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par Edouard Husson

Steve Bannon menace: il faut punir financièrement l’Eglise d’avoir élu Léon XIV

Steve Bannon a menacé l’Eglise de la couper des grands donateurs américains pour avoir élu Léon XIV, cet Américain qui n’est pas totalement aligné sur Donald Trump. Il affirme que le Conclave était « plus truqué que l’élection présidentielle américaine de 2020 ». Non seulement Steve Bannon dénigre une institution bimillénaire et il met en cause un système d’élection au-dessus de tout soupçon. Mais il tombe le masque et révèle qu’il n’est pas un conservateur mais un homme obsédé par l’argent: en l’occurrence mettre la main sur les « actifs non liquides » de l’Eglise catholique. Le vernis du conservatisme a sauté et laisse voir un bien banal appât du gain. Décidément, entre Jared Kushner, qui veut transformer Gaza en Riviera pour milliardaires et Steve bannon qui veut que la finance américaine s’empare des actifs du Vatican, Donald Trump est entouré par des gens peu recommandables.

Si vous regardez la séquence qui va de 2’20’ à 6’00 », vous tombez sur quatre minutes d’anthologie, dans la collection « Ils tombent le masque ».

Les menaces de Steve Bannon envers l’Eglise

Bannon nous l’explique: ce que les cardinaux ont fait en élisant le Cardinal Prevost serait un pur scandale. Prevost n’est que la continuation de Bergoglio. Il déteste Trump. Et il va falloir punir l’Eglise pour avoir fait un tel choix.

La menace est double:

+ Le Saint-Siège s’est coupé des donateurs américains « traditionalistes ». Il va falloir faire sentir aux cardinaux qu’ils ont fait un très mauvais choix.

+ on va vers un schisme des catholiques traditionalistes, là encore par la faute de ce vote.

Bannon n’a pas peur du ridicule: l’élection était truquée

Comme disaient nos grand-mères, heureusement que le ridicule ne tue plus. « Le Conclave pour le Pape a été plus truqué que l’élection de 2020 » (cele qui a vu Joe Biden rentrer à la Maison Blanche).

Comment Bannon le sait-il? D’abord, il a ses réseaux parmi les traditionalistes, jusque dans la Curie, explique-t-il. Et puis, Prevost n’était cardinal que depuis moins de deux ans; il n’est pas possible qu’un « non favori » (dark horse) ait été élu, en plus au quatrième tour, en moins de deux jours, sauf à ce que la Curie ait truqué le vote.

Visiblement il ne vient pas à Bannon l’idée de regarder l’histoire de l’Eglise: la durée des conclaves a diminué au XXème siècle après la suppression du « droit d’exclusive »:

L’un des conclaves les plus long fut celui pour l’élection de Pie X en 1903: le scrutin a duré 4 jours car les gouvernements des États européens avaient un droit de veto (ou droit d’exclusive). Dans ce cas, l’empereur autrichien François-Joseph avait refusé l’élection du cardinal Mariano Rampolla, alors secrétaire d’État et jugé trop proche de la France et qui avait réuni le plus de votes lors des premiers scrutins. Giuseppe Melchiorre Sarto, qui sera finalement élu, abolira en 1904 ce droit d’exclusive, sous peine d’excommunication.

Les trois dernières élections, celles du conservateur Benoît XVI (2005), du progressiste François (2013) et du réconciliateur Léon XIV (n’en déplaise à Bannon, il est un candidat ayant rassemblé tous les bords) ont eu à peu près la même durée: 4 ou 5 tours.

Bannon en vulgaire pillard

En réalité, il semble bien que la seule chose qui intéresse Bannon, c’est cet article du Wall Street Journal, qu’il cite, selon lequel le problème du Vatican serait l’absence de liquidités. Et voilà le verbatim de Bannon:

Le Vatican a des tonnes d’actifs. Mais ils sont illiquides. Il leur faut de l’argent frais américain. (…) [Les cardinaux] ne mettraient jamais un Américain traditionnel dans [le] rôle [de Pape] parce qu’ils pensent que l’Eglise américaine a beaucoup de pouvoir. (…) [Mais après l’élection d’un nouveau Bertgoglio] qui va être le contact des grands donateurs américains?

On doit remercier Bannon de sa franchise de pillard décomplexé: on comprend que la fonction d’un pape conservateur serait de permettre à la finance américaine de s’emparer des actifs du Vatican! Décidément, entre le gendre de Trump, Jared Kushner, qui rêve de faire de Gaza une « côte d’azur » pour milliardaires et Steve Bannon qui tend une langue longue comme le loup de Tex Avery quand on lui parle des biens du Saint-Siège, Donald Trump est entouré de bien curieux conservateurs….

Tout d’un coup, on se dit que les cardinaux ont eu beaucoup d’intelligence collective en élisant un Américain de naissance et Péruvien d’adoption, qui regardera avec lucidité les manigances des ses compatriotes du Nord.

Le Courrier des stratèges