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Chrétiens, Gaza, Netanyahou, nettoyage ethnique, Palestiniens, Paroisse de la Sainte Famille, paroisse Saint Porphyre, Père Romanelli, TSAHAL
par Edouard Husson

LE REGARD DES STRATEGES – Les paroisses chrétiennes de Gaza seront-elles le grain de sable dans la machinerie du nettoyage ethnique prévu par le gouvernement Netanyahou? L’actuel plan israélien est d’enfermer tous les Palestiniens de Gaza dans un immense camp de concentration, au sud de la bande de Gaza, à l’endroit où se trouvait Rafah, aujourd’hui largement détruite. Pour ce faire, l’armée israélienne devra cependant expulser aussi les chrétiens qui se trouvent à Gaza, dans les deux paroisses, l’une, catholique, celle de la Sainte Famille; l’autre, orthodoxe, celle de Saint Porphyre. Le gouvernement et la majorité des Israéliens ont suffisamment montré qu’ils n’avaient aucun tabou. Cependant, en pratique, il sera très difficile d’expulser les chrétiens de la ville de Gaza, à moins de vouloir rompre de facto les relations avec le Saint-Siège, d’une part et la Russie, d’autre part. Or les paroisses chrétiennes abritent aussi de nombreux musulmans de Gaza, qu’elles ont accueilli depuis dix-huit mois. Elles sont comme les derniers bastions de Gaza sur le chemin de l’expulsion généralisée.
Parmi la dizaine de comptes X que je suis quotidiennement pour avoir une information fiable sur Gaza, il y a le compte @chunguskitten qui donne chaque jour des nouvelles des deux paroisses chrétiennes, situées dans la ville de Gaza: ci-dessus la paroisse orthodoxe, Saint Porphyre. Et ci-dessous la paroisse catholique, La Sainte Famille:
Qu’il s’agisse de célébrer la messe pour la fête de Saint Pierre et Saint Paul dans les magnifiques ornements de la liturgie orthodoxe, ou de réciter le Rosaire à la Vierge Marie, quotidiennement, avec les enfants, comme aiment le faire les catholiques, le souci est le même, comme l’a expliqué le P-re Romanelli, curé (Argentin de nationalité) de la paroisse de la Sainte Famille, selon un témoignage que j’ai recueilli vendredi soir: pour tenir dans ces événements terribles, il faut de la tenue, explique le curé. La liturgie structure les journées, elle permet de vaincre la peur, les angoisses, le sentiment d’être abandonné par le reste du monde – ou presque.
Regardez cette impressionnante vidéo, où l’on entend une bombe tomber à proximité de la Sainte Famille, alors qu’a lieu la récitation du chapelet:
L’ordre d’évacuation israélien
Les bombardements israéliens qui continuent sont destinés à convaincre la population palestinienne de partir vers le sud, vers l’immense camp de concentration que Tel-Aviv veut mettre en place – afin de prendre définitivement en étau les Palestiniens survivant de la bande de Gaza et les forcer à l’émigration.
Vendredi 11 juillet est tombé un ordre d’évacuation qui concerne aussi les paroisses chrétiennes:
Les Israéliens iront-ils jusqu’au bout? Expulseront-ils aussi les chrétiens de Gaza et toutes les familles musulmanes qu’elles ont accueilli depuis vingt mois? Comme me l’a raconté la personne familière avec l’action du Père Romanelli que j’ai rencontrée vendredi soir, quand le curé catholique de Gaza dit qu’il faut « tenir », ce n’est pas seulement pour les chrétiens, c’est pour tous les Palestiniens de Gaza, quelle que soit leur croyance!
Il y a en effet dans les bâtiments adjacents aux deux églises – bâtiments qui ont été visés à plusieurs reprises par l’armée israélienne – des centaines de réfugiés mais aussi des malades, des personnes âgées, des enfants à qui on a pu continuer à faire l’école. Dans la paroisse catholique, le Père Romanelli est aidé dans sa tâche par des religieuses Sœurs du Rosaire, Sœurs du Verbe incarné et Sœurs de la Charité (Mère Teresa). S’il devait y avoir une expulsion, elle viserait aussi les personnes âgées ou handicapées qui sont accueillies dans la paroisse.
Le dilemme israélien
On voit bien le dilemme pour l’Etat israélien: il peut forcer le destin et expulser la population des deux paroisses; alors, sous les yeux du monde entier, on verra – ce dont peu ont conscience – qu’Israël persécute les chrétiens autant que les musulmans (le taux de pertes chez les chrétiens de Gaza est, en pourcentage, aussi élevé que celui des musulmans). Les relations avec la Russie – qui défend les chrétiens orthodoxes – et avec le Saint-Siège – Léon XIV est aussi intransigeant avec Tel-Aviv que son prédécesseur – se détérioreront encore, si elle ne se rompent pas.
D’un autre côté, si Israël laisse les paroisses tranquilles, malgré les ordres donnés, les chrétiens auront été le grain de sable dans la machinerie du nettoyage ethnique: il resterait dans la vieille ville de Gaza, des Palestiniens chrétiens et musulmans.
Il y a bien entendu des moyens (peu) subtils d’asphyxier progressivement les paroisses, par exemple, en les privant définitivement d’eau potable ou en rationnant encore l’aide qui parvient du Patriarcat latin de Jérusalem – et qui bénéficie non seulement aux chrétiens mais à tous les réfugiés de la paroisse et, longtemps, à la population qui vivait encore dans le quartier environnant. Mais là encore, cela se saura rapidement et Israël détériorera encore un peu plus son image dans l’opinion internationale, en particulier chez les chrétiens.
On comprend que les dirigeants israéliens soient fébriles et cherchent par tous les moyens, sans avoir encore trouvé la solution, à expulser les chrétiens de Gaza en minimisant l’impact négatif que les images du nettoyage ethnique des chrétiens de Gaza auraient sur l’opinion internationale.
Cela n’en rend que plus admirable le témoignage, le martyre, de ces chrétiens solidaires de tous leurs frères palestiniens – qu’ils soient athées ou musulmans!