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par Edouard Husson

Il se passe ce que nous avions annoncé à nos lecteurs: Donald Trump est démuni pour mettre fin à la guerre d’Ukraine. Les menaces envers Moscou ont fait pschitt. L’Arabie Saoudite n’a aucune intention de faire baisser le prix du pétrole, comme le réclamait le président américain. Tâtonnant, Donald Trump ne semble avoir qu’une certitude: il faut faire partir Zelensky. C’est un point sur lequel les Européens sont d’accord avec lui.
“Do you want Ukraine to give you their rare Earths?”
Trump: “Yeah. I want security over the rare earth and they’re willing to do it!” pic.twitter.com/5DC071x8zq
— Lord Bebo (@MyLordBebo) February 3, 2025
Donald Trump navigue à vue concernant l’Ukraine. C’est ce que nous avions annoncé à nos lecteurs en début d’année, avant sa prise de fonction. Voici ce que j’écrivais le 2 janvier 2025:
En réalité, Trump n’a aucun intérêt à se retrouver dans la situation d’une guerre qui dure. Mais il y a deux inconnues: saura-t-il traiter la Russie en égale? C’est en soi difficile pour un président américain. Autre incertitude: est-il exactement informé sur la solidité de l’armée russe et sur la fragilité de l’armée ukrainienne. Je l’ai entendu l’autre jour parler de 500 000 morts russes; cela tendrait à prouver qu’il n’a pas vérifier les choses par lui-même. (Le site Mediazona, très hostile à Poutine, recense 84 000 morts et estime un maximum de 120 000 combattants russes tués au combat)
Faisons l’hypothèse que, chez Trump, sur ce sujet comme sur d’autres, l’instinct corrige l’information erronée. Le président réélu devra comprendre qu’une négociation rapide est impossible. Il peut néanmoins se payer le luxe de mettre en scène une reprise des négociations, en insistant sur le fait que Poutine lui parle alors qu’il refusait de parler à Biden.
Ensuite, s’il veut obtenir un succès en quelques mois, il devra déployer une négociation globale en deux temps: convaincre Poutine de signer un accord sur l’Ukraine en échange d’une négociation globale sur la sécurité. On résoudrait la crise d’Ukraine en quelques mois et l’on entamerait une négociation d’un ou deux ans sur la sécurité en Europe.
Cependant ce n’est pas l’intérêt de Vladimir Poutine. D’une part il n’a pas confiance dans la capacité de Trump à peser sur « l’Etat profond ». D’autre part, plus la guerre dure, plus il est en mesure d’obtenir le désarmement et la dénazification de l’Ukraine.
Voilà pourquoi je parie pour ma part sur une négociation qui reprendra vite mais qui durera dix-huit mois à deux ans, avec des hauts et des bas.
Loin de devenir réaliste, Donald Trump a même doublé le nombre de soldats tués russes, les estimant à un million! Et l’on ne peut plus être sûr que la négociation directe avec Vladimir Poutine va reprendre rapidement!
L’Arabie Saoudite a opposé une fin de non-recevoir à Trump
On se rappelle que Trump a menacé la Russie de sanctions si elle ne venait pas rapidement à la table de négociations. Il a aussi affirmé qu’il allait faire baisser les prix du pétrole pour faire baisser les revenus de la Russie! Outre le fait que les revenus de la Russie sont de moins en moins dépendants des prix du pétrole, l’Arabie Saoudite vient de lui opposer une fin de non recevoir:
Il est peu probable que les États-Unis soient en mesure d’augmenter de manière significative la production de pétrole malgré la politique de l’administration du président américain Donald Trump visant à augmenter les approvisionnements en ressources énergétiques américaines, dans le même temps, la politique pétrolière de Trump pourrait conduire à une scission avec l’Arabie saoudite, écrit le Wall Street Journal, citant des sources informées et des fonctionnaires américains.
Selon les sources du journal, des représentants de l’Arabie saoudite ont dit à d’anciens fonctionnaires américains que le royaume ne voulait pas contribuer à l’augmentation de l’offre mondiale de pétrole, et certains de ces anciens fonctionnaires ont transmis ce message à l’équipe de M. Trump.
Le Comité ministériel de suivi de l’OPEP+, coprésidé par la Russie et l’Arabie saoudite, a décidé de ne pas modifier sa politique actuelle de production de pétrole, a déclaré à Interfax un représentant de l’une des délégations.
Selon Bloomberg, le vice-premier ministre russe Alexander Novak a déclaré lors d’une réunion que l’OPEP+ devrait s’en tenir à sa politique actuelle.
En vérité, Donald Trump n’a aucun moyen de pression sur la Russie, qui n’a pas besoin de se presser pour arrêter la guerre. Et il en vient à répéter les objectifs de l’administration précédente, comme « s’emparer des terres rares » et des ressources du sous-sol ukrainien (voir la vidéo ci-dessus).
Le service de renseignement extérieur russe indique que la déstabilisation de Zelensky a commencé
Simplicius attire notre attention sur une publication du site internet du SVR, le service du renseignement extérieur russe:
Certains développements intéressants ont donné des indications sur la façon dont la fin de la guerre en Ukraine pourrait se dérouler. Zelensky est de plus en plus considéré comme un problème par l’équipe Trump-Kellogg, en raison de son obstination et de son refus de céder sur l’une ou l’autre des concessions fondamentales jugées nécessaires pour mettre fin à la guerre. Aujourd’hui, il semble qu’un consensus autour de cette même conclusion soit en train de se former en Europe également.
Pour preuve, nous disposons d’un communiqué officiel du service de renseignement extérieur russe, le SVR, qui décrit un plan des membres de l’OTAN visant à discréditer Zelensky pour donner le coup d’envoi d’une campagne destinée à l’évincer afin d’installer quelqu’un de plus favorable à des pourparlers de paix inconditionnels.
Ce document provient du site officiel du gouvernement russe SVR:
Le communiqué du bureau de presse dans son intégralité :
03.02.2025
Le service de presse du Service de renseignement extérieur de la Fédération de Russie rapporte que, selon des informations reçues par le SVR, les quartiers généraux de l’OTAN envisagent de plus en plus un changement de pouvoir en Ukraine. Bruxelles estime que les forces armées ukrainiennes seront bientôt incapables de contenir les assauts croissants de l’armée russe. Avec l’arrivée au pouvoir des États-Unis, la décision de D. Trump accroît l’incertitude sur la poursuite de l’assistance militaire que l’Occident pourra fournir à Kiev.
Les dirigeants de l’OTAN considèrent qu’il faut à tout prix préserver ce qui reste de l’Ukraine comme un tremplin anti-russe. Elle est censée « geler » le conflit en amenant les belligérants à dialoguer sur le « début de son règlement ». Dans le même temps, Washington et Bruxelles s’accordent à dire que le principal obstacle à la mise en œuvre d’un tel scénario est V. Zelensky, que l’on qualifie de « matériau usagé » sur la scène occidentale. L’OTAN aimerait se débarrasser du chef du régime de Kiev, idéalement à la suite d’élections pseudo-démocratiques. Selon les calculs de l’alliance, elles pourraient avoir lieu en Ukraine au plus tard à l’automne de cette année.
À la veille de la campagne électorale, les quartiers généraux de l’OTAN préparent une opération de grande envergure visant à discréditer Zelensky. Il est notamment prévu de rendre publiques des informations sur l’appropriation personnelle par le « président » et des membres de son équipe uniquement de fonds destinés à l’achat de munitions, soit plus de 1,5 milliard de dollars. En outre, il est prévu de révéler le plan de retrait de Zelensky et de son entourage à l’étranger de l’allocation monétaire de 130 000 militaires ukrainiens morts qui continuent d’être répertoriés comme vivants et servant sur la ligne de front. Il est également prévu de rendre publics les faits relatifs à l’implication du « commandant en chef suprême de l’Ukraine » dans des cas répétés de vente de grandes quantités d’équipements militaires occidentaux transférés gratuitement à Kiev à divers groupes dans des pays africains.
Ainsi, le fait que le temps du « retardataire » Zelensky est compté est compris même au sein de l’OTAN. Il est dommage que cette compréhension se soit faite au prix de la vie de centaines de milliers de citoyens ukrainiens.
Service de presse
SVR de Russie 03.02.2025
Les jours (politiques) de Zelensky semblent donc comptés. Comme bien d’autres présidents-dictateurs soutenus par les Etats-Unis avant lui, Vladimir Zelensky est sur le point d’être lâché par les Etats-Unis et leurs alliés européens.
L’annonce d’élections à l’automne montre le désarroi des Occidentaux, qui anticipent pour le printemps 2026 la déroute de ‘larmée ukrainienne et voudrait donc un nouveau président ukrainien auparavant. Mais les événements pourraient aller plus vite!
En réalité, c’est bien Donald Trump qui aurait la clé : il faudrait qu’il change de pied, se différencie de tous ceux qui le conseillent, et traitent la Russie en égale. Sans quoi, le président américain se condamne à naviguer à vue et à retomber sur les recettes éculées du Pouvoir Washingtonien, à commencer par le renversement de celui qui n’est plus « notre salopard » mais tout simplement « un salopard », comme aurait dit Roosevelt.