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Donald Trump, empire américain du Moyen-Orient, Gaza, Poutine, Russie, Ukraine
Paul Craig Roberts
Poutine devrait peut-être dire au peuple russe et à l’armée russe que son intérêt à résoudre le conflit en Ukraine par des négociations de paix réside dans la possibilité que les négociations puissent être utilisées pour parvenir à un accord entre grandes puissances, comme ce que lui et Lavrov ont essayé de réaliser avec l’Occident pendant l’hiver 2021-2022 avant l’intervention forcée de la Russie en Ukraine. Un nouveau Yalta en perspective.
Les commentateurs des affaires étrangères russes parlent depuis un certain temps de la nécessité d’un nouvel accord de Yalta. Il y a quelques années, on m’a demandé de m’adresser à l’Académie russe des sciences sur ce sujet. Je leur ai dit quelque chose qu’ils ne voulaient pas entendre : que la prétention de Washington à l’hégémonie empêchait tout compromis avec la souveraineté russe.
Quelques personnes réfléchies sont restées perplexes face à la manière dont Poutine a mené le conflit en Ukraine. La Russie aurait pu mettre fin rapidement à la guerre par la conquête, mais elle a préféré mener une guerre lente et retenue qui a considérablement étendu la guerre, Poutine et Lavrov ne cessant de bêler en faveur de « négociations de paix ».
Pourquoi Poutine a-t-il agi de la sorte malgré les protestations du groupe Wagner et du chef tchétchène des troupes musulmanes engagées dans le conflit ukrainien ? La seule réponse semble être qu’il veut un nouvel accord de Yalta. S’il gagne la guerre, il perd cette opportunité. Il fait donc traîner la guerre en longueur dans l’espoir que les négociations fourniront une plate-forme pour s’attaquer à la « cause première du conflit », qu’il considère comme l’absence d’un accord entre les grandes puissances.
L’engagement de Washington en faveur de l’hégémonie constitue l’un des problèmes auxquels se heurte la stratégie de Poutine. Aucun président américain n’a répudié la doctrine Wolfowitz. Un autre problème est que l’absence de victoire est mal perçue par les nationalistes russes et par les troupes elles-mêmes. Selon certaines informations, les Russes se méfient des négociations de paix en Ukraine qui ne débouchent pas sur une victoire, et ils en éprouvent du ressentiment.
Les soldats russes qui participent aux combats ont déclaré aux médias qu’en dépit de leur fatigue et de leur désir de rentrer chez eux, ils veulent libérer toutes les régions qui font à nouveau partie de la Russie afin de ne pas avoir à reprendre le combat à l’avenir. Comme l’a demandé l’un des soldats, « sinon, tous les gars sont-ils morts en vain ? ».
Le sauvetage par la Russie des territoires russes attribués à l’Ukraine par les dirigeants soviétiques est important pour Poutine, mais le plus important est d’obtenir un accord entre grandes puissances, un nouveau Yalta, qui accepte la Russie en tant que pays membre libre de sanctions, de tentatives de renversement et de conflits.
Poutine désire tellement cet accord qu’il a pris le risque d’aggraver le conflit ukrainien au point que des attaques de drones ferment désormais tous les aéroports de Moscou et détruisent l’infrastructure énergétique à l’intérieur de la Russie. Lorsque Poutine déclare que les négociations de paix doivent s’attaquer à la « cause première du conflit », il entend par là l’absence d’un accord entre grandes puissances.
Poutine n’est pas intéressé par une fin négociée du conflit en Ukraine. Il espère utiliser la négociation pour parvenir à un nouveau Yalta. Le problème auquel Poutine est confronté est que Washington, enfermé dans son hégémonie présumée, ne comprend pas le point de vue d’un autre pays.
L’approche de Washington dans toutes les négociations consiste à utiliser des menaces, à chercher des leviers de pression pour forcer les autres gouvernements à accepter la « solution » de Washington au « problème », qui est généralement une création de Washington. En d’autres termes, Washington ne négocie pas vraiment. Il impose ses solutions.
Trump s’attend à ce que les négociations ukrainiennes échouent, et il s’en est assuré, afin de pouvoir retirer l’argent et l’attention de l’Ukraine et d’utiliser les ressources pour mettre en œuvre l’objectif de Trump d’un empire colonial américain au Moyen-Orient, qui a commencé avec la revendication par Trump de Gaza en tant que possession américaine. Cette revendication porte sur les réserves de gaz sous-marines qui s’étendent de la frontière de Gaza avec l’Égypte jusqu’au nord de la Syrie. La visite de Trump en Arabie saoudite, le dernier État arabe, avait pour but d’enrôler les dirigeants en tant que partenaires juniors de l’empire colonial américain de Trump au Moyen-Orient. Il semble qu’avec le programme national de Trump bloqué par le pouvoir judiciaire, Trump nous rendra à nouveau grands avec l’essor de l’empire américain du Moyen-Orient.