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par Edouard Husson

Donald Trump lance la « révolution du bon sens »

Lors de la conférence de presse improvisée qu’il a tenue dans le Bureau Ovale vers 18 heures lundi 20 janvier au soir, Donald Trump a révélé qu’il était seulement à moitié informé sur l’Ukraine. Autant il a eu raison de parler de 700 000 tués ukrainiens – j’ai vérifié auprès d’un expert militaire, qui m’a dit que c’était le « chiffre bas »; le chiffre haut de la fourchette pouvant être à 1,5 millions); autant le chiffre d’un million de soldats russes tombés durant la guerre est erroné (on est, selon Mediazona, dans une fourchette allant de 90 000 à 120 000) et donne à penser que le président américain sous-estime la force de la Russie. C’est ennuyeux au moment où il s’agit de commencer des négociations. Le raisonnement tenu par Trump consiste à dire que la Russie s’auto-détruit en continuant la guerre. Comme s’il n’avait pas lu les statistiques récentes sur l’économie russe. Clairement, Trump et ses collaborateurs ne sont pas correctement informés par le Pentagone. C’est sans doute parce que le Ministère de la Défense américain essaie de dissimuler son échec. Pourtant, avec son instinct habituel, Donald Trump agit dans son propre intérêt: il a donné instruction de limoger tous les fonctionnaires en charge du dossier ukrainien au Pentagone. C’est un début. Mais il faudra rapidement convaincre Vladimir Poutine qu’il est possible d’arriver à un résultat, lors d’une négociation; sans quoi – comme nous l’expliquons à nos lecteurs depuis plusieurs semaines – l’Ukraine risque de devenir un conflit inextricable pour Donald Trump à l’image – la comparaison, heureuse, est de Steve Bannon, – de ce qui est arrivé à Richard Nixon avec le Vietnam.

Donald Trump est partiellement victime de l’auto-intoxication des Occidentaux sur la Guerre d’Ukraine. Mais aussi des dissimulations du Pentagone, qui tient à camoufler son échec flagrant.

Comme le rappelle Simplicius, l’industrie de la défense russe tourne désormais à plein régime.

La Russie construit actuellement 3 000 bombes planantes UMPK par mois et « fournit » 3,7 millions d’obus d’artillerie par an.

L’instinct juste de Steve Bannon

Steve Bannon n’est plus au centre du tableau en ce début de deuxième mandat mais il se peut qu’il rendre de grands services à Donald Trump:

Donald Trump risque de ne pas réussir à rompre avec l’Ukraine et pourrait être aspiré plus profondément dans la guerre de Vladimir Poutine – tout comme Richard Nixon a été piqué dans ses tentatives de se retirer du Vietnam – a averti l’ancien stratège en chef de Trump, Steve Bannon, dans une vaste interview accordée à POLITICO.

L’animateur de l’influent podcast « War Room » se prépare à un affrontement politique majeur sur l’intervention des États-Unis en Ukraine. Il préconise de mettre fin à l’aide militaire américaine à Kiev, mais craint que son ancien patron ne tombe dans un piège tendu par une alliance improbable de l’industrie de la défense américaine, des Européens et même de certains des propres amis de M. Bannon, qui, selon lui, sont aujourd’hui malavisés. Parmi eux, Keith Kellogg, un général américain à la retraite qui a été choisi par M. Trump pour devenir l’envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie.

« Si nous ne faisons pas attention, cela deviendra le Vietnam de Trump. C’est ce qui est arrivé à Richard Nixon. Il a fini par s’approprier la guerre et elle a été considérée comme la sienne et non celle de Lyndon Johnson », a déclaré M. Bannon.

Poutine est prêt à négocier mais aux conditions de 2021-2022

Le très néo-conservateur Institute for the Study of War, tout en trouvant cela stupéfiant (ils ne comprennent pas pourquoi la Russie a tenu bon depuis trois ans):

Senior Kremlin officials, including Putin and Lavrov, have been reiterating in recent weeks that the Kremlin refuses to consider any compromises to Putin’s late 2021 and early 2022 demands, which include demands that Ukraine remain permanently « neutral » and not join NATO, impose… https://t.co/iBhZSmj0k2 pic.twitter.com/RAUKr5fOxR

— Institute for the Study of War (@TheStudyofWar) January 21, 2025

M. Poutine aurait convoqué une réunion du Conseil de sécurité russe le 20 janvier, au cours de laquelle lui et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont confirmé que la Russie était prête à engager des pourparlers de paix avec la nouvelle administration du président américain Donald Trump.

M. Poutine a souligné que tout règlement pacifique devrait être basé sur « l’élimination des causes profondes » du conflit, ce qui, selon lui, inclut la satisfaction des exigences inflexibles de la Russie.

Citation : « De hauts responsables du Kremlin, dont Poutine et Lavrov, ont répété ces dernières semaines que le Kremlin refusait d’envisager tout compromis sur les exigences de Poutine pour la fin 2021 et le début 2022, qui demandent notamment que l’Ukraine reste « neutre » en permanence et ne rejoigne pas l’OTAN, qu’elle impose des limitations sévères à la taille de l’armée ukrainienne et qu’elle destitue l’actuel gouvernement ukrainien. »

Détails : M. Poutine a également déclaré que le président américain de l’époque, Joe Biden, avait proposé en 2021 de reporter de 10 à 15 ans l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais que cela n’avait pas empêché une invasion russe, inévitable selon lui en raison des « menaces présumées liées à l’expansion de l’OTAN ».

Interrogé par des journalistes, Donald Trump n’a pas pu indiquer à quel délai il rencontrerait Vladimir Poutine et il n’ a pas exclu de décider de nouvelles sanctions, pour obliger Moscou à venir à la table de négociations.

Effectivement, il vaut mieux que Vladimir Poutine ne se presse pas de négocier, le temps que le président américain s’informe.

Le Courrier des Stratèges