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Le collectif occidental insiste sur le fait que l’attaque d’Israël contre l’Iran est couverte par son droit illimité à la légitime défense.
Pascal Lottaz

Pendant un bref instant en 2022, il a semblé que l’Occident avait redécouvert l’inviolabilité des frontières nationales et l’inadmissibilité des interventions étrangères lorsque les troupes russes ont commencé à envahir l’Ukraine. Heureusement, nous pouvons tous être rassurés, ce moment est à nouveau révolu. Hier, les dirigeants occidentaux, d’Ursula von der Leyen au représentant de la Grèce au Conseil de sécurité de l’ONU, en passant bien sûr par le président américain, ont confirmé que l’attaque flagrante d’Israël contre l’Iran ne constituait pas, en fait, une violation de l’interdiction du recours à la force prévue par la Charte des Nations unies, mais qu’elle relevait du « droit illimité à la légitime défense » d’Israël.
Il est également révélateur que non seulement la phrase « droit d’Israël à se défendre » soit actuellement reprise dans toutes les déclarations des dirigeants occidentaux, mais aussi que la plupart des médias aient choisi le nom « frappe » pour décrire les graves violations par Israël du territoire souverain de l’Iran, plutôt que le terme plus accusateur « attaque ». Ce dernier terme semble réservé pour décrire les États qui font des choses que l’Occident n’aime pas, tandis que pour ses amis, on trouve des concepts beaucoup moins chargés juridiquement. N’est-ce pas charmant ?
Récapitulons un instant ce que nous apprenons actuellement sur le jargon collectif occidental :
- Occuper des parties de la Syrie et du Liban = légitime défense
- Massacrer des civils en Cisjordanie = légitime défense
- Génocide à Gaza = légitime défense
- Guerre d’agression contre l’Iran = légitime défense
On pourrait en ajouter d’autres. Mais je pense que vous avez compris. « Le droit d’Israël à se défendre » est comme l’un des porte-bonheur du jeu Super Mario. Une fois que vous l’avez obtenu, vous devenez super rapide, et tout ce qui vous touche rebondit et disparaît. Cela change les règles du jeu, car cela vous rend intouchable. Dans le cas d’Israël, le porte-bonheur fonctionne même contre les normes jus cogens les plus contraignantes du droit international, et il garantit que la Charte des Nations unies s’applique à tout le monde sauf à Tel-Aviv. C’est vraiment magique.
Bien sûr, c’est précisément cette forme d’impunité qui a conduit au génocide à Gaza et à la conviction qu’Israël peut frapper l’Iran sans conséquences pour lui-même. L’Iran, pour sa part, a clairement indiqué qu’il avait l’intention de briser le charme en faisant payer à Israël un prix concret pour son acte de guerre flagrant. La question est maintenant de savoir si, en Occident également, le charme va commencer à perdre de son pouvoir et si l’audace même de cette attaque non provoquée, qui s’ajoute au génocide déjà en cours, suffira enfin à conduire à une remise en question substantielle, sinon au niveau politique, du moins parmi le grand public (ce qui aura finalement un impact sur la politique en aval).
Le danger est que la propagande soit encore trop forte, que la diabolisation de l’Iran soit encore trop profonde et que les pouvoirs en place parviennent à exercer un contrôle suffisant sur le discours pour soutenir massivement Israël assez longtemps pour finalement briser l’Iran (le rêve humide des néoconservateurs), comme ils ont réussi à écraser la Syrie. Seul le temps le dira. Ce week-end a toutefois clairement montré que l’Iran ne se laissera pas faire sans livrer un combat acharné. C’est triste, vraiment très triste.