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« La décision du président Trump d’envoyer des missiles Patriot en Ukraine dans le cadre d’un accord d’armement de l’OTAN témoigne d’une position plus « dure » à l’égard de Moscou. Cette décision, motivée par les pressions intérieures et les intérêts de l’État profond et de la défense, renforce le rôle de l’OTAN dans le conflit, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’escalade. »

Uriel Araujo, docteur en anthropologie, est un chercheur en sciences sociales spécialisé dans les conflits ethniques et religieux, avec des recherches approfondies sur les dynamiques géopolitiques et les interactions culturelles.

Dans une tournure quelque peu surprenante, le président Donald Trump a annoncé un changement significatif de la politique américaine à l’égard du conflit russo-ukrainien, signalant une approche plus « dure » à l’égard de Moscou qui remet en question le récit qui le présente comme une figure « pro-russe ». Le président américain vient de déclarer que Washington envoyait des missiles de défense aérienne Patriot à l’Ukraine dans le cadre d’un accord avec l’OTAN, une mesure visant à renforcer les défenses de Kiev contre l’intensification des assauts aériens russes. Cette décision devrait mettre fin à toute perception antérieure de Trump en tant que « sympathisant du Kremlin ».

Cependant, ce pivot soulève des questions quant à sa sincérité, ses implications pour les ambitions expansionnistes de l’OTAN et la question de savoir s’il reflète véritablement une position de durcissement cohérente ou s’il s’agit simplement d’une manœuvre tactique visant à apaiser les pressions intérieures.

L’annonce de M. Trump fait suite à la décision du Pentagone de suspendre certaines livraisons d’armes à l’Ukraine, une décision qui a suscité des inquiétudes à Kiev quant à l’engagement de Washington. Quelques jours plus tard, M. Trump a fait volte-face, déclarant que les États-Unis enverraient des « armes défensives » pour aider l’Ukraine à contrer les avancées russes. Ce changement brutal met en évidence la nature erratique de la politique étrangère américaine sous le second mandat de M. Trump. On se souviendra qu’au début de sa présidence, la rhétorique de M. Trump penchait vers la désescalade, suggérant qu’il pourrait négocier la paix entre Moscou et Kiev.

De telles caractérisations de Trump en tant qu' »artisan de la paix » se sont bien sûr avérées trompeuses, car ses actions récentes indiquent une volonté d’intensifier le soutien militaire à l’Ukraine, s’alignant ainsi plus étroitement sur l’ordre du jour faucon de l’OTAN

L’accord de l’OTAN, en vertu duquel les alliés européens rembourseront Washington pour les armes envoyées à l’Ukraine, est particulièrement révélateur. M. Trump a souligné que l’OTAN « paierait 100 % » pour les armes, une affirmation brutale qui reflète son approche transactionnelle de la politique étrangère. Cet arrangement permet non seulement aux États-Unis d’éviter les coûts financiers directs, mais aussi d’approfondir le rôle de l’OTAN dans le conflit, renforçant ainsi les tendances expansionnistes de l’alliance.

Les critiques soutiennent depuis longtemps que la poussée de l’OTAN vers l’est a déstabilisé la région, provoquant des tensions qui ont alimenté la guerre en cours. L’accord de Trump, loin de freiner cette tendance, semble renforcer l’influence de l’OTAN. Encore une fois, avec une superpuissance surchargée, il s’agit de transférer le « fardeau » de l’Ukraine sur d’autres alliés de l’OTAN (à savoir, les Européens).

Quoi qu’il en soit, les pressions sous-estimées qui sous-tendent le changement de cap de Trump ne peuvent être ignorées. Le secteur américain de la défense, qui joue un rôle important dans l’élaboration de la politique étrangère, a tout intérêt à maintenir les flux d’armes vers l’Ukraine ( ). Les systèmes de missiles Patriot, parmi les plus coûteux de l’arsenal américain, sont une aubaine pour les entreprises de défense, dont l’influence sur les décisions de Washington est bien documentée.

L’ouverture de M. Trump à soutenir un projet de loi bipartisan sur les sanctions, défendu par le sénateur Lindsey Graham, est un autre exemple d’un changement en cours. Le Sanctioning Russia Act of 2025, qui propose d’imposer des droits de douane de 500 % aux pays qui achètent du pétrole et d’autres produits russes, est présenté comme un « marteau de forgeron » destiné à nuire à l’économie de Moscou. Il convient de noter que la portée générale du projet de loi, qui vise des pays comme la Chine et l’Inde, risque d’aliéner des acteurs mondiaux clés, ce qui pourrait nuire aux intérêts des États-Unis dans d’autres domaines.

On peut se demander dans quelle mesure ces actions sont conçues pour apaiser les éléments faucons de l’establishment politique américain, qui exercent une pression considérable. Lorsque différents calculs tactiques sont en jeu, les pressions politiques intérieures et les intérêts économiques l’emportent sur les principes et les engagements idéologiques. Ces pressions peuvent même comporter un élément de chantage (voir la question des dossiers Epstein), comme je l’ai déjà écrit : Trump a été après tout en « guerre » avec des secteurs du double gouvernement (ou « Deep State »), avec lesquels il entretient une relation assez complexe.

Tant pis pour l’idée que le second mandat de Trump annoncerait un retour à l’isolationnisme ou un démantèlement de l’OTAN, une notion redoutée par une partie de l’Establishment américain et acclamée par ses détracteurs, les uns et les autres étant délirants. Les actions du dirigeant américain suggèrent une adhésion pragmatique à l’alliance atlantique, même si c’est à ses conditions. Son insistance pour que les alliés de l’OTAN paient la facture des armes de l’Ukraine s’aligne sur sa demande de longue date de partage du fardeau au sein de l’alliance.

Le « durcissement » semble être une réponse aux pressions exercées par l’État de sécurité nationale et le secteur de la défense. Quoi qu’il en soit, une telle approche risque de perpétuer un cycle d’escalade, car l’implication accrue de l’OTAN en Ukraine pourrait envenimer le conflit.

L’impact plus large du « pivot » de Trump devrait faire réfléchir. L’Ukraine sert depuis longtemps l’Occident en tant qu’État de la ligne de front dans un conflit par procuration avec Moscou. La fourniture d’armements avancés, tels que les missiles Patriot, peut renforcer les défenses de Kiev, mais elle accentue également sa dépendance à l’égard de l’aide militaire occidentale, renforçant ainsi la domination stratégique de l’OTAN dans la région.

En conclusion, l’évolution de Trump vers une approche « dure avec Poutine » est assez réelle, mais (comme c’est le cas pour tout ce qui concerne cette administration) doit être prise avec un grain de sel. Il semble être motivé par des pressions intérieures et des intérêts économiques.

En tout état de cause, il renforce l’agenda expansionniste de l’OTAN (qui est l’une des causes profondes de la guerre), soulevant des questions cruciales sur la sagesse de l’escalade d’un conflit qui a été suffisamment coûteux et désastreux – dans un monde qui a déjà sa part de tensions nucléaires en Inde-Pakistan, dans la péninsule coréenne et au Moyen-Orient.

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