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Blois, Censure, cité scolaire Robert-Badinter, Elisabeth Badinter, Magcentre
par Edouard Husson

A l’occasion de l’inauguration d’une cité scolaire Robert Badinter à Blois, sa veuve, Elisabeth Badinter, n’a pas apprécié qu’un lycéen lui parle du génocide de Gaza. Un article de « Mag Centre » racontait l’histoire et il a été retiré du site. Ainsi font les puissants en France: ils veulent qu’on les encense mais ils n’apprécient pas qu’on mette en cause leurs choix arbitraires qui vont contre les principes universels. Et ils censurent les jeunes avec aplomb.
On veut imposer la pensée unique et cette méthode a un nom…
Les captures de l’article pour ceux qui ne peuvent pas l’ouvrir…
Un élève brillant et courageux vu les circonstances et la pression énorme… pic.twitter.com/YSarsZqg3a— Maya M. (@Maya__Mayo) May 19, 2025
J’avais repéré cette histoire dimanche soir vers 23 heures sur X et pu lire l’article sur Magcentre.fr. A cette heure avancée de la soirée, le lien était encore actif. Le lendemain à 7 heures du matin, voilà ce que l’on lisait en cliquant sur le lien:

Censure durant la nuit
Voilà qui étonnera certainement les historiens dans une génération ou deux. Mais qui devrait déjà nous indigner!
Lisez le texte de l’article. Il est en photo ci-dessus. Vous pouvez aussi trouver son lien archivé et j’en reproduis le texte car, face à la censure, il faut multiplier les lieux de publication:
« Génocide », le mot de trop
mercredi, 14 mai 2025
En marge de l’inauguration de la cité scolaire Robert-Badinter à Blois, un élève a prononcé le mot « génocide » pour évoquer les massacres à Gaza lors d’un cours en classe, en présence d’Élisabeth Badinter. Un terme qui a choqué l’épouse de l’ancien ministre, jetant un froid dans la salle.
Il y a des silences qui en disent long. Celui qui a glacé la salle de classe du lycée Robert-Badinter à Blois, ce mardi 13 mai 2025, en fait partie. Un élève, dans le cadre d’un cours d’anglais, reprend une phrase célèbre d’Elie Wiesel. « Il ne doit jamais y avoir un moment où l’on ne proteste pas », dit-il. Et lui, proteste, en anglais. Dans un exercice de débat, il évoque Gaza en y associant le mot génocide. C’est là que tout explose. Ou plutôt, tout se fige.
Élisabeth Badinter réagit vivement. Le mot est trop fort, trop chargé, qui plus est accolé à une citation d’un survivant de l’Holocauste. Dans un établissement qui porte désormais le nom d’un homme ayant voué sa vie à la lutte contre la peine de mort, à la justice, aux droits humains, ce mot est jugé insupportable. « On le laisse dire ? » s’indigne-t-elle. La professeure tente d’expliquer, de replacer le propos dans le contexte pédagogique. Mais rien n’y fait. L’élève se tait, sous le poids de son accusatrice. Le malaise est total.
Mais au fond, que s’est-il passé ?
Un jeune a exprimé une opinion. Il n’a pas fait l’apologie du Hamas. Il n’a pas nié la Shoah. Il a évoqué, avec ses mots et son émotion, sa révolte face à ce que chacun voit comme un massacre de masse, comme un crime contre l’humanité. Et ce mot « génocide », qu’il emploie par mimétisme ou de manière réfléchie, déclenche une levée de boucliers. Car oui, dans un lycée, évoquer Gaza comme un génocide en cours, c’est politiquement sensible. C’est vu, par certains, comme un raccourci, une provocation, un slogan militant. Cela met mal à l’aise ceux qui craignent les amalgames, les accusations d’antisémitisme, l’instrumentalisation d’un conflit complexe.
Mais faut-il pour autant étouffer la parole d’un élève ? Faut-il éteindre le débat, là où justement il devrait avoir lieu ? Là où l’on enseigne la pensée critique, l’analyse, l’échange ? Ce jeune n’a pas lancé un mot d’ordre. Il s’est essayé à un exercice pédagogique qui encourageait l’expression autour d’enjeux contemporains et géopolitiques. Il a osé mettre des mots sur une horreur qu’il voit surement à la télé et sur les réseaux sociaux au quotidien, qu’il vit peut-être comme une injustice.
Et aujourd’hui ce lycée ne s’appelle pas Badinter par hasard. Il porte le nom d’un homme qui a défendu les causes les plus impopulaires, qui a fait de la parole libre et du refus de l’arbitraire son étendard. Quelle ironie que ce soit là, dans ce lieu chargé de valeurs humanistes, que la parole d’un élève soit muselée au nom du bon goût diplomatique. Bien sûr que le mot génocide fait peur. Il convoque les fantômes du passé, il heurte, il accuse. Mais en aucun cas doit-il être perçu comme une inversion insupportable de l’Histoire ou simplement une négation du passé. Mais plutôt comme une tentative de lecture au présent. Ce mot n’est pas interdit, n’est pas blasphématoire. Il peut être un sujet de débat. Parait même que plusieurs ONG ou encore l’ONU affirment qu’il existe des « motifs raisonnables » de croire qu’Israël a commis plusieurs « actes de génocide » à Gaza. Et à entendre, depuis le début de l’embrasement, certains officiels israéliens aux propos incitatifs à l’élimination collective… Les cases se cochent une à une. Le bingo du pire approche. Encore combien avant qu’on ose le dire ?
Alors si un élève ne peut même plus l’employer dans un cadre scolaire, à quoi bon prétendre former des citoyens éclairés et responsables ? Le jeune garçon est reparti à l’internat. Élisabeth Badinter a quitté le lycée. Et le débat, lui, n’a jamais eu lieu. C’est cela, le véritable choc. Pas le mot prononcé, mais le silence qui a suivi.
Un mot qui a une définition internationale et juridique
Depuis 1948, la Convention des Nations unies sur le génocide encadre son usage : elle parle d’actes commis avec « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Loin d’être un simple adjectif choc ou un cri de colère, c’est bien parce qu’il est lourd de sens qu’il mérite d’être discuté. Surtout dans une salle de classe.
Rien ne ressemble plus à un génocide qu’un autre génocide
La question qui nous est posée à tous, c’est celle de l’universalisme! Le judéocide commis par les nazis, avec ses six millions de morts et avec ses procédures génocidaires nées de l’organisation au sein d’une nation industrialisée sert de repère pour évaluer les violences de masse modernes. Il vient après le génocide des Vendéens, celui des Héreros en Namibie, celui des Arméniens, celui des Khmers Rouges, avant celui des Tutsis du Rwanda ou des Palestiniens de Gaza. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont aussi entrepris un génocide des Tsiganes et des prisonniers de guerre soviétiques.
Aucun des massacres dont nous parlons n’a l’exclusivité de l’horreur. Bien entendu, j’aime bien la thèse de Gunnar Heinsohn, qui montre, dans Warum Auschwitz? qu’il y avait une volonté explicites des nazis d’éradiquer de la conscience européenne le commandement « Tu ne tueras pas! ». Mais c’est parce que c’était un commandement universel. L’humanité est une; la loi morale est un absolu, elle vaut pour tous.
Notre gérontocratie étouffe la voix des jeunes
Je trouve l’article de « Mag’Centre » très bien fait, équilibré, intelligent. C’est sans aucun doute pour cela qu’il a été retiré du site – on aimerait savoir s’il s’agit d’une censure ordonnée ou bien d’une auto-censure du directeur de la publication qui aurait fait du zèle.
Dans un cas comme dans l’autre, il reste ce que raconte l’article. Madame Badinter a fait taire un élève qui exerçait son esprit logique à la réalité de notre temps. Comment veut-on que la jeunesse respecte l’enseignement qui lui est dispensé si leurs aînés ne respectent pas les principes qu’ils édictent?
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