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par Edouard Husson

L’Iran menace, s’il est attaqué, de frapper les sites nucléaires secrets d’Israël

Si l’on en croit le discours officiel iranien, Téhéran serait en possession d’informations vitales pour la sécurité d’Israël. L’Iran menace en effet de frapper les sites nucléaires secrets israéliens. l’existence de la bombe atomique israélienne est le secret de Polichinelle le mieux gardé de la diplomatie internationale. Mais la menace iranienne a un sens précis: dissuader une attaque israélienne menée malgré les négociations américano-iraniennes; dissuader les Etats-Unis de renoncer aux négociations. Notons que les discussions diplomatiques entre Washington et Téhéran continuent sans que l’on arrive à savoir quand elles peuvent déboucher.

Si l’on en croit les officiels iraniens, Israël vient de subir une lourde défaite en matière de renseignement de la part de l’Iran:

L’Iran a annoncé avoir mis la main sur un « trésor » de documents nucléaires israéliens hautement sensibles, qu’il compte dévoiler prochainement.

« Le transfert de ce trésor a pris beaucoup de temps et a nécessité des mesures de sécurité. Les méthodes utilisées resteront bien sûr confidentielles, mais les documents devraient être dévoilés prochainement », a déclaré le ministre du Renseignement, Esmail Khatib, à la télévision iranienne le 8 juin.

« Parler de milliers de documents serait une litote », a-t-il ajouté. Selon le ministre du Renseignement, cette « vaste collection de documents stratégiques et sensibles [israéliens] » comprend « des plans et des données sur les installations nucléaires [d’Israël] ».

« Elle comprend également d’autres documents sur les relations avec les États-Unis, l’Europe et d’autres pays, ainsi que des documents de renseignement qui renforceraient la puissance offensive de l’Iran », a déclaré M. Khatib.

Le secret de Polichinelle le mieux gardé de la diplomatie mondiale

La bombe israélienne n’est plus un secret depuis longtemps:

Les informations sur l’armement nucléaire israélien sont entourées d’une politique d’ambiguïté délibérée, appelée « amimut » en hébreu. Voici les points essentiels basés sur les données disponibles :

  1. Non-déclaration officielle : Israël n’a jamais confirmé ni infirmé publiquement posséder des armes nucléaires. Cette ambiguïté stratégique vise à dissuader ses adversaires tout en évitant des tensions diplomatiques.
  2. Estimations : Selon des rapports d’experts et d’organisations internationales (comme le SIPRI ou la Federation of American Scientists), Israël posséderait entre 80 et 200 ogives nucléaires. Ces chiffres sont des estimations, car aucune vérification officielle n’existe.
  3. Capacités :
    • Vecteurs : Israël dispose de moyens de livraison variés, incluant des missiles balistiques (comme le Jericho III, avec une portée estimée de 4 000 à 6 500 km), des avions (notamment des F-15 et F-16 modifiés), et potentiellement des sous-marins de classe Dolphin capables de lancer des missiles de croisière à capacité nucléaire.
    • Technologie : Le réacteur nucléaire de Dimona, dans le désert du Néguev, est considéré comme le centre de production de matériaux fissiles (plutonium). Il est opérationnel depuis les années 1960, avec l’assistance initiale de la France.
  4. Histoire :
    • Le programme nucléaire israélien aurait débuté dans les années 1950, avec un développement accéléré dans les années 1960.
    • En 1986, Mordechai Vanunu, un ancien technicien de Dimona, a divulgué des informations et des photos au Sunday Times, confirmant l’existence d’un programme avancé. Il fut ensuite enlevé par le Mossad et emprisonné.
  5. Position internationale :
    • Israël n’est pas signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), contrairement à la plupart des pays.
    • Les États-Unis, bien que conscients du programme, n’ont jamais exercé de pression publique significative, en raison de l’alliance stratégique.
  6. Contexte stratégique : L’arsenal nucléaire israélien est perçu comme une garantie de survie face à des menaces régionales, notamment de pays comme l’Iran ou, historiquement, des coalitions arabes. Il sert de dissuasion (« arme de dernier recours »).
  7. Débat actuel :
    • Certains rapports récents sur X (non vérifiés) mentionnent des spéculations sur une possible utilisation tactique en cas de conflit majeur, mais aucune preuve concrète n’appuie ces affirmations.
    • Le programme reste un sujet sensible, avec peu de discussions publiques en Israël même.

Limites : En raison du secret officiel, les informations précises sont rares. Les estimations reposent sur des fuites, des analyses d’experts et des données indirectes. Pour des détails plus pointus, des sources comme les rapports du Bulletin of the Atomic Scientists ou du Carnegie Endowment peuvent être consultées.

Source; Grok3

La carte jouée par l’Iran en pleine négociation avec les Etats-Unis

Le moment d’annonce de la trouvaille iranienne est évidemment choisi! On est en pleine négociation entre les Etats-Unis et l’Iran concernant le nucléaire civil iranien. De nombreux observateurs trouvent que les négociations piétinent, mais Donald Trump assure qu’elles sont en bonne voie:

Le président Donald Trump estime que son administration est « très proche d’une solution » concernant l’accord sur le nucléaire iranien et il a personnellement averti le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de ne pas perturber les négociations, a-t-il déclaré mercredi.

Trump a averti son proche allié la semaine dernière que toute initiative visant à faire capoter les négociations serait « inappropriée », a-t-il déclaré aux journalistes.

Des sources proches des discussions ont fait écho à l’optimisme de Trump et ont déclaré à CNN qu’elles étaient sur le point de conclure un accord global qui pourrait être scellé lors de la prochaine rencontre entre les États-Unis et l’Iran, très probablement au Moyen-Orient.

Mais les inquiétudes quant à un éventuel sabotage du processus par Israël sont clairement vives. Interrogé sur les informations selon lesquelles il aurait mis en garde Netanyahu contre toute perturbation des négociations lors d’un entretien téléphonique la semaine dernière, Trump a répondu : « Eh bien, je vais être honnête. Oui, je l’ai fait. » Il a ajouté : « Ce n’est pas un avertissement, j’ai dit que je ne pensais pas que ce soit approprié. »

Trump a déclaré que son équipe menait des « discussions très positives » avec l’Iran. Des pourparlers ont eu lieu ces dernières semaines sous la houlette de l’envoyé spécial au Moyen-Orient Steve Witkoff et avec Oman comme médiateur.

« À l’heure actuelle, je pense qu’ils veulent conclure un accord. Et si nous parvenons à un accord, je sauverai beaucoup de vies », a déclaré Trump.

L’aveu franc de Trump au sujet de l’appel de Netanyahu fait suite à un reportage de CNN la semaine dernière selon lequel les États-Unis auraient obtenu de nouvelles informations suggérant qu’Israël se prépare à frapper des installations nucléaires iraniennes.

Les installations iraniennes sont-elles devenues inatteignables?

Les positions diplomatiques sont connues: Israël, en la personne de Benjamin Netanyahou, rêve d’une guerre avec l’Iran, qu’il voit comme le point d’aboutissement de sa « mission historique ». Donald Trump, lui, voudrait éviter, autant que possible la guerre et rêve que les entreprises américaines s’emparent des marchés d’un Iran dont les sanctions que lui imposent ces mêmes USA auraient été préalablement levées.

L’Iran sait que les Israéliens se comportent de manière irrationnelle et il n’a aucune confiance en Donald Trump, moins du fait de la rupture d’un accord précédent sur le nucléaire que parce qu’il a fait assassiner par traitrise le Général Soleimani le 4 janvier 2020 (sa voiture a été touchée par un drone alors que le Général était en mission diplomatique à Bagdad convenue avec les Américains).

Surtout, les Iraniens se rappellent quel a été le sort de Kadhafi, qui accepta de renoncer à l’arme nucléaire en 2003, avant d’être renversé en 2011 par une guerre occidentale. Il est impensable pour l’Iran de renoncer à la possibilité d’acquérir l’arme nucléaire. Le pays ne signera donc rien qui signifie un démantèlement de ce qu’il a déjà développer.

Selon Simplicius, les Iraniens se seraient déjà mis à l’abri de frappes américaines ou israéliennes:

Toute frappe occidentale contre ses installations serait sans effet, car l’Iran les a dispersées et a dissimulé les éléments critiques profondément sous terre.

Certains peuvent être sceptiques, mais seront intéressés par les déclarations de Rafael Grossi dans le dernier article du Financial Times :

Pire encore, les capacités nucléaires de l’Iran ne pourraient pas être détruites par une seule frappe chirurgicale. « Les éléments les plus sensibles se trouvent à 800 mètres sous terre — je m’y suis rendu à plusieurs reprises », affirme-t-il. « Pour y arriver, il faut descendre dans un tunnel en spirale, encore et encore. »

Charles Lister a confirmé dans un tweet il y a plusieurs semaines que les États-Unis n’ont même plus la capacité de détruire les sites iraniens.

Lorsque les deux parties s’accordent sur la même idée, on peut difficilement parler de propagande ou de désinformation.

Un analyste déclare :

Grossi a déclaré : « Je m’y suis rendu à plusieurs reprises. Pour y parvenir, il faut aller profondément, puis encore plus profondément, et encore plus profondément. Le programme nucléaire iranien ne peut être détruit par une attaque. »

Il a raison. La GBU-57, la bombe anti-bunker la plus puissante au monde, ne peut pénétrer que 66 mètres, tandis que même la dernière bombe nucléaire ne peut atteindre que 500 mètres sous terre.

L’Iran a placé ses centrifugeuses IR-9 sur des systèmes amortisseurs capables de résister à des tremblements de terre de magnitude 6,0 sur l’échelle de Richter. Ces sites sont situés profondément dans les montagnes.

Israël ne dispose pas de la GBU-57 ; seuls les États-Unis en possèdent, et seuls les bombardiers B-2 peuvent les transporter, à raison de deux bombes par avion. Pour détruire un seul site iranien situé à 800 mètres de profondeur, les États-Unis devraient larguer au moins 12 bombes à un endroit précis, ce qui nécessiterait 6 bombardiers par site.

On estime que l’Iran dispose d’au moins 5 sites nucléaires souterrains de ce type. Pour les détruire tous, les États-Unis devraient déployer 30 bombardiers B-2, mais ils n’en possèdent que 18 au total. Cela signifie qu’au moins 2 sites iraniens survivraient.

De plus, l’Iran n’a pas construit de puits verticaux. Tous les 50 mètres, les tunnels bifurquent sur des centaines de mètres avant de redescendre, rendant les frappes chirurgicales pratiquement impossibles. Même si la première bombe atteint sa cible, les 11 autres pourraient frapper le vide.

En bref, les infrastructures nucléaires souterraines de l’Iran sont désormais trop profondes, trop complexes et trop protégées pour être détruites militairement.

De la collecte de renseignement aux bunkers inatteignables, tout se passe comme si l’Iran établissait progressivement un nouvel équilibre des puissances au Proche-Orient et en Asie occidentale.

Israéliens et Américains peuvent-ils s’en accommoder?

Le Courrier des Stratèges