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Edouard Husson

Israël est-il au bord de la guerre civile? Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a prononcé, dimanche 20 avril, des propos très durs vis-à-vis de Benjamin Netanyahou, affirmant que le prochain coup dur porté à l’Etat d’Israël ne viendrait pas de l’extérieur, comme le 7 octobre 2023 mais de l’éclatement d’une guerre civile! Evidemment, vous ne trouverez pas d’échos de tels propos dans les médias subventionnés français, où l’on encourage le gouvernement de Benjamin Netanyahou, parce que le soutien à la pseudo-« guerre de civilisation » que mène Tel-Aviv est un moyen d’empêcher la réunion des classes populaires en France, « France périphérique » et « France des banlieues ». Nous devons démasquer la désinformation sur Israël. Il faut lire la presse israélienne en langue française ou anglaise, comme je le recommande à nos lecteurs depuis octobre 2023. En l’occurrence, les informations que je répercute viennent d’un journal conservateur, le Times of Israël.

Le Times of Israël donnait, il y a quelques jours, une grande répercussion aux propos tenus par le chef de l’opposition à la Knesset, Yaïr Lapid:
Avertissant qu’une ligne rouge a été franchie, le chef de l’opposition Yair Lapid appelle le Premier ministre Benjamin Netanyahu à mettre fin aux incitations à la haine contre le chef du Shin Bet, Ronen Bar, avant que cela ne débouche sur un « assassinat politique ».
S’adressant aux journalistes lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv, Lapid cite plusieurs messages publiés sur les réseaux sociaux par des Israéliens appelant à l’exécution de Bar, ainsi que des messages du ministre des Finances Bezalel Smotrich et du fils de Netanyahu, Yair, accusant Bar de tenter d’organiser un « coup d’État ».
Lapid cite également une déclaration du Likoud, le parti au pouvoir de Netanyahu, accusant Bar et le procureur général Gali Baharav-Miara de transformer les services de sécurité en une « milice privée de l’État profond qui sape l’état de droit et les fondements de la démocratie ».
« Des ministres et des personnalités de la coalition » ont tenu des propos similaires à l’égard de Baharav-Miara, et celle-ci ainsi que Bar ont été victimes de menaces croissantes sur les réseaux sociaux, poursuit Lapid, qui met en garde contre le fait qu’Israël se dirige vers « une période sombre et dangereuse » et que, si le Hamas était derrière l’attaque du 7 octobre 2023, « la prochaine catastrophe sera provoquée par cette incitation à la folie ».
L’incitation à la haine contre Netanyahu doit également cesser, même « s’il s’agit d’une fausse symétrie », ajoute Lapid, affirmant que le Premier ministre est responsable de modérer le discours de ses alliés et de ses partisans.
« Je tiens maintenant à lancer un avertissement fondé sur des informations émanant des services de renseignement : nous nous dirigeons vers une nouvelle catastrophe. Cette fois-ci, elle viendra de l’intérieur. Le niveau d’incitation à la haine et de folie est sans précédent. Il y aura des assassinats politiques ici. Des Juifs tueront des Juifs », déclare Lapid, affirmant que « les terroristes… n’auraient pas pu recevoir de plus beau cadeau » qu’une rupture entre le Shin Bet et le gouvernement.
« J’en appelle le Premier ministre : arrêtez cela. C’est à vous de le faire. Vous pouvez y mettre fin. Faites taire vos ministres, votre fils à Miami, les porte-parole que vous employez dans les médias. Au lieu de soutenir l’incitation à la violence, soutenez le Shin Bet, les forces de sécurité, les systèmes qui maintiennent ce pays en vie », exhorte Lapid.
« Si vous ne le faites pas maintenant, de manière décisive, vous ne pourrez pas dire plus tard : « Je ne savais pas » », ajoute Lapid. « Cette fois-ci, cela ne marchera pas pour vous. Vous savez. Vous en faites partie. Vous devez y mettre un terme. »
Netanyahou contre l’Etat profond?
Dans l’article ci-dessus, j’ai souligné deux passages qui me paraissent hautement significatifs. Ce qui se passe actuellement en Israël est un bras de fer entre le Premier ministre et….l’Etat profond.
Le commandement de l’armée, les services de renseignement, les plus hautes autorités judiciaires, résistent à Netanyahou. Yaïr Lapid approuve la guerre de Gaza. En revanche, il dénonce la matière dont Netanyahou ne respecte plus les réseaux de pouvoir qui ont fait longtemps la force de l’Etat d’Israël.
Quand vous ne lisez pas les médias israéliens, consultez la meilleure source, de mon point de vue, sur le Proche- et le Moyen-Orient, The Cradle:
Le limogeage de Bar a coïncidé avec la résurgence du scandale « Qatargate », révélé pour la première fois par le journaliste Bar Peleg du journal Haaretz. Cette affaire concernait des collaborateurs de Netanyahu qui auraient été payés pour mener une campagne de relations publiques en faveur du Qatar alors qu’ils travaillaient au sein du cabinet du Premier ministre – un signe supplémentaire de la corruption qui ronge les fondements de l’État.
Lorsque la Cour suprême est intervenue pour retarder le licenciement de Bar, cela a ravivé la rhétorique anti-justice au sein de la coalition d’extrême droite de Netanyahu. La campagne de longue date visant à neutraliser le pouvoir judiciaire israélien était de nouveau à l’ordre du jour.
La voie vers l’autoritarisme
La stratégie de Netanyahu est désormais claire : purger les dissidents, installer des fidèles et consolider son pouvoir dans le chaos. Comme le dit le journaliste israélien Uzi Baram, il y a une « bataille pour l’âme d’Israël ». L’ancien Premier ministre Ehud Olmert a lancé un avertissement encore plus grave, prédisant que les « hooligans », enhardis par la rhétorique de Netanyahu et armés par le ministre de la Sécurité Itamar Ben Gvir, pourraient bientôt prendre d’assaut les studios de télévision, comme ils ont menacé de le faire avec le pouvoir judiciaire.
« Lentement et silencieusement, Netanyahu conduit Israël vers un point de non-retour », a averti un autre ancien Premier ministre, Ehud Barak. « Le point de rupture démocratique surviendra sans que nous puissions le prévoir, et à un moment où nous ne pourrons plus l’arrêter. » (…)
Pendant ce temps, environ 100 000 réservistes israéliens refusent de se présenter à leur poste. L’opinion publique dans son ensemble reflète un profond malaise : selon le journal Maariv, 60 % des Israéliens pensent désormais qu’une guerre civile est un danger réel.
Des centaines d’anciens agents du Mossad, de réservistes de l’armée et d’anciens fonctionnaires ont signé une lettre demandant un échange de prisonniers avec le Hamas. Il s’agit d’un dernier effort pour empêcher la descente vers l’autoritarisme. Les fidèles de Netanyahu ont donné l’ordre de licencier ces anciens combattants.
Alors que la guerre fait rage à l’étranger, la bataille la plus féroce de Netanyahu se déroule désormais « chez lui », contre les institutions mêmes qui ont autrefois défini l’État d’occupation.
Après tout, n’est-ce pas la définition du fascisme? Un pouvoir fondé en partie sur des milices paramilitaires et des réseaux identitaires extrémistes, qui se sont emparés de l’Etat profond pour le faire servir à leurs intérêts?
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