Edouard Husson

La commission mixte paritaire vient de rétablir les avantages des anciens premiers ministres et présidents, alors que le Sénat les avaient supprimés sur proposition de la sénatrice Nathalie Goulet. Il existe ici un double problème. D’abord le fait qu’une telle proposition soit mort-née. Ensuite, l’absence d’initiative des anciens présidents et premiers ministres eux-mêmes, qui auraient dû, depuis longtemps, renoncer d’eux-mêmes à des privilèges que plus rien ne justifie au moment où tant de Français se demandent comment ils vont boucler leur mois.

FLASH – D’abord supprimés, les anciens chefs d’État et Premiers ministres garderont finalement leurs avantages :

– Une protection rapprochée (garde du corps ou service de sécurité)

– Une dotation financière (pension ou indemnité spécifique)

– Un personnel mis à disposition… pic.twitter.com/LnVqaZ78St

— AlertesInfos (@AlertesInfos) January 31, 2025

Dans l‘Esprit des Lois, Montesquieu explique que les régimes de type monarchique ont un ressort: le sens de l’honneur. Et les républiques, ajoutent-ils, reposent sur la vertu.

Effectivement, la monarchie française s’est effondrée, trois ans après la Révolution parce que tant d’individus qui auraient dû faire corps autour du roi, à commencer par ses deux frères, le comte de Provence et le comte d’Artois, avaient émigré à l’étranger. Quant à la République française, elle est en train de mourir sous nos yeux, du fait de comportements bien peu vertueux.

Les anciens premiers ministres et présidents voient leurs privilèges maintenus

La sénatrice centriste Nathalie Goulet avait proposé de supprimer une partie des avantages dont bénéficient les anciens premiers ministres ou présidents:

Les anciens présidents de la République et Premiers ministres vont conserver leurs avantages. Voilà la décision prise ce vendredi 31 janvier par la majorité des députés et des sénateurs réunis en commission mixte paritaire(nouvelle fenêtre) (CMP) pour s’accorder sur le budget 2025. Pour réaliser des économies, le Sénat avait initialement supprimé les avantages des anciens chefs de l’État et de gouvernement français. (…)

L’idée avait été portée par la sénatrice centriste Nathalie Goulet. « La sécurité est maintenue, ce sont les autres frais qui ne le sont pas », comme des bureaux ou des frais de personnel, avait-elle expliqué ces derniers jours sur Sud Radio, pour une économie estimée à 2,8 millions d’euros par an. « Il faut juguler les frais. Ces anciens hauts responsables ne sont pas aux Restos du cœur. Ils touchent des retraites importantes. En responsabilité, la CMP devrait maintenir cette suppression à un niveau important. » Cela ne sera finalement pas le cas.

L’étonnant silence des individus concernés

On nous dit que c’est le gouvernement qui aurait fait pression pour rétablir les avantages supprimés:

La mesure avait été vivement critiquée par le gouvernement. « Beaucoup de ces dépenses sont des dépenses de protection et de sécurité », avait expliqué la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sur BFMTV. « Leur sécurité n’est pas superflue : s’ils se font agresser, c’est toute la France qui est agressée. »

Faut-il rire de la tartufferie de Madame de Montchalin? Ou bien pleurer sur la disparition de toute vertu républicaine quand on songe que, visiblement, aucun des deux anciens présidents de la République ni aucun des anciens Premiers ministres n’a proposé de lui-même de renoncer à des dépenses qui ne se justifient plus quand la majorité des Français doit se serrer la ceinture?

Cincinnatus, au secours!

On se souvient peut-être de l’illustre figure de Cincinnatus, homme politique et général romain du Vème siècle, qui retournait cultiver ses terres dès la fin de ses mandats politiques. Alors qu’il avait déjà été consul, selon les historiens romains, les sénateurs étaient venus le supplier, en 458 avant notre ère, de reprendre du service pour sauver la République menacée d’invasion. Stratège doué, Cincinnatus mit fin en deux semaines à l’attaque des Eques qui menaçaient d’envahir Rome. Mais il ne voulut pas abuser du pouvoir qu’on lui avait confié et retourna aussitôt cultiver ses terres, rendant l’argent qu’on lui avait mis à disposition.

Que reste-t-il de Cincinnatus dans la République française, héritière de Rome?

Cincinnatus est devenu une figure emblématique de la vertu républicaine. Et George Washington, fondateur de la République américaine l’avait pris comme modèle. Les pères fondateurs de la République américaine avaient créé une société, les Cincinnati, où l’on cultive, encore aujourd’hui, la mémoire du vertueux général romain. Et l’on a peut-être oublier qu’Edward Snowden, le dénonciateur de la surveillance généralisé par la NSA, avait d’abord pris comme pseudonyme « Cincinnatus ».

Le Courrier des Strtèges