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Edouard Husson

Comment Rima Hasssan et Lynn Boylan ont été empêchées de se rendre dans les territoires palestiniens occupés

Depuis lundi une certaine presse de droite se livre à des rituels de réjouissance en ayant appris que Rima Hassan s’est vu refuser l’entrée en Israël. En réalité, trois autres personnes ont été refoulées à la douane de l’aéroport Ben Gourion: une autre élue, irlandaise, du Parlement Européen, Lynn Boylan, et deux fonctionnaires européens travaillant dans ce même parlement. Le récit détaillé de l’incident est un cas d’école pour qui veut comprendre comment Israël s’est, depuis des décennies, affranchi du droit international.

Au moment même où la députée européenne LFI était refoulée par les autorités israéliennes, notre pays constatait encore une fois son impuissance à décider qui peut rester ou non sur son territoire. pic.twitter.com/X22LVaIHBJ

— Le Figaro (@Le_Figaro) February 26, 2025

Le post ci-dessus d’Alexandre Devecchio, longtemps considéré comme un esprit libre parce qu’il est en charge du FigaroVox, montre en fait comme il est asservi à la tyrannie intellectuelle du moment.

Au fond, beaucoup de gens de droite fantasment sur la brutalité des Israéliens envers les Palestiniens, révélatrice de leur propre détestation des Musulmans et des Arabes.

Pourtant, la vraie histoire de ce qui s’est passé à l’aéroport Ben Gourion lundi est bien différente. Elle nous raconte une fois de plus comment l’Etat israélien s’est affranchi de toutes les règles du droit international.

Une autre élue du Parlement de Strasbourg et Bruxelles a été refoulée en même temps que Madame Hassan, Lynn Boylan, député irlandais. Allons chercher un récit neutre de ce qui s’est passé dans un média irlandais:

Ce qui s’est passé à l’aéroport Ben-Gourion lundi 24 février

C’est moi qui souligne certains éléments du récit:

L’eurodéputée irlandaise Lynn Boylan a déclaré qu’elle allait demander des explications au Taoiseach (Premier ministre irlandais) et au commissaire européen Michael McGrath sur les raisons pour lesquelles on lui a refusé l’entrée en Israël et l’a mise sur un vol de retour.

Mme Boylan et l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan ont été refoulées à l’aéroport Ben Gourion près de Tel Aviv peu après leur atterrissage lundi.

Les deux femmes devaient se rendre en Palestine lundi dans le cadre d’une délégation officielle du Parlement européen.

Le bureau du ministre israélien de l’Intérieur, Moshe Arbel, a annoncé dans un communiqué que Mme Hassan s’était vu refuser l’entrée en Israël en raison de son soutien au boycott du pays. Aucune raison n’a été donnée pour refuser l’entrée à Mme Boylan.

La politicienne du Sinn Féin a déclaré à Morning Ireland de la RTÉ qu’il y avait eu des atteintes à la vie privée lorsque son passeport diplomatique, son téléphone portable et son iPad lui ont été retirés et ne lui ont été rendus qu’à son retour en Belgique.

Le refus d’Israël d’autoriser les députés européens qui faisaient partie d’une délégation officielle à traverser Israël pour se rendre en Palestine était une insulte à tous les membres de l’UE, a-t-elle déclaré.

La députée européenne de Dublin, qui préside la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Palestine, a souligné que l’UE était le plus grand donateur de soutien à la Palestine et que ses fonctionnaires et représentants élus devaient pouvoir être sur le terrain en Palestine dans le cadre de ce travail.

« Il est particulièrement insultant que cela se soit produit le jour même où l’UE elle-même a tenu une série de pourparlers avec Israël dans le cadre du conseil d’association UE-Israël, mais que les députés européens et les fonctionnaires qui tentaient de traverser Israël aient été bloqués et expulsés. »

La délégation devait également rencontrer des membres du parlement israélien, a-t-elle déclaré, décrivant la visite comme étant axée sur « le dialogue et l’engagement ».

Mme Boylan a déclaré que la visite avait été approuvée par le Parlement européen et coordonnée à l’avance avec les autorités israéliennes par l’ambassade de l’UE en Palestine.

La délégation surveille les politiques de l’UE à l’égard de la Palestine, le processus de paix au Moyen-Orient et la mise en place de la solution des deux États. Elle examine également l’utilisation des fonds de l’UE pour la Palestine, y compris pour l’UNRWA.

Mme Boylan et Mme Hassan sont toutes deux membres du groupe de gauche au Parlement européen, mais la délégation est un groupe politique transversal.

Plusieurs agents de sécurité les ont accueillies à la porte de l’avion à Tel Aviv et les ont emmenées dans une salle d’interrogatoire pendant environ une heure et quarante minutes, a déclaré Mme Boylan.

L’eurodéputée de Dublin a déclaré que leurs sacs avaient été fouillés et que leurs téléphones, tablettes et passeports leur avaient été confisqués. Leurs sacs ont également été fouillés.

Elle a déclaré mardi à la RTÉ qu’ils avaient ensuite été escortés jusqu’à un avion de retour.

Elle a déclaré : « Nous étions là, entourés, encore une fois, de forces de sécurité, de sorte que toutes les personnes qui montaient à bord de l’avion savaient que nous étions, je suppose, des « personnes d’intérêt ». Nous étions la raison pour laquelle leur vol avait été retardé.

« Alors ils ont commencé à nous filmer. Certains d’entre eux nous ont insultés, puis nous avons été mis dans l’avion et séparés.

« Les deux fonctionnaires et moi étions ensemble, mais ils ont fait asseoir Mme Hassan toute seule au fond de l’avion. Je me suis alors opposée à cette décision, en disant que je ne pensais pas qu’il était prudent qu’elle soit assise seule au fond de l’avion, mais ils ont refusé de changer et ont dit qu’ils appelleraient la sécurité si nous protestions. »

Mme Boylan a déclaré que des photos d’elle et des trois autres membres du groupe ont été diffusées sur les réseaux sociaux.

Elle a déclaré : « Quoi qu’il en soit, c’est très injuste pour les fonctionnaires. Ils sont là pour faire leur travail.

« Il est sans précédent que des fonctionnaires ne soient pas autorisés à poursuivre leur mission. »

Elle a ajouté : « Il est profondément préoccupant que les fonctionnaires ne puissent pas voyager et rencontrer le reste de la délégation, et que leur visage soit ensuite rendu public. »

Mme Boylan a déclaré que son passeport diplomatique, fourni par l’Irlande, ne lui avait pas été restitué avant son retour en Belgique.

Elle a déclaré qu’on ne lui avait donné aucune raison pour justifier le refus d’entrée.

« L’UE a été complètement prise au dépourvu par le fait que nous allions être traités de cette manière », a-t-elle ajouté.

Lorsqu’on lui a demandé si elle pensait que son soutien au BDS pouvait être la raison pour laquelle on lui avait refusé l’entrée, Mme Boylan a répondu : « Si c’était le cas, ils avaient eu des mois pour refuser mon admission. »

Elle a également fait part de ses inquiétudes quant au traitement de ses données et de sa vie privée par Israël à la suite de la saisie de son téléphone et de sa tablette, ainsi que de la confiscation de son passeport diplomatique irlandais pendant plusieurs heures.

Israël comme Etat de non-droit

Refus d’honorer une autorisation d’entrée déjà accordée; confiscation des supports de données personnelles; confiscation des passeports diplomatiques; traitement différencié des passagers; diffusion de photos de fonctionnaires du Parlement Européen etc….Israël ne respecte aucun des principes, aucune des règles du droit international.

Plus choquant encore, l’Union Européenne ne rappelle pas Tel-Aviv aux engagements contenus dans l’accord d’association UE-Israël. lit-on à l’article 2 de l’accord:

Les relations entre les Parties, ainsi que toutes les dispositions de l’Accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel du présent Accord.

On comprend bien la stratégie de l’Etat israélien:

+ empêcher la visite d’une délégation de parlementaires européennes au moment où l’armée israélienne est en train d’arrêter, de tuer ou de déplacer des milliers de Palestiniens en Cisjordanie.

+ « mouiller » l’Union Européenne: à partir du moment où l’Union ne proteste pas contre le traitement réservé à des députés et des fonctionnaires européens, elle accepte l’arbitraire.

On est au cœur du problème: politiques, journalistes, commentateurs, à droite, se plaignent d’une délinquance qu’ils attribuent, par obsession, aux « arabo-musulmans »; ils hurlent contre l’Etat algérien; en revanche, il n’y a jamais personne pour rappeler Israël à l’ordre juridique international.

Le Courrier des Stratèges