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Juan Cole
En raison de l’Holocauste nazi au cours duquel six millions de Juifs européens ont été assassinés, les gouvernements allemands ont ressenti le besoin d’apporter un soutien inconditionnel à Israël. Sans les persécutions allemandes contre les Juifs dans les années 1930, puis le génocide des années 1940, on peut dire qu’Israël n’aurait jamais vu le jour. Il y a eu des immigrants sionistes en Palestine ottomane puis britannique, mais pas en nombre suffisant pour créer un État. L’immigration massive n’a commencé que dans les années 1930, lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir à Berlin et que d’autres mouvements d’extrême droite ont vu le jour dans les pays voisins.
Les actions du gouvernement extrémiste de Benjamin Netanyahou depuis sa réélection à la fin de l’année 2022 ont placé Berlin dans une situation difficile. Le gouvernement libéral et démocratique de la République fédérale d’Allemagne s’est opposé aux horreurs du nazisme, défendant au contraire la démocratie et les droits de l’homme. Or, il n’existe pas de droits de l’homme pour les Palestiniens sous occupation israélienne. Les Allemands ont été contraints de faire un choix inconfortable : défendre leurs valeurs libérales et leur engagement en faveur du droit humanitaire international de l’après-guerre, ou accorder servilement et avec culpabilité l’impunité à Israël.
Des signes montrent que les Allemands commencent à faire face à leur responsabilité de dénoncer non seulement le passé nazi, mais aussi toutes les atrocités de type nazi, quels qu’en soient les auteurs. Et si les champs de bataille israéliens à Gaza sont numériquement parlant loin d’être à l’échelle des atrocités nazies, ils ne sont parfois différents que par leur ampleur, et non par leur nature. La Cour internationale de justice a émis une injonction préliminaire contre certaines tactiques israéliennes, jugées plausiblement génocidaires, dans le cadre de l’examen de la plainte déposée contre Israël par l’Afrique du Sud et de nombreux autres pays pour violation de la convention sur le génocide. L’Allemagne peut difficilement condamner les génocides de son passé tout en fermant les yeux sur les génocides contemporains.
Le chancelier allemand récemment installé, Friedrich Merz, a fait part de cette contradiction lors du WDR-Europaforum à Berlin . Les commentaires ont été relayés par Focus :
« Ce que fait l’armée israélienne dans la bande de Gaza – honnêtement, je ne comprends plus quel en est l’objectif. La mesure dans laquelle la population civile est touchée, comme c’est de plus en plus le cas ces derniers jours, ne peut plus être justifiée comme une lutte contre le terrorisme du Hamas ».
Il a ajouté : « Lorsque les frontières sont transgressées, lorsque, pour dire les choses simplement, le droit humanitaire international est maintenant réellement violé, alors l’Allemagne doit également – alors le chancelier allemand doit également dire quelque chose à ce sujet ».
Il a souligné l’engagement de l’Allemagne à se tenir aux côtés d’Israël, étant donné qu’elle est le partenaire le plus important d’Israël en Europe. Il a ajouté : « Mais le gouvernement israélien ne doit pas agir de la sorte,
« Mais le gouvernement israélien ne doit pas faire des choses que ses meilleurs amis ne seront plus prêts à accepter à un moment donné ».
Julius Betschka, du Stern, fait remarquer qu’en janvier seulement, l’Allemagne a exporté pour deux millions d’euros d’armement vers Israël, y compris des pièces de chars d’assaut. Au cours des deux années précédentes, elle a fourni des munitions d’une valeur de 487 millions d’euros [553 millions de dollars], y compris des casques, des équipements militaires et des équipements de communication. Dans le passé, c’est-à-dire avant le 7 octobre 2023, l’Allemagne a également fourni des armes antichars et des munitions.
Les alliés européens tels que la France et l’Espagne ont exercé des pressions croissantes sur l’Allemagne pour qu’elle sorte de sa réserve, car le génocide en cours et la perspective d’un nettoyage ethnique sont devenus de plus en plus évidents. Le précédent gouvernement d’Olaf Schulz s’est contenté de continuer à envoyer du matériel militaire et d’éviter de critiquer Israël, en espérant que le conflit s’apaiserait.
M. Merz subit également la pression de ses partenaires de coalition, le parti social-démocrate (SPD). Betschka cite Adis Ahmetovic, porte-parole du groupe parlementaire du SPD pour la politique étrangère, qui a déclaré : « Les armes allemandes ne doivent pas être utilisées pour répandre des catastrophes humanitaires et violer le droit international ».
Les remarques de Merz étaient sans précédent dans l’histoire de l’après-guerre. Je ne peux pas vous dire à quel point les autorités allemandes sont réticentes à émettre la moindre critique à l’égard d’Israël. D’une part, elles n’apprécient pas les diatribes que leur adressent en retour les hommes politiques israéliens en leur rappelant que leurs grands-parents ou arrière-grands-parents étaient des assassins de masse.
Seul un événement historique mondial de première importance a pu provoquer de telles déclarations de la part d’un chancelier en exercice de la FDR.
Et cet événement, c’est le génocide en cours à Gaza.
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