miroiter à l’Iran 1. Un cessez-le feu entre le Hezbollah et Israël et 2. Un nouvel accord sur le nucléaire après les élections.
Pezeshkian joue le jeu.
Benjamin Netanyahu a compris le danger pour lui. Il a fait échouer le cessez-le-feu à Gaza. Mais les Américains essaient de le ramener par l’intermédiaire d’un cessez-le-feu avec ke Hezbollah, dont le chef Nasrallah exige, en échange, un cessez-le feu à Gaza….
Au bout du processus, Netanyahu verrait sa pire appréhension réalisée, celle d’une paix avec l’Iran.
Mais ce politicien à la fois barbare et rusé voit sa chance. Il peut retourner la situation à son profit. Le Mossad frappe une première fois, en faisant exploser les bipeurs des responsables politiques du Hezbollah le 17 septembre puis des talkie-walkies du service d’ordre le lendemain.
Pezeshkian ne dévie pas de don cours. Il se rend à l’Assemblée Générale des Nations Unies pour parler de paix. Et le gouvernement iranien refuse au Hezbollah une riposte immédiate après les bipeurs. Pezeshkian fait un discours devant l’AG qui condamne Israël et souhaite un nouvel accord sur le nucléaire iranien.
Le 27 septembre, c’est au tour de Netanyahu de prendre la parole. On sait que, dans la foulée, il donne l’ordre de bombarder l’immeuble où, lui dit-on, Nasrallah est arrivé.
Netanyahu joue son va-tout. Il s’agit de montrer la force d’Israël, qui ne cède jamais et attaque toujours de manière préventive – sauf ce malheureux 7 octobre 2023, qu’il s’agit d’effacer….
Nasrallah est tué. Netanyahu jubile. Sa cote de popularité remonte. Il s’apprête à lancer une opération terrestre au Liban. Les néo-conservateurs le soutiennent. : ils attendent de cette guerre la fin du Hezbollah et une « révolution de couleur » au Liban.
C’était sans compter sur la réaction iranienne. Ce n’est pas seulement la bonne foi bafouée de Pezeshkian qui est en cause. Nous ne comprenons pas le régime iranien si nous l’interprétons comme une lutte occidentale entre partis. Les décisions politiques se prennent de manière très « fluctuante »: les personnes comptent moins que les coalitions qu’elles constituent. Le Guide avait laissé Pezeshkian essayer. Le Président a échoué et s’est rallié naturellement à l’idée des frappes.
Comme cela faisait deux mois que le Corps des Gardiens de la Révolution islamique s’y préparaient,l’opération est lancée comme du travail d’horlogerie. En quelques heures , la situation est inversée.
Il s’agirait de comprendre le moment que nous vivons. Tandis que l’Union européenne et Israël courent au suicide à force de s’américaniser (messianisme, incapacité au compromis, préférence systématiquement donnée à la guerre sur la négociation, piétinement du droit international, mépris du passé, vision inégalitaire des peuples…), le reste du monde veut vivre et retrouve pour cela la grande tradition européenne, celle des traités de Westphalie et du Congrès de Vienne (séparation des questions religieuses et politique, préférence donnée à la diplomatie, guerre comme dernier recours, respect des traités internationaux, réhabilitation de la souveraineté nationale, souci de la dignité et de l’égalité de tous les peuples).
La persécution politique d’étudiants de Sciences Po ayant à cœur la cause des Palestiniens est scandaleuse. Ceux qui détruisent la liberté de penser dans l’université détruisent parallèlement la liberté politique.
Mais ajoutons que cette persécution politique est stupide. La lutte des étudiants et des professeurs pour les droits du peuple palestinien fait heureusement sortir la communauté universitaire des abstractions wokistes pour aller vers une cause concrète, incarnée, urgente. Pour ma part, je m’en réjouis.
La France aurait dû cesser d’exporter des armes et des « composants » dès le début des bombardements de civils à Gaza (qui n’ont aucune utilité pour lutter contre le Hamas). Au bout d’un an Macron a un instant de courage. Mais l’appareil d’Etat désobéit d’emblée. Et comme Macron n’a pas de c…., il n’exercera pas son autorité de président pour imposer sa décision. Un peu de courage et de persévérance sauverait pourtant des dizaines de milliers de vies à Gaza, en Cisjordanie, au Liban.
Israël est devenu – malheureusement- un pays à tendance totalitaire. Mais il possède une dimension inédite dans le genre: il commet un génocide au vu et su de tous, sur les réseaux sociaux du monde . Et les propagandistes de Tel-Aviv intimident tous ceux qui ne répèteraient pas: « Ceci n’est pas un génocide ». Les prédécesseurs avaient tendance à se cacher…..