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A la session de printemps, la bonne surprise est venue du Parlement suisse: par 25 voix contre 19, le Conseil des Etats a dit non à l’ineffable motion du Conseil national, lequel voulait supprimer dès à présent les contributions à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La motion a donc été rejetée. Détail particulièrement réjouissant: dans tous les autres partis, des voix se sont élevées contre la motion de l’UDC, autrement dit en faveur de l’engagement humanitaire et de la crédibilité internationale de la Suisse. En plus du PS, des Verts et des Verts libéraux, ce sont surtout les nombreux membres du Parti du Centre qui se sont fait remarquer (9 sur 14 – le Centre est de loin le groupe le plus fort au Conseil des Etats). Mais trois Conseillers aux Etats du PLR (les liberaux) ont également voté contre. Ces prises de position particulièrement convaincantes donnent l’espoir que pour l’humanitaire en Suisse, tout n’est pas perdu.

Deux extraits d’interventions méritent d’être cités

Franziska Roth (PS): «Le gel des financements aurait des conséquences dramatiques à plusieurs égards – pour les populations locales bénéficiaires, mais également pour la Suisse. Pour les populations locales, cela signifierait la famine, l’absence ou la réduction drastique de la couverture médicale et la mort. Et pour la Suisse? Cela ne voudrait-il pas dire pour nous que nous aurions chaussé les godillots de Trump pour courir à grands pas vers la déstabilisation du monde? Oui, je le crois. Droit de l’homme, droit international, aide humanitaire – ces trois notions sont à mon avis plus suisses que l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. C’est justement parce que nous, en tant que nation fondée sur la volonté, avons toujours réaffirmé le droit humain, le droit international et l’aide humanitaire, ayant participé nous-mêmes à leur élaboration, que nous avons incorporé à ces notions universelles notre ADN suisse.»

Rapport Colonna: l’UNRWA n’est pas impliquée dans les attaques du Hamas

En ce qui concerne le respect du droit, la conseillère aux Etats Isabelle Chassot revient sur le rapport Colonna, qui a clairement révélé que la prétendue implication supposée de l’UNRWA dans l’attaque du Hamas du 7octobre 2023 ne reposait sur aucune preuve. Elle s’est à juste titre insurgée contre le fait que certains collègues du Conseil fassent abstraction de ce résultat et s’obstinent à affirmer que l’UNRWA est liée au Hamas. Apparemment, l’ADN de l’Etat de droit précitée n’est pas encore tout à fait enraciné chez certains parlementaires.
    Isabelle Chassot (Centre, FR): «Considérer l’UNRWA comme une organisation potentiellement liée au terrorisme […], c’est donc ne pas tenir compte des enquêtes approfondies menées par l’ONU à la suite des événements du 7 octobre 2023, notamment celles confiées à MmeColonna, auparavant Ministre française des Affaires étrangères, enquêtes qui ont porté sur 12 – puis 19 – des 13000 employés. Les conclusions de ce rapport sont sans appel sur la non-implication de l’organisation onusienne. Je vous invite à lire ce rapport disponible».

L’UNRWA est incontournable

Isabelle Chassot tient également à rectifier l’affirmation récurrente selon laquelle d’autres organisations pourraient reprendre les tâches de l’UNWRA. Selon elle, les auditions menées par la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-E) «n’ont pas permis de dégager une alternative crédible à court terme pour l’aide humanitaire et le travail éducatif que l’UNRWA fournit à des millions de personnes, dont 75% de femmes et d’enfants, dans tout le Proche-Orient». Actuellement, la situation sanitaire et alimentaire catastrophique qui affecte 2millions de personnes dans la bande de Gaza – cette population est en mode survie – nécessite une aide urgente que seule l’UNRWA peut fournir. Dans cette situation, ce qui importe n’est pas tant l’UNRWA, le Hamas ou Israël, mais la protection de la population dans le cadre des Conventions de Genève. Si le Parlement rejette cette motion, il se rangera dans le camp du respect du droit international humanitaire en protégeant cette population très durement éprouvée et en lui garantissant l’accès à l’aide humanitaire».

La Suisse doit se concentrer sur ses atouts

Et la Conseillère aux Etats Isabelle Chassot de renchérir: «La seule réponse politique que nous puissions apporter est de revenir à ce qui a fait et fait la force de la Suisse: la force du droit et non le droit de la force. En tant que siège des Nations unies et dépositaire des Conventions de Genève, la Suisse s’est toujours engagée pour le respect du droit international, en particulier celui du droit international humanitaire».
    C’est une bonne chose que la Petite Chambre du Parlement fédéral ait une fois de plus été à la hauteur de sa réputation de «chambre de réflexion».

Source: https://www.parlament.ch/de/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=67482