Étiquettes
guerre génocidaire, Israël, Netanyahou, une société fasciste
Edouard Husson

La Cour Suprême israélienne vient, suite à une plainte de l’opposition, de suspendre le limogeage du chef du Shin Bet, le service de renseignement intérieur, décidé par le Premier ministre. D’autre part, un échange entre le Premier ministre et les militaires, juste après le début des frappes sur Gaza, en octobre 2023, est publié par la presse. Il révèle un Premier ministre, dès cette époque, ivre de sang versé et de mort infligée aux Palestiniens. Le renversement de Mussolini au début de l’été 1943 ou l’attentat des militaires contre Hitler en juillet 1944 sont là pour nous rappeler qu’une société fasciste (c’est-à-dire fondée sur un projet violent, y compris par le nettoyage ethnique et le génocide, d’établissement d’une hiérarchie des peuples) peut se détacher de son chef quand il va trop loin. Est-ce ce qui est en train de se passer en Israël?
BREAKING | Israel’s Supreme Court suspends move by Netanyahu’s government to fire Shin Bet chief Ronen Bar while the court reviews appeals filed against the dismissal.
— The Cradle (@TheCradleMedia) March 21, 2025
Un média israélien a raconté ces jours-ci un échange entre le Premier ministre et le chef d’Etat-major des armées de l’époque, dans les jours qui ont suivi le début des bombardements sur Gaza:
> Yedioth Ahronoth : Les détails de la conversation entre l’ancien chef d’état-major Herzi Halevi et le Premier ministre Benjamin Netanyahu au cours des 48 premières heures de la guerre contre Gaza ont été révélés :
Halevi a déclaré au cabinet israélien :
Nous avons bombardé 1 500 cibles à Gaza.
Netanyahu, criant de colère après avoir claqué la table :
Pourquoi seulement 1 500 ? Pourquoi pas 5 000 ? »
Halevi :
Nous n’avons pas 5 000 cibles approuvées ; nous n’en avons que 1 500.
Netanyahu :
Je me fiche des cibles, détruisez les maisons. Bombardez tout à Gaza.
@TheSimurgh313
Pourquoi ce dialogue ressort-il maintenant? C’est parce qu’à l’occasion de la reprise de la Guerre de Gaza, alors qu’il y a toujours des otages à libérer, les langues se délient. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Benjamin Netayahou a décidé de limoger le chef du Shin Bet: celui-ci le rendait responsable, par l’autorisation des financements qataris au Hamas, du 7 octobre.
Le début d’une opposition jusqu’au sommet de l’Etat?
Les régimes de type fasciste – c’est-à-dire fondés sur la volonté d’imposer, au besoin par une guerre totale voire voire génocidaire, une hiérarchie entre les peuples – reposent sur le charisme du chef, capable d’unir les idéologues du régime et la majorité, un peu moins radicale, de la société. La force du chef, qu’il s’agisse de Mussolini, d’Hitler ou de Netanyahou, c’est de savoir faire le lien entre les idéologues et les corps constitués; entre les durs du régime et la majorité silencieuse, afin de leur faire accepter les guerres, qui peuvent aller jusqu’à l’extermination de la population civile de l’adversaire.
Il se produit néanmoins un moment où la radicalisation du régime emmène les individus si loin que les cadres de l’Etat ou de l’armée, les faiseurs d’opinion, prennent peur. En particulier s’ils sentent que le chef leur échappe. C’est ce qui explique le coup d’Etat de juillet 1943 contre Mussolini ou la tentative d’attentat, malheureusement ratée, du 20 juillet 1944 contre Hitler.
Se passe-t-il un phénomène du même type avec Netanyahou? On se rappelle qu’avant la Guerre de Gaza, il était contesté, par des manifestations hebdomadaires, pour sa volonté de réduire les pouvoirs de la Cour Suprême. C’est l’institution qui aujourd’hui suspend le limogeage du directeur du renseignement intérieur.
Ce qui est intéressant, c’est le bras de fer qui s’engage:
Après que le Premier ministre a déclaré qu’il ne respecterait pas une décision empêchant le licenciement du chef du Shin Bet, le Forum des entreprises et le siège du secteur des hautes technologies ont annoncé :
Si cela se produit, nous paralyserons l’économie.
Le chef de l’Histadrut [confédération syndicale israélienne] s’est joint à eux en déclarant :
Le non-respect d’une décision de justice est la ligne rouge ultime.
Il est encore trop tôt pour dire où ira le conflit. Mais beaucoup donne à penser qu’en redéclenchant la Guerre de Gaza – et en violant unilatéralement le cessez-le-feu, le Premier ministre israélien pourrait avoir commis le pas de trop, celui qui justifierait son renversement par les intérêts coalisés d’un Etat certes devenu fasciste sous l’impulsion du Premier ministre, mais soudain soucieux de sa survie.