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Arié Bensemhoun, Bruno Retailleau, Christian Estrosi, extrême droite, lobby pro-israélien Elnet, Manuel Valls, Racisme, rassemblement islamophobe, Thibault de Montbrial
La soirée organisée « contre l’islamisme » par le lobby pro-israélien Elnet et des cercles proches du milliardaire Stérin, à laquelle ont participé Bruno Retailleau et Manuel Valls, a sans surprise tourné au concours de déclarations nauséabondes.
Lucie Delaporte
AlorsAlors que les allées du Dôme de Paris, dans le XVe arrondissement, se remplissent
progressivement, le maire de Nice (Alpes-Maritimes), Christian Estrosi, joue le chauffeur de
salle. Ce très proche d’Elnet, le lobby pro-israélien qui organise mercredi 26 mars le meeting
« Pour la République… La France contre l’islamisme », donne très vite le ton de la soirée.
Il attaque d’emblée « Rima Hassan, qui se vautre dans son antisémitisme », et plus largement
La France insoumise (LFI), coupable, à ses yeux, de soumission à l’islamisme : « J’accuse
tous ces gens-là d’intelligence avec l’ennemi ! », dit-il. Les premiers applaudissements
éclatent. La soirée peut commencer. Une soirée que l’organisateur, Arié Bensemhoun,
directeur d’#AgirEnsemble/Elnet France, présente comme « historique et décisive ». « C’est
le premier grand rassemblement contre l’islamisme en France », se réjouit-il.
Le réveil a sonné avec le 7-Octobre, explique Arié Bensemhoun, dans un rendez-vous qu’il
dédie aux otages israélien·nes aux mains du Hamas. Ce jour-là, poursuit l’organisateur, s’est
produit « un basculement du monde, une rupture anthropologique » qui doit signer le réveil
de la France face à la commune menace islamiste. « Aujourd’hui, juif ou non, plus aucun
Français n’est en sécurité en France parce que l’islamisme nous a désignés comme
l’ennemi », lance-t-il alors qu’on aperçoit au premier rang l’eurodéputé Les Républicains
(LR) François-Xavier Bellamy
Également présent, Bruno Retailleau est l’incontestable vedette de ce meeting. Accueilli par
une standing ovation, le ministre de l’intérieur est parfaitement à son aise dans cette ambiance
de veillée d’armes. « Ce soir est un soir d’espoir qui ne retombera pas », veut-il croire,
proposant d’en faire « le serment du Dôme : ne jamais rien céder face à l’islamisme parce
que la charia a trop souvent prospéré dans l’omerta ».
Celui qui a chaleureusement salué en arrivant la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler,
autrice du controversé Le Frérisme et ses réseaux (Odile Jacob, 2023), disserte ensuite sur les
nouveaux visages de l’islamisme, de plus en plus sournois selon lui : « Une autre forme de
djihadisme, c’est l’entrisme : un islamisme à bas bruit, rampant… », répète-t-il, comme il le
fait dans tous les médias Bolloré depuis des semaines.
Et cet islamisme a pour lui un visage : celui de la femme voilée, figure qui sera, avec les
Insoumis, l’autre cible principale de cette soirée d’un racisme parfaitement décomplexé. « Le
voile est un vrai marqueur de la soumission », tonne Bruno Retailleau en saluant le courage
du boxeur Mahyar Monshipour qui l’a récemment comparé à un « linceul ». « Vive le sport et
donc à bas le voile ! », conclut le ministre de l’intérieur, également chargé des cultes.
Un appel à s’armer « physiquement »
Présidente du comité de soutien à l’écrivain Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien
condamné à cinq ans de prison en Algérie jeudi 27 mars, l’ancienne ministre de Jacques
Chirac Noëlle Lenoir, qui succède à Bruno Retailleau à la tribune, décrit un pays au bord du
précipice : « La France est fragile… Elle risque de basculer via l’islam dans une sorte de
théocratie », prédit-elle, avant de lancer : « La lutte contre l’islamisme, c’est un combat à la
vie à la mort, c’est nous ou eux. »
Pour s’assurer que chacun dans la salle a bien compris la « menace existentielle » qui pèse sur
la France, un petit film rappelle tous les attentats islamistes perpétrés sur le territoire depuis
dix ans. Les images de l’attentat contre Charlie Hebdo et contre l’Hyper Cacher défilent
pendant de longues minutes, accompagnées d’une angoissante musique. Le son de la mitraille
à l’intérieur du Bataclan est aussi diffusé. Glaçant.
Très applaudie, Florence Bergeaud-Backler, qui affirme être bannie des campus (une
intervention a été annulée à l’université de Lille (Nord) après la mobilisation d’étudiants
contre sa venue), invite la salle à ne pas se laisser intimider et revendique le droit de
« s’opposer à l’islamisme sans être traitée de raciste et d’islamophobe ». Si ses collègues
chercheurs et chercheuses ne l’ont pas compris, « les citoyens qui regardent autour d’eux,
observent le réel, disent “ça suffit” », estime-t-elle.
Dans une séquence baptisée « talk show », la journaliste du Figaro Eugénie Bastié distribue la
parole à divers témoins de la montée de l’islamisme : le chercheur Bernard Rougier, auteur
des Territoires conquis de l’islamisme (PUF, 2021) ; Henda Ayari, salafiste repentie ; le
youtubeur « Ben le patriote », présenté comme un « musulman modéré » ; ou encore
l’activiste belge Fadila Maaroufi. Se disant heureuse qu’on lui tende ici un micro, cette
dernière affirme être bannie des médias dans son pays. Et l’on comprend rapidement pourquoi.
Il manquait quelque chose [aux Palestiniens] pour être à égalité avec les Juifs, il leur manquait
un génocide.
Éric Danon, ex-ambassadeur de France en Israël
Celle qui a collaboré au reportage qui a fait la une du Figaro Magazine la semaine passée sur
« le Belgiquistan », provoquant la consternation unanime des médias belges, appelle « la
communauté juive, chrétienne à s’unir contre l’islamisme ». Devant ce danger, « il faut
s’informer, s’armer intellectuellement mais aussi s’armer physiquement, s’entraîner à
s’armer physiquement », poursuit l’activiste devant une Eugénie Bastié qu’on sent, à cet
instant, légèrement dépassée. Filmé dans la salle, l’acteur Yvan Attal se ronge les ongles.
La palme de l’ignominie, dans cette soirée où la concurrence fut pourtant rude, revient sans
doute à l’intervention de l’ex-ambassadeur de France en Israël Éric Danon. Moquant l’échec
du secrétaire général de l’ONU António Guterres – copieusement hué par la salle – à
empêcher Israël d’écraser Gaza, il a lancé : « Il ne sert plus à rien. » Selon le diplomate,
« l’UNRWA [l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens – ndlr] a vocation à disparaître
car elle fait perdurer le statut de réfugiés des Palestiniens et donc leur capacité
d’émancipation », plaide-t-il sans préciser que ce statut est la dernière protection juridique des
Palestiniens dans ces territoires.
Concernant l’accusation de génocide envers Israël, il dénonce « l’effondrement de la justice
internationale ». « Il n’y a pas de génocide mais il y a une nécessité absolue, pour les
islamistes et les pro-Palestiniens, de dire qu’il y a génocide parce qu’ils en ont besoin pour
parachever une identité palestinienne mimétique de celle des Juifs, dit-il. L’identité
palestinienne jusqu’à la création d’Israël, c’est une adversité à ceux qui arrivent. »
Et de poursuivre devant une salle suspendue à ses lèvres : « Mais après, qu’est-ce que vous
observez dans la manière de se constituer ? Un, il faudra toujours que les Palestiniens soient
des victimes ; deux, il faudra toujours que ce soit des réfugiés ; trois, on va copier le droit au
retour, et quatre, il leur faut un ghetto, et ce qu’on appelle la prison à ciel ouvert de Gaza,
eux l’appellent le ghetto de Varsovie. Mais il leur manquait quelque chose pour être à égalité
avec les Juifs, il leur manquait un génocide. »
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Difficile après une telle intervention de ne pas paraître tiède. Avec beaucoup d’énergie,
l’avocat Thibault de Montbrial, partenaire du meeting avec son think tank sur la sécurité, s’est
employé à relever le défi à coups de grandes envolées bellicistes sur le « combat vital » à
mener contre l’islamisme. Ce proche de Bruno Retailleau en appelle à mener « la reine de
toutes les batailles : la bataille culturelle ». À l’entendre, il faudrait pour cela « recréer de la
transcendance, mettre en avant notre histoire millénaire qui n’a pas commencé en 1789 »,
date honnie des Vendéens.
« Il faut mettre en avant nos héros : Charles Martel, saint Louis, Duguesclin, Jeanne d’Arc,
Bayard… Arnaud Beltrame », s’enflamme Thibault de Montbrial, en référence au gendarme
qui s’est interposé lors de l’attaque terroriste contre un supermarché à Trèbes (Aude) en mars
2018. Curieux meeting sur la laïcité durant lequel cet avocat médiatique cite saint Paul et
sainte Thérèse de Lisieux, et Arié Bensemhoun, le prophète Isaïe.
Alors que l’intervention de l’essayiste Raphaël Enthoven sur « Montaigne et l’islamisme » est
annulée, lui et Rachel Khan n’étant finalement pas présents, tout comme l’ancien socialiste
Julien Dray, c’est le ministre des outre-mer, Manuel Valls, en grand ami d’Elnet, qui clôt la
rencontre. Sous un tonnerre d’applaudissements, l’ancien premier ministre appelle à se tenir
« debout » devant le danger islamiste, avant d’entonner La Marseillaise.