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La présidente du conseil a toujours admiré Donald Trump dont elle se vante d’être une interlocutrice privilégiée.
Valérie Dupont

« Jouer les supporters cela ne sert à rien ! » Giorgia Meloni a choisi de ne pas choisir ! Entre Donald Trump, qu’elle a toujours admiré et dont elle se vante d’être une interlocutrice privilégiée, et Volodymyr Zelensky, qu’elle a toujours soutenu depuis qu’elle est à la tête du gouvernement, elle préfère désormais la troisième voie, celle de la médiation.
« Chaque division de l’Occident nous rend tous plus faibles et favorise ceux qui veulent assister au déclin de notre civilisation » répète la présidente du conseil des ministres dit-elle, faisant ainsi un appel du pied à l’électorat d’extrême droite. Car depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, Giorgia Meloni joue les funambules. Elle refuse d’admettre que le président américain semble vouloir rompre avec l’Union européenne, mais elle refuse aussi que les pays européens s’unissent contre Donald Trump en appelant à l’unité transatlantique envers et contre tout.
Pas de troupes italiennes en Ukraine
Giorgia Meloni marche sur une corde raide. « Giorgia, est très puissante », affirmait le président Trump il y a quelques semaines sans pour autant lui donner ce qu’elle attend, une reconnaissance officielle de cette relation particulière et un traitement de faveur dans la guerre sur les droits de douane. Elle n’a pas encore franchi officiellement le seuil de la Maison-Blanche alors qu’Emmanuel Macron et Keir Starmer l’ont fait. En équilibre entre les alliés européens et l’ami américain, elle se trouve dans une situation délicate.
Elle ne pourra se permettre de freiner les ambitions guerrières et défensives d’Emmanuel Macron que si elle peut compter sur un appui américain. « Nous n’enverrons pas de soldats italiens en Ukraine », a-t-elle dit à la télévision italienne ce 3 mars, « ma ligne est que je suis en Europe pour l’Italie et l’Occident. Et quand on me dit que l’Italie doit rester quoi qu’il en coûte du côté de l’Europe, je voudrais savoir si cela signifie que nous devrions envoyer des soldats en Ukraine ? Parce que les slogans sont toujours magnifiques mais après il faut faire des choix », dit-elle en attaquant les partis d’opposition qui lui reprochent de ne pas se distancier des États-Unis de Trump comme les autres pays européens.
Un gouvernement divisé
« Cela fait sourire que Giorgia Meloni soit allée à Londres dimanche dernier pour parler d’Ukraine et déclarer son soutien à Kiev, quand en Italie une grande partie de sa majorité ouvrait des bouteilles de vodka pour trinquer à Poutine et se réjouir du harcèlement de Trump contre Zelensky », affirme Emma Bonino. « Meloni dit représenter le pont entre l’Union européenne et les États-Unis. Mais si elle fait cavalier seul, sans l’Europe, elle pourrait bien finir comme un radeau au milieu de l’Atlantique, et couler en entraînant l’Italie avec elle ! »
« Il serait temps que Giorgia Meloni vienne au parlement pour expliquer la position de son gouvernement et non pas son opinion personnelle« , ajoute l’ancienne commissaire européenne et ministre des Affaires étrangères au journal La Stampa. Entre une position prudente par rapport au volontarisme européen de la France, de la Grande-Bretagne et bientôt de l’Allemagne et sa volonté de ne pas irriter l’instable Donald Trump, Giorgia Meloni pourrait aussi voir vaciller sa majorité gouvernementale.
Ses deux vice-premiers ministres ont choisi des camps opposés. Matteo Salvini a retrouvé une certaine vigueur en répétant, comme un perroquet, tout ce que dit Donald Trump et en attaquant chaque matin Ursula von der Leyen. Au nom de la paix, le chef de La Lega, en difficulté dans les sondages, ne cache pas son impatience de retrouver la Russie. À l’opposé, Antonio Tajani, président de Forza Italia, en appelle à l’orgueil européen et soutient fermement la proposition de réarmer l’Europe.
C’est donc prudemment que Giorgia Meloni est arrivée ce jeudi à Bruxelles. Son objectif est de positionner l’Italie comme une actrice incontournable dans le scénario transatlantique. Dialoguer pour freiner l’escalade aussi bien dans la guerre commerciale ouverte par Donald Trump contre les produits européens, y compris italiens, que sur le terrible scénario de la guerre en Ukraine. C’est son seul credo. Elle veut conserver à tout prix l’image de celle qui chuchote à l’oreille de Donald Trump, mais à quel prix ? Si elle échoue, elle risque de se retrouver au centre du jeu, sans avoir vraiment affirmé sa position, et être perçue des deux côtés de l’Atlantique comme une cheffe de gouvernement peu crédible.