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Elijah J. Magnier

Le Conseil des gardiens de la Constitution iranien a officiellement approuvé la décision du Parlement de suspendre les inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette mesure, soutenue par l’organe de surveillance le plus puissant du pays, marque une escalade critique dans l’affrontement de Téhéran avec l’Occident au sujet de son programme nucléaire. Cette décision exclut effectivement les inspecteurs de l’AIEA des principaux sites nucléaires iraniens et pourrait faire entrer l’Iran dans une nouvelle phase redoutée par la communauté internationale : l’ambiguïté nucléaire, voire un blackout nucléaire total.
La position de l’Iran découle d’années de détérioration de la confiance envers les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Au cœur de la question se trouve l’insistance de l’Iran sur le caractère inaliénable de sa production locale d’uranium enrichi et sur la nature pacifique de son programme nucléaire, en opposition à des décennies de suspicion et de sabotage, principalement orchestrés par les États-Unis et Israël. La décision récente ne constitue pas une simple manœuvre politique : c’est un acte légalement réfléchi, fondé sur l’interprétation iranienne de ses obligations internationales. En vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et de l’Accord de garanties généralisées (CSA), l’Iran est tenu de permettre les inspections de ses matières nucléaires déclarées et de ses installations. Cependant, l’Iran n’a jamais ratifié le Protocole additionnel (PA), ce qui lui permet légalement de refuser à l’AIEA l’accès aux sites non déclarés, aux installations militaires et à d’autres infrastructures sensibles.
Cette nuance juridique est cruciale. L’Iran ne viole pas son Accord de garanties (CSA) en restreignant l’accès au-delà des engagements qu’il a acceptés. Mais sur le plan pratique, cette décision a de lourdes conséquences. Avec une visibilité réduite, l’AIEA n’est plus en mesure de vérifier la nature pacifique des activités nucléaires iraniennes. Cela alimente les spéculations sur ce que Téhéran pourrait dissimuler et sur l’état réel de l’avancement de ses capacités nucléaires.
Historiquement, Israël a joué un rôle central dans l’orientation de la politique américaine à l’égard du programme nucléaire iranien. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou réclame une action militaire contre l’Iran depuis au moins 1996, présentant le pays comme constamment au bord de la bombe nucléaire. En 2010, sous la pression croissante d’Israël, les États-Unis ont commencé à étudier la meilleure manière de détruire Fordow, l’installation nucléaire profondément enfouie en Iran. Cette analyse a été confirmée par le général Dan Caine, chef d’état-major interarmées américain, qui a révélé que l’armée américaine travaille depuis 15 ans à des options de frappe – sans nécessairement parvenir à détruire les installations nucléaires iraniennes. Dans une déclaration au Congrès, le général Caine a affirmé : « Nous n’avons pas utilisé de bombes perforantes contre l’une des plus grandes installations nucléaires souterraines à Ispahan car le site est si profond que les munitions auraient pu être inefficaces. »
L’administration Trump a porté cette campagne de pression à son apogée. Le président Donald Trump a autorisé des opérations secrètes agressives de la CIA – le chef du Mossad israélien a d’ailleurs remercié son homologue américain pour son soutien – ainsi que des actions militaires directes contre les cibles nucléaires iraniennes. Pour Netanyahou, cela représentait l’aboutissement de décennies de campagne. Mais ce choix de timing n’était pas seulement stratégique : il était aussi personnel. Netanyahou a lancé cette escalade alors qu’il était politiquement acculé, confronté à des accusations de corruption et à une colère croissante de la population sur sa gestion du conflit à Gaza et la question des prisonniers israéliens détenus par le Hamas. Une question s’impose : bien qu’il ait toujours plaidé pour une frappe contre le programme nucléaire iranien, pourquoi Netanyahou a-t-il choisi de passer à l’acte précisément au moment où il était en difficulté politique ? Il semble que cette action ait davantage servi de diversion interne que de nécessité stratégique.
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