Étiquettes

La Cour Pénale Internationale profite de la fin de sa délibération sur les recours déposés par l’Etat d’Israël pour rendre public le fait qu’elle a émis des mandats d’arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant. Parallèlement, la Cour confirme que, n’ayant aucune preuve de son décès, malgré les affirmations israéliennes, elle a émis un mandat d’arrêt contre un dirigeant du Hamas, Mohammed Deif. On ne peut s’empêcher, cependant, de trouver la symétrie forcée. La Cour Pénale Internationale élabore ses analyses sans référence à la souveraineté des Etats. On comprend bien l’intérêt politique qu’il y a à renvoyer dos à dos le gouvernement israélien et un mouvement combattant palestinien. Pourtant, cela revient à perdre le sens des proportions: en utilisant de manière vague la notion de « crime contre l’humanité », à la fois à propos du Hamas et de responsables israéliens, la Cour relativise, sans doute inconsciemment, les événements de Gaza.

La Cour Pénale Internationale a confirmé ce matin qu’elle avait émis un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien et son ancien ministre de la Défense:
La Chambre a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux personnes, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis entre le 8 octobre 2023 au moins et le 20 mai 2024 au moins, date à laquelle l’Accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt.
Dans un autre communiqué, la Cour confirme qu’elle a émis un mandat contre Mohammed Deif, dirigeant du Hamas:
Aujourd’hui, le 21 novembre 2024, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (la « Cour »), dans sa composition relative à la situation dans l’État de Palestine, a délivré à l’unanimité un mandat d’arrêt à l’encontre de M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé « Deif », pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l’État d’Israël et de l’État de Palestine à partir du 7 octobre 2023 au moins.
Une symétrie forcée entre Israël et le Hamas, liée à l’abandon de la notion de souveraineté des Etats?
A propos des responsables israéliens, la CPI écrit:
a Chambre a trouvé des motifs raisonnables de croire que M. Netanyahu, né le 21 octobre 1949, Premier ministre d’Israël au moment des faits, et M. Gallant, né le 8 novembre 1958, ministre de la Défense d’Israël au moment des faits, portent chacun la responsabilité pénale des crimes suivants en tant que coauteurs pour avoir commis les actes conjointement avec d’autres : le crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre ; et les crimes contre l’humanité consistant en meurtres, persécutions et autres actes inhumains.
A propos des Palestiniens, elle dit;
la Chambre a des motifs raisonnables de croire que le 7 octobre 2023, peu après qu’un grand nombre de roquettes ont déclenché l’alarme « Tzeva Adom » dans plusieurs communautés en Israël vers 6h20-6h30, des hommes armés sont entrés dans ces communautés, ainsi que sur le site du festival Supernova, un événement musical réunissant quelques milliers de participants (« l’opération du 7 octobre »). Des membres du Hamas, notamment des combattants des Brigades al-Qassam , ont perpétré des massacres dans les communautés de Kfar Aza, Holit, Nir Oz, Be’eri et Nahal Oz et/ou dans leurs environs, ainsi qu’au festival Supernova. Les assaillants ont, par exemple, tiré sur des personnes qui cherchaient à s’abriter et leur ont lancé des grenades. Les combattants du Hamas ont suivi des schémas similaires dans d’autres lieux et ont tué d’autres personnes. Ces meurtres sont qualifiés de crime contre l’humanité et de crime de guerre.
Certains diront que la Cour Pénale Internationale se protège, en établissant un parallèlisme des formes entre l’Etat d’Israël et le Hamas. Il deviendrait plus difficile d’attaquer le procès fait aux deux dirigeants israéliens puisqu’on s’en prend, parallèlement, à un dirigeant du Hamas. A vrai dire, je ne crois pas que ce parallélisme apaise en quoi que ce soit les Israéliens. La comparaison entre Netanyahou et Deif ou Haniyeh est de toute façon sacrilège pour un pays (et ses alliés) qui traite(nt) le Hamas de « mouvement terroriste ».
En réalité, la raison pour laquelle la Cour Pénale Internationale procède ainsi vient plutôt de l’idéologie qui fonde la Cour Pénale Internationale. A la différence le la Cour Internationale de Justice (la CIJ), qui est la Cour de l’ONU et fonde son analyse sur les Etats souverains qui sont membres de l’Organisation, la CPI, elle, a été fondée en 2002, en pleine révolution globaliste des relations internationales; elle juge des individus au lieu de poursuivre des Etats.
C’est à ce titre que les textes annonçant les poursuites contre deux dirigeants israéliens et un dirigeant du Hamas opèrent une curieuse distinction entre « conflit international » et conflit « non international ». Le conflit entre Israël et « le Hamas » est défini comme « non international ». Néanmoins la Cour est habilitée à poursuivre les individus ayant commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité dans le cadre de cet affrontement.
On comprend bien l’effet immédiat. On a quitté le droit international, qui permet par exemple – comme le fait la Chine à l’ONU – de considérer qu’il existe un droit de résistance à l’occupation des Palestiniens. Bien entendu, des combattants exerçant leur droit de résistance peuvent commettre des « crimes de guerre ». Mais Israël ne peut pas s’exonérer du respect des devoirs s’imposant à une puissance occupante.
Parler en dehors du cadre des souverainetés étatiques, cela permet de renvoyer dos-à-dos Palestiniens et Israéliens, sans tenir compte de la disproportion des forces et surtout de la nature différente des combats menés: d’un côté une guerre menée contre peuple, qui débouche éventuellement sur un génocide; de l’autre une lutte contre l’arbitraire d’un régime d’occupation. Quels que soient les éventuels crimes commis de part et d’autre, la contextualisation devrait empêcher d’assimiler les situations, sauf à vouloir continuer à punir le peuple palestinien de ce qu’il lutte avec les moyens dont il dispose.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.