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par Edouard Husson

Trump et Desantis ont radicalement changé la rhétorique sur l’Ukraine, par MK

Il y a quelques jours, je disais mon scepticisme sur la capacité de Trump à négocier vite avec Vladimir Poutine sur l’Ukraine. Il faut néanmoins corriger mon point de vue: si l’on en croit les propos qu’il a tenus le 7 janvier, le président élu, à moins de deux semaines de son entrée en fonction, a commencé à intégrer le point de vue russe dans le raisonnement qu’il tient sur la fin du conflit en Ukraine. Alors, Donald Trump reconnaît-il la défaite américaine? C’est là qu’interviennent les suggestions à première vue rocambolesques d’achat du Groenland et de fusion avec le Canada. Explications.

Dans ce qu’il a dit le 7 janvier, Donald Trump a implicitement indiqué que les plans qui avaient fuité dans la presse depuis son élection ne correspondaient pas à sa pensée:

Nous allons devoir régler de gros problèmes qui se posent actuellement. Nous allons devoir régler la question de la Russie, de l’Ukraine – c’est un désastre. Je regarde les chiffres chaque semaine. … Nous allons donc devoir régler ce problème-là aussi. C’est un problème difficile, beaucoup plus difficile qu’il ne l’aurait été avant qu’il ne commence, je peux vous le dire.

et :

Vous savez, une grande partie du problème réside dans le fait que la Russie, pendant de très nombreuses années, bien avant Poutine, a dit qu’il ne fallait pas que l’OTAN s’occupe de l’Ukraine.Aujourd’hui, elle l’a dit – c’est comme si c’était gravé dans la pierre. Et quelque part, Biden a dit non, ils devraient pouvoir rejoindre l’OTAN. Dans ce cas, la Russie a quelqu’un à sa porte et je peux comprendre leur sentiment à ce sujet.

Mais de nombreuses erreurs ont été commises au cours de ces négociations. Et lorsque j’ai entendu la façon dont M. Biden négociait, j’ai dit que vous alliez vous retrouver dans une guerre et il s’est avéré que c’était une très mauvaise guerre. Et cela pourrait dégénérer – cette guerre pourrait dégénérer et être bien pire qu’elle ne l’est actuellement.

À mon avis, cela a toujours été compris. En fait, je crois qu’ils avaient un accord et que Biden l’a rompu. Ils avaient un accord qui aurait été satisfaisant pour l’Ukraine et pour tout le monde. Mais Biden a dit : « Non, vous devez pouvoir adhérer à l’OTAN ».

La réaction positive de Vladimir Poutine

Donald Trump avait indiqué, après ces propos, sa disposition à rencontrer Vladimir Poutine et le Kremlin a réagi, au vu des propos tenus par l’ancien président américain:

Le président russe Vladimir Poutine est « ouvert au contact » avec Donald Trump sans condition préalable, a annoncé vendredi le Kremlin, saluant la volonté de ce dernier de « résoudre les problèmes par le dialogue ».

« Le président a déclaré à plusieurs reprises qu’il était ouvert au contact avec les dirigeants internationaux, y compris le président des Etats-Unis, y compris Donald Trump », a déclaré à la presse le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov. « Aucune condition n’est requise, ce qui est nécessaire, c’est un désir mutuel et une volonté politique de résoudre les problèmes par le dialogue », a poursuivi M. Peskov, prêtant justement cette qualité au président élu américain.

Canada et Groenland: compenser le repli stratégique face à la Russie

Une fois que vous connaissez cette séquence, l’impérialisme affiché par Trump face au Canada et au Groenland prend tout son sens. Moon of Alabama parle de diversion:

Trump refuse d’aggraver les conflits avec les « ennemis » les plus évidents – la Russie, la Chine et l’Iran. Au lieu de cela, il détourne l’attention du public en lui proposant de nouvelles cibles – le Canada, le Groenland et le Panama.

Mais regardez une carte: Trump ambitionne de se repositionner autour de l’Océan Arctique, face à la Russie! Yves-Marie Adeline vous éclaire en détail ce contexte dans un article paru ce jour ici-même.

Devant abandonner l’Ukraine – il ne voit pas comment faire autrement, et le monde dirigeant américain semble bien s’aligner – Donald Trump entend trouver des positions géographiques de compensation face à la Russie.

Evidemment, ce faisant, il se remet dans une posture que la Russie juge agressive.

Le Courrier des Stratèges