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par Edouard Husson

Trois nuances d’OTANo-socialisme se font face à l’Assemblée – et pendant ce temps la France sombre

Connaissez-vous l’OTANo-socialisme? C’est une invention française! Elle consiste à cumuler ce qui se fait de pire dans le monde contemporain: d’un côté la soumission à la politique de Washington; de l’autre la maximisation de la dépense publique rendue possible provisoirement à l’abri de la prison OTANienne. Quand vous regardez bien ce qui se passe à l’Assemblée, trois impuissances politiques à peu près équivalentes se sont face, qui sont en réalité trois nuances d’une même chimère OTANo-socialiste. Car le débat de l’Assemblée sur le budget est largement un simulacre: la gauche, les macronistes et le Rassemblement National sont d’accord pour maintenir un niveau élevé de dépense publique sans création de richesses suffisante à mettre en face. Les trois forces dont nous parlons ne se rendent même pas compte comme elles se ressemblent entre elles.

Nous assistons à la grande peur des bien-pensants. Elle est réjouissante. Agnès Verdier-Molinié, Emmanuel de Villiers, Vincent Trémolet de Villers, Benjamin Haddad et bien d’autres, qui, soudain, volent au secours de Michel Barnier , accusant le Rassemblement National et La France Insoumise d’être des irresponsables.

Irresponsables de quoi, au fait? Mochel Barnier, Les Républicains, les macronistes pas moins socialistes, dans leur approche, que les deux autres coalitions politiques de l’Assemblée. Pour être plus précis, nous avons affaire à trois nuances d’OTANo-socialisme.

La déroute de Monsieur Barnier

Quelle occasion manquée! Le diplômé d’ESCP Business School, l’ancien commissaire européen et négociateur du Brexit, avait, sur le papier, tout pour faire souffler un vent nouveau sur la politique française. Quand on passe un peu de temps dans l’appareil d’Etat, on s’aperçoit rapidement qu’une part importante de la dépense publique vient de ce que l’autorité n’est plus exercée dans l’Etat.

Les ministres ne commandent pas leur administration. Les administrations en profitent. Ne parlez pas d’Etat profond. L’Etat est dépensier parce que personne ne commande. Le président ne commande pas au gouvernement de faire des économies. Le Premier ministre ne met pas sous pression ses ministres. les ministres ne commandent pas leur administration.

Ce qui est vrai de l’Etat central l’est aussi des collectivités régionales et locales. mais disons, que si vous prenez les communes de France, il y a une grande hétérogénéité. Dans beaucoup de collectivités locales on reste raisonnable.

C’est pourquoi on aurait pu s’attendre à ce que Michel Barnier fasse le travail: identifier un certain nombre de dépenses inutiles dans les ministères; et raboter sans augmenter les impôts. L’argumentation était simple: il n’était pas question de faire payer aux Français l’indiscipline de sa classe politique; il était impensable que le secteur privé soit une nouvelle fois mis à contribution quand le secteur public pouvait faire tant d’économies.

Ce faisant, Barnier aurait suscité des oppositions mais qui aurait sérieusement refusé de voter son budget? Sauf à créer une crise telle que, lors d’une présidentielle suivant immédiatement, le Savoyard aurait eu sa chance.

Curieusement les bons élèves de l’UE redeviennent caricaturalement français quand ils reviennent à Paris. Le mimétisme de caste impose d’être libéral à Bruxelles et socialiste à Paris…..Et donc Michel Barnier a fait le contraire de ce qu’il fallait. Il n’a touché à aucune dépense ministérielle et il n’a réfléchi qu’en termes de hausse de taxes.

Pire, lui qui se réclame du Général de Gaulle, il est allé dans le sens de la politique étrangère abjecte d’Emmanuel Macron: contre notre vieil allié russe en Ukraine; et contre tout notre héritage, chrétien, croisé, napoléonien et gaullien au Proche-Orient. Michel Barnier a chaussé les bottes du parfait OTANo-socialiste français, cet individu qui abandonne d’autant plus volontiers sa volonté propre qu’il peut se couler dans le confort d’un protectorat bruxellois sous commandement américain, qui nous dissuade de remettre de l’ordre dans nos affaires. On a besoin d’une France endettée pour qu’elle reste soumise.

Deux oppositions OTANO-socialistes

Pas besoin de développer longtemps sur les deux grandes forces d’opposition.

La gauche a certes a noyau courageux pour dénoncer les crimes qui se commettent à Gaza et dans le reste du Proche-Orient. Et c’est aussi à la gauche de la gauche que l’on trouve, paradoxalement, les individus les plus rétifs sur la Guerre d’Ukraine. Mais ce côté de l’Assemblée a aussi tout un ramassis d’OTANiens indécrottables. Et puis, imaginons que Madame Castets ou équivalent devienne Premier ministre: la catastrophe économique provoquée par le socialisme mis en œuvre conduirait tout droit à une soumission générale à la politique transatlantique.

Du côté du Rassemblement National, je ne reviens pas sur l’analyse des incohérences économiques de son programme, troisième nuance du socialisme à la française. Eric Verhaeghe l’a analysé dans le détail. En revanche, quel gâchis, quelle dérive, depuis un an, en ce qui concerne la politique étrangère!

Jordan Bardella ne perd pas une occasion de faire passer le message de sa soumission à Washington en ce qui concerne l’Ukraine. On s’éloigne de plus en plus de la position équilibrée que Marine Le Pen avait réussi à garder durant la campagne présidentielle de 2022. Quant au Proche-Orient, Marine Le Pen n’a cessé, depuis un an, de s’éloigner de l’équilibre du discours qu’elle avait prononcé au Parlement en novembre 2023, pour afficher une position de plus en plus pro-israélienne.

Le résultat: avec Jean-Marie Le Pen, le Front National était fondamentalement atlantiste mais il disposait d’un programme économique libéral. Avvec Marine Le Pen, la mutation gaulliste de la politique étrangère a fait long feu et voilà le parti devenu OTANo-socialiste!

Un théâtre d’ombres?

Ce à quoi nous assistons, c’est à la lutte de trois factions OTANosocialistes. La première, centriste, est mécontente d’être déstabilisée par les deux autres. La deuxième, à gauche, prétend que la troisième est un tel danger qu’il vaut mieux faire alliance avec la première lorsqu’il s’agit de bloquer l’arrivée au pouvoir de la troisième.

Cette dernière ne comprend pas que sa seule chance de prospérer politiquement serait d’affirmer l’indépendance de la France en politique étrangère et d’abandonner le socialisme…..

Le système politique français est bloqué, à la fois par la dette et par la soumission à Washington et son bras bruxellois. Désormais, on se réjouira qu’il explose mais, pour reconstruire ensuite, il faudra faire en dehors des forces OTANo-socialistes.

Le Courrier des Stratèges