Dans l’après-midi du 1er juin, les forces ukrainiennes ont lancé avec succès une frappe de grande envergure sur trois installations majeures des forces aérospatiales russes, à savoir Olenya dans la région de Mourmansk, Dyagilevo dans la région de Riazan et la base aérienne de Belaya dans la région d’Irkoutsk, en Sibérie. La capacité d’attaquer des cibles à l’intérieur de la Russie a été obtenue en lançant des avions à partir de camions situés à l’intérieur du territoire russe. Selon des sources ukrainiennes, l’opération, dont le nom de code est « Spider Web », aurait été planifiée depuis un an et demi et, d’après des sources occidentales et ukrainiennes, elle aurait endommagé et détruit plus de 40 aéronefs militaires. Parmi les appareils les plus précieux détruits figurent les bombardiers stratégiques Tu-95MS et Tu-22M3, deux classes d’avions dont la production a cessé depuis plus de vingt ans et qui sont irremplaçables. La perte d’au moins quatre bombardiers Tu-95MS a été confirmée, les drones ukrainiens ayant spécifiquement ciblé les pylônes de leurs ailes inférieures où sont transportés le carburant et les missiles de croisière. Les systèmes aéroportés alerte précoce et de contrôle A-50d'(AEW&C) , qui comptent parmi les aéronefs les plus coûteux des forces armées russes, auraient également été détruits. Peu après la diffusion de vidéos confirmant l’attaque, la chaîne de télévision Russia 1 a annoncé que le président Vladimir Poutine tiendrait une réunion avec les membres du gouvernement et une session du Conseil de sécurité.

Avant l’attaque, des drones ont été transportés en Russie par le service de sécurité ukrainien SBU, puis dissimulés sous les toits de cabines mobiles en bois placées sur des camions. « Au moment opportun, les toits des cabines ont été ouverts à distance et les drones se sont envolés pour frapper les bombardiers russes », a déclaré une source informée aux médias ukrainiens à propos de l’incident. L’attaque de la base aérienne de Belaya, dans la région russe d’Irkoutsk, en Sibérie, située à plus de 4 000 kilomètres du territoire ukrainien, a été considérée comme un succès particulièrement important et témoigne de la portée sans précédent des frappes de drones ukrainiens. Cette base abrite le 200e régiment de bombardiers lourds de la Garde, qui déploie des bombardiers Tu-22M3.

Les bombardiers stratégiques russes ont joué un rôle important en soutenant l’effort de guerre du pays et en lançant des frappes sur un large éventail de cibles ukrainiennes depuis le début des hostilités en février 2022. Le 26 mai, par exemple, les forces aérospatiales russes ont déployé 10 bombardiers stratégiques Tu- 95MSM pour des frappes de missiles de croisière Kh-101 à grande échelle sur des cibles ukrainiennes. Les attaques sur les bases de bombardiers à travers la Russie dans le cadre de l’opération Spider Web coïncident avec les frustrations croissantes auxquelles sont confrontés les négociateurs ukrainiens lors des pourparlers avec les représentants de Moscou et des États-Unis, et avec des pertes de plus en plus importantes sur la ligne de front. Elles surviennent également quelques heures après que des saboteurs ukrainiens aient détruit un pont et provoqué le déraillement d’un train dans la région de Briansk, faisant ainsi de nombreuses victimes en Russie.

Les forces ukrainiennes ont déjà tenté à plusieurs reprises d’attaquer des bases de bombardiers. Le 8 janvier 2025, une attaque de drone à longue portée a ciblé avec succès le dépôt de carburant Kombinat Kristall près de la principale installation opérationnelle de la flotte de bombardiers stratégiques russes, la base aérienne d’Engels, déclenchant un incendie de grande ampleur qui a englouti une grande partie des réservoirs de stockage associés à l’installation. L’attaque aurait détruit les réserves de carburant aviation spécialisé à haute densité T-8V utilisé par les bombardiers Tu-160 basés dans l’installation, qui est produit par un processus de raffinage complexe dans un petit nombre de sites en Russie. Par la suite, le 20 mars, les forces ukrainiennes ont lancé une attaque réussie sur la base aérienne d’Engels elle-même, située à près de 500 kilomètres derrière les lignes russes, des images confirmant que des drones ont été utilisés pour provoquer une explosion majeure dans l’installation.

Le ciblage d’installations abritant des éléments de la triade nucléaire stratégique est particulièrement sensible pour les forces armées russes, la doctrine nucléaire du pays autorisant le lancement d’attaques nucléaires en représailles au ciblage de ces actifs. Outre les attaques contre les bases de bombardiers, les unités de drones ukrainiennes ont également pris pour cible des installations radar stratégiques sensibles qui sont vitales pour les capacités d’alerte rapide de la Russie, y compris une attaque en mai 2024 contre un système radar d’alerte rapide Voronezh-DM à la station radar d’Armavir. La réponse de la Russie à la dernière opération ukrainienne reste incertaine, mais il est probable qu’elle implique une escalade des frappes de représailles en Ukraine et un examen approfondi des procédures de sécurité internes afin d’éviter que cela ne se reproduise.

Military Watch Magazine