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par Edouard Husson

Comment les combattants Houthis ont vaincu en un mois l’armée américaine

Les combattants Houthis d’Ansarallah ont littéralement humilié « l’invincible armada » de Washington en Mer Rouge. A vrai dire, cela fait plus d’un an que les combattants yéménites tiennent en échec la flotte américaine en Mer Rouge. Mais peu de monde y prêtait attention aux Etats-Unis. Donald Trump est venu et il a annoncé une offensive massive pour vaincre Ansarallah. Or, au bout d’un mois, le même Trump a crié victoire et arrêté l’offensive en reconnaissant le courage des combattants adverses. Les observateurs avisés ne sont pas dupes: le président américain a immédiatement arrêté une opération qui tournait au fiasco. La nature de la guerre est en train de changer et les armées occidentales ont un conflit de retard….

Donald Trump praises Houthis’ “bravery »

“You know, we hit them very hard. They had a great capacity to withstand punishment. They took tremendous punishment. You can say there’s a lot of bravery there…It was amazing what they took. But we honor their commitment and their word.” pic.twitter.com/XS1ChpFKd7

— Prem Thakker (@prem_thakker) May 7, 2025

Etonnant retournement: tente jours après avoir menacé les Houthis du feu du ciel, Donald Trump criait victoire mais annonçait l’arrêt de la campagne de bombardement – sans avoir prévenu sont ennemi israélien.

En réalité, un article du New York Times et des publications militaires américaines révèlent l’envers du décor.

Comment les Houthis ont gagné la guerre

Maintenant que les Démocrates sont dans l’opposition, le New York Times est pris d’accès de vérité. Il y a quelques jours nous évoquions la lettre ouverte de Thomas Friedman à Trump concernant le soutien à Israël. A présent, c’est la défaite de l’armée américaine au Yémen que le journal bien-pensant de la côte Est n’hésite pas à mettre sous les projecteurs:,

Lorsqu’il a approuvé une campagne visant à rouvrir la navigation dans la mer Rouge en bombardant le groupe militant houthi jusqu’à ce qu’il se soumette, le président Trump voulait voir des résultats dans les 30 jours suivant les premières frappes, il y a deux mois.

Au 31e jour, M. Trump, toujours méfiant à l’égard des engagements militaires prolongés au Moyen-Orient, a exigé un rapport d’étape, selon des responsables de l’administration.

Mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les États-Unis n’avaient même pas établi leur supériorité aérienne sur les Houthis. Au lieu de cela, après 30 jours d’une campagne intensifiée contre le groupe yéménite, ce qui émergeait était un autre engagement militaire américain coûteux mais peu concluant dans la région.

Les Houthis ont abattu plusieurs drones américains MQ-9 Reaper et ont continué à tirer sur des navires de guerre dans la mer Rouge, notamment un porte-avions américain. Et les frappes américaines ont épuisé les stocks d’armes et de munitions à un rythme d’environ 1 milliard de dollars au cours du seul premier mois.

Le fait que deux F/A-18 Super Hornets de 67 millions de dollars appartenant au porte-avions amiral américain chargé de mener les frappes contre les Houthis soient tombés accidentellement en mer n’a pas aidé.

À ce moment-là, M. Trump en avait assez.

Steve Witkoff, son envoyé au Moyen-Orient, qui participait déjà à des négociations nucléaires avec l’Iran sous l’égide d’Oman, a rapporté que les responsables omanais avaient suggéré ce qui pourrait être une issue parfaite pour M. Trump sur la question distincte des Houthis, selon des responsables américains et arabes. Les États-Unis mettraient fin à leur campagne de bombardements et la milice ne prendrait plus pour cible les navires américains dans la mer Rouge, mais sans s’engager à cesser de perturber le trafic maritime que le groupe jugeait utile à Israël.

Les responsables du Commandement central américain ont reçu un ordre soudain de la Maison Blanche le 5 mai de « suspendre » les opérations offensives.

En annonçant la cessation des hostilités, le président semblait presque admiratif à l’égard du groupe islamiste militant, alors qu’il avait précédemment promis qu’il serait « complètement anéanti ».

« Nous les avons frappés très durement et ils ont fait preuve d’une grande capacité à résister », a déclaré M. Trump. « On peut dire qu’ils ont fait preuve d’un grand courage. » Il a ajouté : « Ils nous ont donné leur parole qu’ils ne tireraient plus sur les navires, et nous honorons cet engagement. »

Les combattants Houthis ont manqué de peu un F35

Toujours selon le New York Times:

Au cours de ces 30 premiers jours, les Houthis ont abattu sept drones américains MQ-9 (d’une valeur d’environ 30 millions de dollars chacun), entravant ainsi la capacité du Commandement central à suivre et à frapper le groupe militant. Plusieurs F-16 américains et un avion de combat F-35 ont failli être touchés par les défenses aériennes houthies, rendant réelle la possibilité de pertes américaines, ont déclaré plusieurs responsables américains.

La fin chaotique de la campagne militaire

C’est sans doute ce passage de l’article du New York Times qui est le plus significatif:

Le 28 avril, le Truman a été contraint d’effectuer un virage serré en mer pour éviter les tirs des Houthis, ont déclaré plusieurs responsables américains. Cette manœuvre a contribué à la perte d’un des Super Hornets, qui était en train d’être remorqué et est tombé à la mer. Le même jour, des dizaines de personnes ont été tuées lors d’une attaque américaine qui a frappé un centre pour migrants contrôlé par les Houthis, selon le groupe et des responsables humanitaires.

Puis, le 4 mai, un missile balistique houthi a contourné les défenses aériennes israéliennes et a frappé près de l’aéroport international Ben Gourion, à l’extérieur de Tel-Aviv.

Mardi, deux pilotes à bord d’un autre Super Hornet, toujours sur le Truman, ont été contraints de s’éjecter après que leur avion de chasse n’ait pas réussi à attraper le câble d’acier sur le pont du porte-avions, précipitant l’appareil dans la mer Rouge.

À ce moment-là, M. Trump avait déjà décidé de déclarer l’opération un succès.

S’il ne s’agissait pas d’une guerre et des souffrances du peuple yéménite, on trouverait un indéniable effet comique au récit du New York Times.

Et puis se rend-on compte? Ce n’est pas la première fois que nous entendons un tel récit mais il y a en l’occurrence une confirmation officielle: le porte-avions Truman a manœuvré pour se trouver hors de portée des tirs d’Ansarallah. C’est peut-être à cause de cela que deux avions américains n’ont pas réussi à se poser sur le porte-avions…..

A vrai dire, on a toutes les raisons de se demander si les deux avions en question n’ont pas été tout simplement abattus par des missiles yéménites; tandis que des F16 et un F35 en réchappaient de justesse.

Une défaite humiliante provisoirement camouflée

Voici ce que dit Simplicius, après avoir examiné l’article du New York times:

Les États-Unis sont incapables de mener des opérations en toute sécurité à proximité de l’espace aérien yéménite, malgré ses défenses aériennes dites « rudimentaires ». Les F-35, présentés comme « les avions de combat les plus avancés jamais construits », sont incapables d’opérer en toute sécurité sans être détectés. À votre avis, qu’est-ce qui permet aux Houthis de détecter des F-35 « invisibles » au point de tirer sur eux et de les contraindre à effectuer des manœuvres d’évitement ? S’agit-il de radars iraniens d’occasion, eux-mêmes probablement d’occasion russes ? Comment les F-35 et les B-2 tant vantés pourraient-ils faire face au réseau national iranien de défense aérienne, bien plus vaste et supérieur, s’ils ne peuvent même pas faire face à celui des Houthis ?

On comprend désormais mieux pourquoi Israël n’a pas osé s’approcher de la frontière iranienne avec ses propres F-35I : l’Occident sait que ses avions sont en fait détectables par les radars de la résistance, et le dernier épisode ne fait que le confirmer. La seule raison pour laquelle les Houthis n’ont pas réussi à abattre les avions est probablement qu’il est plus facile de fabriquer un radar, une technologie beaucoup plus ancienne, que de fabriquer un missile doté des propriétés cinématiques nécessaires pour poursuivre un avion de chasse maniable ; le radar a probablement fait son travail, mais le missile n’a pas pu aller jusqu’au bout.

Le fait est que l’Occident a passé des décennies à élaborer toute une doctrine de guerre qui devient peu à peu obsolète, une doctrine qui repose sur des armes de haute technologie et très coûteuses qui ne peuvent être reproduites à grande échelle. Cela s’explique en partie par le fait qu’avec la complexité croissante des armes « high-tech » modernes, les chaînes d’approvisionnement deviennent problématiques, en particulier lorsque la Chine contrôle la plupart des terres rares dans le monde.

Il suffit d’écouter cette nouvelle déclaration stupéfiante de Macron, dans laquelle il admet que la France n’a plus rien à donner à l’Ukraine parce que son modèle de guerre n’a jamais été conçu pour des combats d’une telle intensité :

« Vous devez comprendre que nous avions un modèle d’armée qui n’était pas conçu pour des conflits terrestres de haute intensité. Nous avons donc donné tout ce que nous avions, nous avons même produit de plus en plus vite… mais nous ne pouvons pas donner ce que nous n’avons pas. »

C’est un thème qui revient de plus en plus souvent dans les conflits mondiaux ces derniers temps : la vague d’innovations provenant des pays du Sud dépasse les modèles militaires occidentaux dépassés et axés sur le profit.

Le récent conflit entre le Pakistan et l’Inde semble en être un autre exemple, car les armes chinoises entre les mains des Pakistanais auraient été bien plus efficaces que leur poids ne le laissait supposer et, si les informations sont exactes, auraient été plus que de taille face à des armes occidentales équivalentes, en particulier dans le cas des avions de combat.

Notre chroniqueur militaire préféré crédite même Emmanuel Macron d’un accès de lucidité! C’est dire comme les esprits sont sens dessus dessous au royaume d’Occident!

Le Courrier des Stratèges