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par MICHEL GOLDSTEIN – Au courant de l’année je me suis rendu à plusieurs reprises en Égypte au Caire mais aussi à la frontière de Gaza pour recueillir des témoignages aux conséquences tragiques qu’a cette guerre sur la population toutes entière. Un an de guerre et de massacres.Témoignage glaçant, poignant d’une jeune Gazaouite

J’ai rencontré Hiba architecte, 28 ans pleine de vie rentrée à Gaza juste quelques jours avant le 7 octobre 2023 pour rejoindre sa famille.
Voici des extraits de moments forts d’un récit poignant.
Hiba et sa famille habitaient à Khan Younis dans un bâtiment qui rassemblait toute sa famille. Lorsque que l’armée israélienne a envoyé des tracts aux habitants pour annoncer l’attaque imminente du quartier et ordonner l’évacuation des habitants, les proches de Hiba ont décidé de rester. Le quartier a alors été bouclé par des centaines de tanks placés tout le long de la rue qui séparait Khan Younis du quartier voisin. Les tanks étaient visibles de leur fenêtre et ils entendaient des bombes toutes les 10 minutes. Après la trêve durant laquelle le combat s’est arrêté pendant 6 jours, le nombre de bombes a augmenté et il est passé à une bombe par minute. Le bruit était atroce et ils priaient chaque minute, craignant que chaque bombe puisse s’écraser sur leur maison. Un jour, un missile s’est abattu sur leur maison et la moitié de l’appartement a été démoli. Par miracle il n’y a pas eu de morts mais il y a eu des blessés et ils ont tiré leurs enfants de sous les décombres.
C’est à ce moment-là que la famille a décidé de quitter Khan Younis et de se réfugier à Rafah.
N’ayant pas de logement, ils ont trouvé un terrain vague qu’un homme a accepté de leur louer pour y mettre leur tente. Ils étaient 17 personnes dans une seule tente et l’endroit était plein de chiens errants qui hurlaient toute la nuit.
Un problème rencontré par les Palestiniens de Gaza est la difficulté à trouver un endroit pour enterrer leurs morts. En effet, des centaines de civils meurent chaque jour et les cimetières, en plus d’être saturés, sont aussi la cible d’ Israéliens, qui déterrent les morts afin de leur voler des organes, de la peau ou autres. Les gens ne savent donc plus où enterrer leurs morts et de plus n’ont souvent pas le matériel nécessaire à disposition. Il est très courant de voir des cadavres recouverts seulement de pierre, de ciment ou de très peu de terre.
L’homme qui leur a loué le terrain a perdu sa femme et ses enfants dans une attaque israélienne.
Il y avait sur son terrain, un ancien puits bouché, assez large de diamètre mais profond seulement d’une soixantaine de centimètres. Ne sachant où enterrer sa famille, il les a déposés dans le puits et les a recouverts du peu de terre.
Une nuit, ils ont entendu des hurlements terribles de chiens. Ils sont alors sortis pour voir ce qu’il se passait et, ils ont découvert une scène atroce ; les chiens avaient déterré les corps et étaient en train de dévorer les cadavres. C’est alors qu’ils ont empoisonné les chiens et aidé l’homme a réenterrer les corps mutilés.
Pour ce qui est de l’alimentation, ils n’avaient rien à manger, et ils se nourrissaient de plantes sauvages, crues. Les seuls convois d’aide alimentaire obtenant la permission d’entrer à Gaza, sont quelques camions égyptiens, apportant des denrées alimentaires périmées et infestées de vers et de mites.
Les soi-disant couloirs sécuritaires, mis en place par l’armée israélienne pour permettre aux civils gazaouis de circuler dans la bande de Gaza sont en réalité des couloirs de la mort. Lors de la traversée, les civils doivent garder les bras levés au-dessus de la tête, en brandissant leurs papiers d’identité, sans effectuer le moindre faux mouvement, sous peine de se faire exécuter. Si une personne fait tomber un sac ou même un enfant, et se baisse pour le ramasser, il se fait tirer dessus. Une fois, alors que Hiba et sa famille traversaient un de ces “couloirs sécuritaires”, ils ont vu un tank rouler sur 5 corps, juste devant leurs yeux. Hiba a une amie dont elle est très proche, qui s’est mariée il y a quelques mois. Les soldats israéliens sont entrés chez elle et l’ont violée, devant son mari, son beau-père et ses beaux-frères, tout en les forçant à regarder. Lorsque son mari a perdu la tête et a essayé de la défendre, ils l’ont tué.
C’est après cet événement que Hiba et sa famille ont décidé de quitter Gaza et de se réfugier en Égypte.
L’arrivée en Égypte a été très difficile pour elle, hospitalisée il lui a fallu de long mois pour s’en remettre.
Le traitement réservé aux réfugiés palestiniens là-bas en Egypte est terrible. Ils sont très mal traités et l’administration profite de leur vulnérabilité. Hiba s’est vue refusée plusieurs fois pour des prétextes absurdes comme le fait que ses billets n’étaient pas neufs ou identiques toutes aides.
Nous reviendrons plus en détail sur le sentiment de terreur vécu par cette jeune femme dont le courage est une leçon de vie, tirée d’une expérience qui n’aurait jamais dû se produire.
Les vies des Palestiniens de Gaza sont bouleversées à jamais: Hiba a perdu son innocence, elle ne voit plus le monde comme un endroit ou il fait bon vivre.
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