Un aperçu peu glorieux d’un avenir sombre

Scott Ritter

La personne qui a divulgué les documents a fourni une boule de cristal qui montre ce qui pourrait être. Il appartient au peuple américain de veiller à ce que cela ne se produise jamais.

La divulgation de deux documents hautement confidentiels qui, après examen, semblent contenir des informations sensibles des services de renseignement américains sur les préparatifs militaires israéliens en vue d’une attaque contre l’Iran, a suscité une vive controverse aux États-Unis. Alors que les forces de l’ordre américaines se démènent pour découvrir la source de la fuite, les politiciens américains et le grand public américain ne s’inquiètent guère des implications non pas des documents divulgués, mais plutôt des informations qu’ils contiennent, à savoir qu’Israël prépare une attaque massive contre l’Iran qui pourrait déclencher un conflit plus vaste qui, de manière réaliste, pourrait finir par impliquer l’utilisation d’armes nucléaires.

Selon ces documents, Israël prépare quelque 40 ALBM ROCKS en vue d’une éventuelle frappe contre l’Iran, ainsi que 16 ALBM « Golden Horizon », qui semblent être ce que l’on appelle publiquement le missile « Blue Sparrow », une adaptation d’un missile cible mis au point par Israël pour imiter le missile balistique iranien Shahab-3. Le ROCKS a une portée démontrée de plus de 500 miles, tandis que le « Blue Sparrow/Golden Horizon » a une portée d’environ 1 200 miles.

Les frappes aériennes quotidiennes menées par Israël sur le Liban et la Syrie constituent une couverture parfaite pour une attaque contre l’Iran. Les Israéliens frappent quotidiennement les sites de défense aérienne syriens dans le sud de la Syrie afin de créer un modèle de comportement tout en se frayant un chemin à travers l’espace aérien syrien qui peut être utilisé par les avions israéliens pour pénétrer dans l’ouest de l’Irak, d’où des missiles balistiques de longue portée peuvent être lancés contre l’Iran.

Il semble que ce soit la tactique utilisée par Israël le 19 avril de cette année, lorsqu’un ensemble de frappes israéliennes qui a bombardé deux sites de défense aérienne syriens dans le sud de la Syrie est entré en Irak et a tiré trois ALBM ROCKS probables contre une batterie de défense aérienne iranienne S-300 à l’extérieur d’Ispahan. L’ALBM ROCKS utilise un propulseur « Blue Sparrow », dont un exemplaire a été retrouvé dans un champ au sud de Bagdad après l’attaque.

Une évaluation du mélange de missiles en cours de préparation suggère qu’Israël se prépare à une attaque majeure contre une grande installation de production militaire dans les environs de Téhéran (l’installation de production de missiles de Parchin vient à l’esprit, ainsi que le groupe industriel Shahid Hemmat) ou, plus probablement, à une frappe de décapitation contre des cibles de la direction iranienne à Téhéran et dans ses environs. Les attaques ALBM seraient soutenues par des drones secrets armés qui seraient utilisés pour suivre les cibles mobiles en temps réel et les attaquer si nécessaire, à l’aide d’armes embarquées.

À titre de comparaison, l’attaque menée par les États-Unis le premier jour de l’opération Tempête du désert contre les huit cibles irakiennes dans les environs de Bagdad a utilisé 35 missiles de croisière lancés par voie aérienne. La plupart de ces missiles ont frappé l’installation de production et de stockage de missiles de Taji, au nord de Bagdad. La panoplie d’armes préparée par Israël laisse présager des cibles de taille similaire.
Mais il existe une autre possibilité de cible.

Dans un discours prononcé le 30 septembre, trois jours après qu’Israël a tué le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré, dans un discours de trois minutes en anglais adressé au peuple iranien, qu' »il n’y a aucun endroit au Moyen-Orient qu’Israël ne puisse atteindre. Il n’y a aucun endroit où nous n’irons pas pour protéger notre peuple et notre pays ». M. Netanyahu a noté que le gouvernement iranien rapprochait les Iraniens « de l’abîme », ajoutant que l’Iran et Israël ne seraient en paix que lorsque l’Iran serait « enfin libre », ce qui, selon M. Netanyahu, arriverait « beaucoup plus tôt qu’on ne le pense ».

Si Téhéran est la cible, Israël devra neutraliser les systèmes de défense aérienne iraniens sur la trajectoire de l’attaque. Si Israël reproduit son comportement antérieur, un grand nombre de F-15I, soutenus par des F-16I qui supprimeraient les défenses aériennes syriennes, pénétreraient dans l’ouest de l’Irak via la Syrie. La première salve d’ALBM – très probablement des ROCKS – serait larguée, les cibles visées étant les radars associés à la défense aérienne iranienne situés le long de la trajectoire de l’attaque. Les derniers missiles largués seraient les missiles « Blue Sparrow/Golden Horizon », qui atteindraient leurs cibles à Téhéran et dans ses environs.

Ces cibles pourraient inclure les résidences des hauts dirigeants iraniens, y compris le Guide suprême, ainsi que des bâtiments associés aux symboles du gouvernement, tels que le Conseil des gardiens, le ministère du Renseignement, le quartier général du Corps des gardiens de la révolution islamique et d’autres cibles identifiées comme soutenant la République islamique.

Israël ferait probablement suivre cette attaque d’un appel au peuple iranien pour qu’il se révolte contre le régime. Cet appel serait lancé de concert avec des actions entreprises par des entités anti-régime opérant sous la direction d’Israël, des États-Unis et d’autres acteurs régionaux. Il s’agirait notamment de groupes pro-monarchie, du MEK et de divers mouvements d’indépendance kurdes, azéris, baloutches et arabes.

Israël, la CIA et d’autres organisations de renseignement étrangères hostiles à l’Iran ont tenté une révolte similaire contre le gouvernement iranien en septembre 2023, après la mort de Mahsa Amini en garde à vue. Ce qui avait commencé comme des manifestations localisées a explosé en une véritable insurrection qui a coûté la vie à quelque 550 manifestants/insurgés et à près de 70 membres des forces de sécurité iraniennes avant d’être violemment réprimée.

Israël chercherait à répéter ce type d’insurrection, mais cette fois en l’aidant à porter un coup fatal aux dirigeants iraniens.

Les chances qu’Israël soit en mesure de réaliser une telle frappe de décapitation sont minces. De même, compte tenu de la récente suppression des groupes anti-régime par le gouvernement iranien, il est peu probable que ceux que le gouvernement israélien espère voir se révolter contre le régime iranien se soient reconstitués de manière significative.

En outre, en se concentrant sur une frappe de décapitation, Israël n’aura pas fait grand-chose pour empêcher l’Iran de lancer sa propre attaque massive de représailles contre Israël. Les dirigeants israéliens pensent peut-être qu’une fois qu’ils auront éliminé les plus hauts responsables iraniens, la volonté de riposter s’estompera. Il s’agit toutefois d’un pari risqué, et Israël risque de subir des dommages existentiels en cas de riposte iranienne concertée.

Les services de renseignement américains ont indiqué que la capacité de dissuasion nucléaire d’Israël, sous la forme de ses missiles Jericho, n’était pas préparée à l’action. Ce ne serait toutefois pas le cas si l’Iran lançait des attaques de missiles contre Israël menaçant son existence même. C’est précisément pour ce scénario que l’« option Jéricho » israélienne (c’est-à-dire la capacité d’armement nucléaire) a été créée.

Le fait est que si Israël lance une frappe de décapitation contre l’Iran, elle échouera probablement. La contre-attaque iranienne, en revanche, sera tout à fait ciblée. Les représailles nucléaires israéliennes deviendront alors probables.

Les Américains devraient s’en souvenir lorsqu’ils réfléchissent à la signification des documents des services de renseignement qui ont fait l’objet d’une fuite. Si l’objectif de la fuite était de réveiller le peuple américain, et par extension le gouvernement américain, sur le danger posé par une attaque israélienne contre l’Iran, il semble jusqu’à présent que la mission ait échoué.

Dans ce cas, nous récolterons ce que nous avons semé.

Réveillez-vous, Amérique.

C’est votre avenir qui est en jeu.

Scott Ritter Extra