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par Edouard Husson

Guerre civile, guerre internationale: le système macroniste est-il prêt à tout pour se sauver?

La fascination pour l’infox ne cesse d’augmenter dans les milieux macronistes. Ainsi Aurore Bergé a-t-elle lancé la rumeur d’une attaque contre une boulangerie de Strasbourg tenue par des Français juifs. Quant à BHL, il crie à « Guernica » à propos de la frappe russe sur un immeuble à Soumy. Guerre civile, guerre internationale: le macronisme a-t-il besoin d’entraîner la France dans un conflit pour survivre?

Une boulangerie prise d’assaut à Strasbourg car elle serait israélienne, un homme frappé en pleine rue à Lyon parce qu’il portait une étoile de David…

L’antisémitisme dans notre pays a tué ces dernières années.
Tué parce que les préjugés antisémites les ont désignés comme des… pic.twitter.com/5L4bzxKsfy— Aurore Bergé (@auroreberge) April 13, 2025

Aurore Bergé lançait dimanche l’infox d’une attaque contre une boulangerie de Strasbourg tenue par des Français juifs, à l’occasion d’une manifestation de l’extrême gauche. Voici ce qui s’est vraiment passé:

Le récit brut des Dernières Nouvelles d’Alsace

À l’appel du collectif Strasbourg Palestine, plusieurs centaines de personnes sont parties de la place Kléber, samedi 12 avril vers 15 heures, pour protester contre « le génocide en cours » en Palestine. Le cortège avançait depuis quelques minutes quand il s’est arrêté au niveau de la boulangerie Dreher, 50, rue des Grandes-Arcades.

En terrasse, « certains membres » de « deux familles de touristes venus d’Israël » se sont « offusqués de la nature de la manifestation », résume une source policière. Des participants font état d’« insultes » et d’ « un doigt d’honneur ». « Le ton est monté avec des manifestants, accentué par l’effet de groupe », puis une brève empoignade a opposé une manifestante et un des touristes. Altercation vite maitrisée par la police, témoigne un reporter des DNA , qui a assisté à la fin des échanges.

Militants et badauds ont sorti leur téléphone pour filmer la scène. L’une de ces vidéos a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Côté commerce, on voit trois policiers de la brigade spécialisée de terrain du centre de Strasbourg, positionnés devant l’entrée du magasin. « Reculez », incite posément l’un d’eux.

Côté rue, on voit les manifestants, agiter des drapeaux palestiniens. On les entend siffler et crier. « Ces gens-là sont des criminels, ne répondez pas à leur provocation », demande une militante au mégaphone pour encourager le cortège à se remettre en marche. « La manifestation a repris son trajet » en direction de la place du Château, via le quai des Bateliers, « sans plus de perturbations et sans autre incident », confirme la police.

Les images, elles, ont commencé à tourner sur les réseaux sociaux. Les commentaires, plus ou moins éloignés de la réalité, ont pris une tournure politique.

« Ces “manifestants” instrumentalisent les réelles souffrances du peuple palestinien pour déverser leurs haines antisémites », a commenté la conseillère municipale, Pernelle Richardot , sur Facebook dimanche soir.

« Les images d’une boulangerie à Strasbourg, prise pour cible parce que considérée comme tenue par des juifs, sont insoutenables », a embrayé Étienne Loos, candidat malheureux aux législatives de 2024 dans la première circonscription du Bas-Rhin (Strasbourg-Centre). « Merci aux forces de l’ordre qui se sont interposées, mais que se serait-il passé sans leur présence ? » s’est interrogé le potentiel candidat à l’élection municipale de 2026 à Strasbourg.

« Voilà, on y est, les manifestants chauffés à blanc par les partis d’extrême gauche antisémites s’en prennent maintenant aux commerces “juifs” comme en 33, la boulangerie Dreher », s’est ému sur le même réseau Thierry Roos , vice-président d’honneur du Consistoire israélite du Bas-Rhin. […]. Il serait temps d’interdire de telles manifestations mettant en danger les commerçants et leurs clients de moins en moins nombreux à Strasbourg Centre. […] Toute ma solidarité avec la famille Dreher […] »

Le patron, Benjamin Dreher, s’en étonne : « On est une entreprise familiale de Kehl. On n’a aucun lien avec un quelconque conflit géopolitique. » L’entrepreneur, à la tête d’une quinzaine d’établissements en Allemagne et de trois autres à Strasbourg, précise qu’il n’y a « pas eu de dégâts » dans sa boulangerie. « Les vendeuses, habituées à voir passer les manifestations, ne se sont rendu compte de rien », ajoute-t-il, médusé par les proportions que prend l’affaire.

Même la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé, y est allée de sa publication sur « X » dans la soirée de dimanche. « Une boulangerie prise d’assaut à Strasbourg car elle serait israélienne […]. L’antisémitisme dans notre pays a tué ces dernières années. […] L’État agit, est et sera implacable. Mais c’est toute la société qui doit maintenant réagir et agir. »

« Non mais Madame la ministre, fallait rechercher un minimum ! Fallait au moins téléphoner à la boulangerie », a réagi dans une vidéo postée sur Facebook un certain « Zek TL » qui se présente comme « le responsable du service d’ordre » de la manifestation, dénonçant « une grosse fake news ».

Il en va de même pour l’adjointe à la maire de Strasbourg Nadia Zourgui, qui a dénoncé sur Facebook  les « fausses informations partagées de multiples fois » sur la toile. « C’est indigne, et c’est un manque de respect pour toutes les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain ! Et cela quel que soit le bord politique ! », a-t-elle ajouté avant de remercier la police nationale pour son travail.

« L’incident totalement isolé est clos », a assuré le Collectif Strasbourg Palestine lundi 14 avril dans un communiqué. La terrasse de la boulangerie Dreher avait retrouvé son calme habituel.

Donc une rumeur montée de toutes pièces. Visiblement les touristes israéliens à l’origine de l’altercation n’avaient absolument pas peur des manifestants. Au contraire l’un d’entre eux les a défiés. Il y a eu une altercation vite maîtrisée. Mais c’était suffisant pour que le moulins à rumeurs se mette à tourner.

On voit d’un côté des personnes qui manifestent contre le génocide de Gaza. Et de l’autre des personnalités remontées à bloc qui traitent d’emblée ces manifestants « d’antisémites » et cherchent un prétexte pour faire interdire les manifestations pour le droit international.

Le fait que Madame Berger ait aussitôt pris la mouche dénote cependant une autre intention: tout se passe comme si le macronisme au pouvoir cherchait à jeter de l’huile sur le feu.

Malgré le démenti ultérieur, la rumeur était lancée et elle continue, au moment où nous écrivons, à circuler sur les réseaux sociaux sur le mode: vous niez qu’il y ait eu un incident antisémite? Ne le seriez-vous pas vous-même…..? Surtout, Madame Berger rectifie (un peu) concernant les événements mais intensifie ses invectives contre LFI:

La boulangerie n’a heureusement pas été prise pour cible comme la vidéo le suggérait. Je regrette de l’avoir laissé entendre.

Des passants s’y sont réfugiés.
Ils ont été pris pour cibles. Dans des hurlements – « ces gens-là sont des criminels » – pendant une manifestation…

— Aurore Bergé (@auroreberge) April 14, 2025

BHL dénonce un « Guernica » ukrainien à Soumy

Last week in #Soumy. Of course, #Putin was already striking. Of course, only on Sunday, April 6, when I was there, 95 drones and shells fell on the city. But no one could imagine the tragedy of today, this Guernica, this monstrous crime against the brave and heroic #Ukraine. pic.twitter.com/TtoJbTVUpJ

— Bernard-Henri Lévy (@BHL) April 13, 2025

Ne vous indignez pas: le Malraux au petit pied a un problème avec la langue française – il est de moins en moins sûr de son orthographe et de sa grammaire avec l’âge. Alors il écrit en globish. Au risque de faire des écarts avec la vérité:

L’armée russe commente rarement ses frappes dans les régions ukrainiennes de l’arrière, mais l’attaque de Soumy le 13 avril a été largement utilisée par la propagande ukrainienne et les mécènes occidentaux de Kiev pour accuser Moscou de crimes de guerre présumés, dans le but de contrecarrer le processus de négociation. En réponse aux mensonges ukrainiens, l’armée russe a publié les informations suivantes dans son rapport militaire quotidien :

Hier, les forces armées de la Fédération de Russie ont lancé deux missiles tactiques Iskander-M sur le lieu de réunion du groupe tactique opérationnel de Severk, dans la ville de Soumy, en Ukraine, en dépit de la riposte active des forces armées ukrainiennes avec des systèmes de guerre électronique et de défense aérienne de fabrication étrangère. Plus de soixante militaires des forces armées ukrainiennes ont été éliminés à la suite de la destruction de la cible.

Le régime de Kiev continue d’utiliser la population ukrainienne comme bouclier humain, déployant des installations militaires et organisant des événements avec la participation de militaires dans le centre d’une ville densément peuplée.

Le rapport russe a été confirmé plus tôt par les faits révélés par des responsables militaires et politiques ukrainiens.

Deux missiles balistiques Iskander-M ont été tirés sur une réunion du groupe opérationnel-tactique militaire ukrainien Seversk dans un centre de congrès de l’université d’État de Sumy. La cérémonie marquait l’anniversaire de la soi-disant opération antiterroriste de l’Ukraine contre la population du Donbass. Des soldats de plusieurs brigades, dont les 95e et 80e brigades d’assaut aérien, la 21e brigade mécanisée et la 117e brigade de défense territoriale, ont été récompensés pour leur opération, évidemment, dans la région russe de Koursk, où des nazis ukrainiens ont commis d’horribles crimes de guerre contre les civils locaux.

Les médias locaux publient déjà les noms des victimes, démentant les mensonges de l’armée ukrainienne selon lesquels il n’y a pas eu de victimes parmi les soldats, mais seulement parmi les civils. Par exemple, parmi les morts se trouvait le colonel Yuriy Yula, commandant de la 27e brigade d’artillerie à roquettes, dont la mort a été confirmée par des responsables de la région de Jytomyr.

La mort d’autres militaires est révélée.

Avec le ministère russe de la Défense, certains responsables ukrainiens condamnent l’armée ukrainienne et les autorités locales pour avoir organisé les événements dans une zone civile densément peuplée, accusant Kiev d’« utiliser des civils comme boucliers humains ». Au milieu de l’attaque du 13 avril, le maire de la ville locale de Konotop a rappelé que le gouverneur de la région de Soumy avait également menti sur la raison d’une énorme explosion dans la zone résidentielle de Soumy le 24 mars. L’incident qui a fait une centaine de blessés a été provoqué par l’armée ukrainienne et non par des frappes russes.

De même que les cadavres retrouvés à Boutcha avaient été le prétexte pour ne pas donner suite aux négociations d’Istanbul début avril 2022; de même un propagandiste de l’OTAN comme BHL voudrait bien voir les négociations entre les Etats-Unis et la Russie échouer. La branche française de ce qui subsiste de l’Internationale Néoconservatrice a besoin de la Guerre d’Ukraine.

Le système macroniste veut-il se sauver par la guerre civile ou internationale?

Comme les guerres internationales, les guerres civiles commencent toujours à cause de fausses nouvelles. Ensuite, il faut préciser de quelle guerre civile on parle.

Il y a des guerres civiles qui commencent parce que deux partis inconciliables et de force égale se font face.

Là nous sommes plutôt dans le cas où un appareil d’Etat aux abois, devenu incapable d’administrer le pays, cherche des dérivatifs. Soit vers la guerre internationale- sur le mode « je vais envoyer les mecs en Ukraine ». Soit vers un conflit intérieur sur le mode « il faut combattre l’islamisme ».

La pitrerie anti-Alger, pantalonnade qui se finit en déculottée, plaisait à certains parce qu’elle mêlait potentiellement crise intérieure et crise extérieure.

Le comportement de l’Etat et de la classe politique presque unanime, déconsidère chaque jour un peu plus notre pays aux yeux du monde. Mais le pouvoir macroniste a visiblement ses propagandistes heureux de se rouler dans la fange de l’abandon et du déshonneur. Quelle déchéance!

Tout cela parce que, depuis trente ans, des gouvernants faibles ont cessé de défendre la seule chose qui compte: les intérêts des Français.

Le Courrier des Stratèges