par Edouard Husson

L’échec de Michel Barnier est symptomatique du mal qui ronge la droite française. Je ne pense pas seulement aux Républicains. Les autres composantes de la droite, surtout la plus importante, en voix et en députés, le Rassemblement National, sont concernées. La droite française est sans vision et elle réfléchit en étant largement coupée du monde. Je commence aujourd’hui une série d’articles qui seront consacrés aux (trop) nombreux sujets que la droite ne traite pas, alors que sa contribution serait bienvenue.

Etudiants de la faculté de droit à Cergy-Pontoise

J’assistais ce matin à une intéressante conférence sur les enjeux du commerce international à l’université de Cergy. Des représentants du patronat du Val d’Oise intervenaient devant des étudiants. Leurs propos étaient de bon niveau; les étudiants étaient attentifs.

Le Val d’Oise est un département qui représente environ 7% du PIB francilien; mais 17% des exportations de la région. Quand l’université de Cergy dit qu’elle travaille étroitement avec les entreprises, il y a parmi ces dernières non seulement des entreprises françaises qui exportent mais aussi de nombreuses entreprises étrangères qui sont venus s’implanter à proximité de Roissy. Ajoutons que le Val d’Oise est aussi un département fortement agricole.

Dans l’amphithéâtre, il était question de la France de demain. La population étudiante de Cergy est largement issue de familles immigrées il y a une ou deux générations. Les étudiants veulent réussir. Et l’université leur propose essentiellement des formations orientées vers la vie professionnelle.

A Cergy, on se se la raconte pas en prétendant singer les grandes universités de recherche. Certes, en mathématiques ou en économie, il y a de la très bonne recherche mais l’essentiel des forces de l’université est orienté vers une insertion professionnelle rapide d’étudiants qui veulent s’assimiler à la société française.

Les droites françaises sont dépassées

En écoutant la conférence de ce matin, j’avais le sentiment très fort que la droite française est dépassée.

Je parle de la droite parce que c’est ma famille politique. C’est aussi l’histoire de ma famille, tout court. Mon ancêtre direct était commerçant rue Saint Honoré et il a été ruiné par la Révolution. Dans ma famille, on n’aime pas trop les idéologues qui s’écoutent parler et qui vivent de la ponction des richesses créées par le pays. Et puis, face à la terreur anticatholique de la fin du XVIIIè siècle, nous sommes restés fidèles à la religion de nos ancêtres.

Quand j’avais vingt ans, je fréquentais l’UDF, parce qu’il y régnait une vraie liberté de ton – qui manquait dans la grande famille « gaulliste » d’â côté, le RPR. A l’UDF, on croisait aussi bien Philippe de Villiers que Pierre Méhaignerie; on assistait à des débats entre François Bayrou le centriste, Alain Madelin le libertarien et Alain Griotteray l’ancien résistant de droite non gaulliste.

Il y a un moment où la droite a perdu sa capacité à débattre. Est-ce sous l’influence de Jacques Chirac, qui n’avait gardé du parti gaulliste que le culte de l’uniformité? Est-ce parce que la droite s’est laissé stupidement américaniser? Il y a des facteurs plus profonds. Regardez l’épaisseur humaine du Front National de Jean-Marie Le Pen et le côté aseptisé du Rassemblement National de Jordan Bardella.

Qu’est-ce qui sépare, au fond, un Bardella d’un Gabriel Attal? Je faisais remarquer mardi qu’à l’Assemblée on se trouvait désormais face à trois forces politiques OTANo-socialistes. Les droites font partie de ce naufrage.

Questions sans réponses

Ce matin, dans l’Amphi à Cergy, je repensais à l’obsession xénophobe d’une partie des droites. Ces courants ont perdu la bataille de la fermeture des frontière et elles devront s’adapter à une France beaucoup plus diverse, ethno-culturellement parlant, que ce qu’elles souhaitaient. Mais, en allant au fond des choses, on se demande si cette droite ne s’est pas engagée dans une impasse, celle de l’affrontement entre identitarisme et multiculturalisme, au lieu de défendre la tradition romaine de l’assimilation.

De même, en écoutant, ce matin, les entrepreneurs débattre de la compétitivité de l’économie française, de nos capacités d’exportation, je repensais à la sidération de beaucoup d’électeurs de droite quand ils ont vu Michel Barnier arriver avec un budget où l’on préférait les hausses d’impôt à la réduction des dépenses de l’Etat.

Il y a bien d’autres sujets que l’on avait envie d’aborder, en écoutant la conférence. Mais j’irai au coeur des choses en soulignant que l’on entendait parler de la Chine, des Etats-Unis et de leur patriotisme respectif. Au fond, ces pays ne se demandent pas s’il faut être libre-échangiste ou protectionniste; s’il faut miser sur l’éducation etc….Ils ont l’ambition d’être au premier rang et ils en prennent les moyens. C’est une façon de penser que la droite a complètement déserté…..

Nous avons une droite qui manque de vision(s). Et qui ne connaît pas le monde. Et ceci d’autant plus qu’elle ignore largement nos territoires d’outremer.

Il y a du pain sur la planche.

Le Courrier des Stratèges