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Par Ramzy Baroud
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est un vendeur habile, même si le produit qu’il colporte est profondément défectueux. Son défi actuel est de se convaincre, de convaincre son peuple, la région et le monde que, malgré d’importants revers, il est en train de gagner la guerre stratégique contre ses adversaires.
D’anciens responsables israéliens de la sécurité nationale, tout en utilisant une terminologie différente, parviennent essentiellement à la même conclusion. Ils décrivent Netanyahou comme un « maître tacticien » mais « pas un maître stratège », comme le rapporte CNN. Dans un article détaillant l’une des déclarations grandioses, mais creuses, de M. Netanyahou, qui aspire à contrôler le Moyen-Orient, le titre de CNN déclarait : « La fin de la partie n’a jamais été aussi floue ».
Netanyahou et ses alliés extrémistes agissent au mépris de la réalité. Ils croient, ou veulent croire, que la fin de la partie est parfaitement claire.
Selon le ministre des finances Bezalel Smotrich, Israël opère dans le cadre d’une grande stratégie militaire qui aboutira à « un démantèlement de la Syrie, une défaite sévère du Hezbollah, la disparition de la menace nucléaire de l’Iran, l’élimination du Hamas de Gaza et le déplacement de centaines de milliers d’habitants de Gaza vers d’autres pays ».
La liste détaillée de M. Smotrich, communiquée à la fin du mois d’avril, conclut qu’Israël en sortira « plus fort et plus prospère ». Cette liste de souhaits s’aligne étroitement sur une liste similaire présentée par Netanyahu en mars dernier.
Toutefois, M. Netanyahou, désespérément à la recherche d’un capital politique immédiat, a choisi de se vanter de ses prétendues réalisations plutôt que de ses objectifs futurs. Il a affirmé avoir déjà mis ses ennemis à genoux et « détruit les restes de l’armée syrienne ».
Cette dernière affirmation fait référence aux actions unilatérales d’Israël contre la Syrie en décembre dernier, une nation en proie à des conflits internes et qui n’est pas activement engagée dans une guerre avec Israël. En substance, Israël a créé un front de guerre majeur en l’absence de conflit réel et s’est déclaré vainqueur décisif.
Il est rare que les dirigeants israéliens expriment publiquement les véritables intentions de leur nation dans un langage aussi cru. Ils présentent souvent la guerre, l’expansion coloniale et même le génocide en utilisant une terminologie acceptable pour les médias grand public et le public occidental : Les agressions israéliennes sont présentées comme de l’autodéfense, et la construction de colonies illégales comme de l’instinct de conservation.
Cependant, le discours politique émanant d’Israël ces derniers temps prend une autre tournure. On pourrait dire qu’Israël, ostracisé par une grande partie du monde et dirigé par des individus faisant l’objet d’accusations criminelles, ne se sent plus obligé de dissimuler ses véritables objectifs. C’est pourtant faux, car Israël est plus que jamais prêt à tout pour justifier son extermination du peuple palestinien à Gaza, aussi faible soit-elle.
En effet, si Israël n’était pas préoccupé par la question de la responsabilité, il ne consacrerait pas beaucoup de temps et de ressources à sa défense devant les plus hautes cours juridiques et pénales du monde, et il n’émettrait pas d’avertissements de voyage à ses soldats ou ne dissimulerait pas leur identité par crainte de poursuites.
La rhétorique politique exagérée d’Israël et ses déclarations de réalisations imaginaires sont une forme de battage médiatique visant à préserver son image d’acteur régional puissant capable non seulement d’influencer les résultats politiques, mais aussi de façonner fondamentalement l’ensemble du Moyen-Orient.
L’ironie de ce battage est qu’Israël a tenté, et échoué à un coût sans précédent, de conquérir Gaza, un minuscule territoire dévasté dont la population est affamée. est encore sous le choc du génocide israélien en cours. Le simple fait de s’aventurer à quelques centaines de mètres de Rafah ou de Khan Yunis continue de faire des morts et des blessés au sein de l’armée israélienne, qui peine à réunir les effectifs nécessaires pour mener des offensives de grande envergure dans la bande de Gaza.
Il convient toutefois de faire la distinction entre les intentions d’Israël et son incapacité à les réaliser. En effet, dominer le Moyen-Orient est la formule qui guide les actions d’Israël depuis des décennies. Il existe d’ailleurs un document officiel qui détaille les ambitions régionales d’Israël : « Une rupture nette : Une nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume ».
Ce document a été préparé en 1996 par Richard Perle, éminent intellectuel néoconservateur et proche collaborateur de Netanyahou, pour le groupe d’étude sur une nouvelle stratégie israélienne à l’horizon 2000. Il visait à orienter Israël vers une politique plus affirmée, rejetant la notion de « paix globale », préconisant de déstabiliser la région et de « faire reculer » les menaces, en particulier celles émanant de la Syrie, du Liban, de l’Irak et de l’Iran, entre autres.
L’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 a constitué une occasion en or d’atteindre certains de ces objectifs, même si le résultat final n’a pas été à la hauteur des objectifs globaux.
Humilié par les échecs de son armée et de ses services de renseignement tout au long de la guerre de Gaza, et confronté à l’immense pression d’une opinion publique profondément mécontente, M. Netanyahou sait que son héritage, dont il espérait qu’il resterait dans les mémoires comme le plus grand de tous les dirigeants israéliens, sera au contraire entaché de controverse et de disgrâce.
Ainsi, Netanyahou reprend l’ancienne stratégie de Perle, mais dans des circonstances totalement différentes. Sécuriser le royaume » impliquerait qu’Israël contrôle effectivement la situation, qu’il possède une force militaire incomparable et que ses adversaires sont prêts à accepter leur rôle réduit dans ce Moyen-Orient conçu par Netanyahou.
Mais même un vendeur habile, ou un « grand tacticien », ne peut faire passer un génocide pour une victoire, pas plus qu’une armée peu recommandable et dysfonctionnelle ne peut s’assurer d’un triomphe stratégique.
Israël n’a manifestement pas réussi à remporter une victoire véritable ou durable, et la solution évidente est qu’Israël soit maîtrisé et tenu responsable de ses crimes à Gaza et dans toute la Palestine. Le Moyen-Orient serait alors prêt à connaître une véritable stabilité, la paix et même la prospérité, à l’abri des manigances israéliennes et de la poursuite incessante de nouveaux fronts de guerre et de victoires illusoires.