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Israël est-il en train de perdre la Guerre de Gaza?

TOPSHOT – An Israeli soldier rests his head on an artillery gun barrel of an armoured vehicle as Israeli soldiers take positions near the border with Gaza in southern Israel on October 9, 2023. Stunned by the unprecedented assault on its territory, a grieving Israel has counted over 700 dead and launched a withering barrage of strikes on Gaza that have raised the death toll there to 493 according to Palestinian officials. (Photo by JACK GUEZ / AFP)

Abdul Rahman Mahany est Palestinien. Il avait appris le journalisme Il a réussi à sortir de la Bande de Gaza. Il veut témoigner. Il a accepté de nous livrer son témoignage, en exclusivité. Il le fait de manière distanciée, en interpelant ce qu’il appelle « le silence assourdissant » du monde face au génocide.

L’armée israélienne a frappé le service pédiatrique de l’hôpital Nasser dans la ville de Khan Yunis, dans la bande de Gaza. ( Belal Khaled – Agence Anadolu )

Le silence est la seule réponse avec laquelle le monde fait face à un massacre de masse commis à Gaza depuis 21 mois. Au milieu d’un siège étouffant qui a épuisé les citoyens ; aucune pierre, aucun arbre n’a été laissé sans être ciblé. Les écoles, les universités, les hôpitaux, les bâtiments gouvernementaux, les instituts, cette occupation n’a fait aucune différence lors de ses raids.

Environ 35 hôpitaux en fonctionnement à Gaza ont été mis hors service soit en les bombardant directement soit en les privant du carburant et des médicaments nécessaires pour traiter les blessés et les malades.

Gaza, une prison à ciel ouvert sous les bombes

Des milliers d’entre eux n’ont pu aller à l’étranger recevoir le traitement qui leur était nécessaire après la fermeture et le contrôle des points de passage.

Les personnes déplacées de force se sont dispersées dans les rues et les ruelles avec leurs tentes usées aux maigres poteaux, rongées par l’hiver, ne leur laissant d’autre abri que le ciel.

Plus de deux millions de personnes vivent sur une bande de terre de 365 kilomètres carrés dans une « grande prison », livrés à une guerre acharnée. Le monde entier assiste à ce spectacle par le biais des écrans.

La douloureuse «Nakba» de 1948 au cours de laquelle 800 000 Palestiniens ont été chassés de leurs maisons et de leurs terres par l’armée Israélienne n’a pas bénéficié d’un tel retentissement dans le monde à l’époque. Les moyens technologiques dont nous disposons aujourd’hui n’existaient pas (Internet, TV) ; Ainsi peu de gens dans le monde en ont entendu parler.

Mais aujourd’hui, ce qui se passe à Gaza est un génocide retransmis en direct. Et ce monde fourbe se contente de condamner et de dénoncer.

Bien au contraire, aux Nations Unies certains même ont eu l’audace d’applaudir le Premier Ministre Israélien Benjamin Netanyahu, ce criminel, lors d’un discours, tandis qu’une pluie de roquettes incendiaires s’abattait sur Gaza.

Lors des déplacements forcés des familles, certains ont été brulés et leurs corps démembrés ont été éparpillés dans les rues. Mais pour les régimes internationaux ce ne sont que des scènes de routines.

A ceux qui les composent, il n’est que politique sans conscience ni émotion.

Inaction et complicité silencieuse des puissants

A ces silencieux je demande :

« Et si cet enfant était votre fils ? »

« Avez-vous déjà pensé à vous mettre à la place du père de cet enfant?».

Ce silence aussi criminel que complice donne à l’occupation le feu vert pour poursuivre ses atrocités contre des civils non armés à Gaza, déchaîner sa puissance et sa brutalité sur des femmes et des enfants.

Le gouvernement israélien bafoue toutes les lois internationales qui criminalisent ses actions, ne se soucie pas des appels à l’arrêt de la guerre et à la levée du blocus étouffant de Gaza.

Dans une déclaration, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens, Francesca Albanese, s’est interrogée en criant :

« La mort de 60 000 personnes n’est-elle pas suffisante pour que nous prenions au sérieux les normes internationales ».

Tsahal, épaulé de milices privées américaines, a créé un nouveau piège qui vise à assassiner encore plus de civils, cette fois sous le couvert « d’aide humanitaire ». Après avoir empêché l’entrée de toute aide, d’avoir affamé la population, le mécanisme de distribution de cette aide uniquement par leur intermédiaire sous le nom de « Fondation humanitaire de Gaza », le terme « humanitaire » sonne bien faux, puisqu’il s’agit en réalité d’un piège qui tue et blesse chaque jour des dizaines de Gazaouis se rendant aux points de distribution.

Selon le ministère palestinien de la santé, le bilan est de 743 martyrs et plus de 4 891 blessés par jours depuis que ce mécanisme a commencé.  

D’après les aveux des soldats, les tueries sont devenues une routine :

« Nous tuons des habitants de Gaza par ennui et avec l’approbation des commandants, et nous tirons sans restriction, nous laissons des corps dans les rues, c’est l’objectif.

Et nous tuons des enfants, nos ennemis du futur ».

Nous assistons aussi à de véritables mouvements de solidarité partout dans le monde. Ce mouvement débute en Afrique du Sud, lorsque le gouvernement dépose le 29 septembre 2023 une plainte contre « Israël » pour « génocide » dans la bande de Gaza devant la cour internationale de justice (CIJ). Quinze pays ont ensuite annoncé leur intention de se joindre à la plainte de l’Afrique du Sud. Dernier en date, Bélize le 31 janvier 2025, après la Bolivie en octobre, Cuba et l’Espagne en juin 2024. L’Espagne a été le troisième pays européen à faire cette annonce, après la Belgique et l’Irlande.

Les pays arabes sont restés en retrait, ils estiment qu’ils ne peuvent pas défier la position américaine sur les questions liées à Israël. La Libye, l’Égypte et la Turquie se sont pourtant associés à la plainte.

Cette idée a ravivé l’esprit de lutte et de solidarité à l’échelle mondiale. Des foules immenses ont envahi les rues d’Europe et d’Amérique, manifestant leur soutien à Gaza, exigeant que les soldats israéliens rendent des comptes et appelant leurs gouvernements à cesser l’exportation d’armes vers l’occupant.

Dans le même temps, certaines marques qui s’enrichissent grâce à la situation voient leurs produits boycottés dans certaines parties du monde.

Une fondation qui a pris pour nom celui de la petite Hind Rajab, assassinée avec sa famille et les ambulanciers qui tentaient de la secourir, a été créée afin de poursuivre en justice à l’échelle internationale les soldats responsables de ce massacre,

Elle œuvre à constituer des dossiers criminels, à documenter le pistage de 1000 soldats à double nationalité impliqués dans des crimes de génocide et ce dans 8 pays à travers le monde.

Vers une résistance mondiale qui brise le mur du silence

Le 21 novembre 2024, la cours pénale Internationale de la Haye (CPI) a émis des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ancien ministre de la défense Yoav Galant, ainsi qu’à l’encontre de Mohammed Dief, commandant militaire du Hamas, dont on ne sait s’il est vivant ou mort. Il aurait été tué il y a un an en juillet 2024, d’après Tsahal.

Plus récemment le bateau Madleen, nommé ainsi en hommage à Madelaine Kullab, première pêcheuse professionnelle de Gaza dont le père a été tué par les bombardements et qui depuis a vu son bateau détruit lors d’attaques israélienne a quitté la Sicile pour apporter une aide humanitaire et un message symbolique de protestation contre le siégé étouffant de Gaza et la souffrance de ses habitants.

Ce bateau, petite lueur d’espoir pour des milliers de personnes en proie à la famine, n’a pu atteindre son but.

Arraisonné illégalement en eaux internationales par les forces israéliennes, ces occupants ont été arrêtés avant d’atteindre les eaux régionales. Et la nourriture et les médicaments ont été saisis.

Le monde entier a suivi sa traversée et ce qui en est advenu a scandalisé une partie de l’opinion publique.

D’autres initiatives ont aussi échoué. Sous le slogan :

« Votre silence nous a tués », le convoi tunisien Al-Sumoud s’est donné pour mission de rejoindre la bande de Gaza par voie terrestre, en traversant la Libye et l’Égypte. Ce convoi, rassemblant plusieurs milliers de bénévoles et de militants pour la liberté et la dignité, venus de Tunisie, du Maroc, d’Algérie et de Libye, portait un message clair : les peuples refusent de rester silencieux face au génocide en cours à Gaza. »

Malheureusement, ce convoi n’a pas atteint le point de passage égyptien et s’est arrêté à mi-chemin en Libye par les autorités de l’Est Libyen soutenu par l’Égypte. Treize d’entre les marcheurs sont arrêtés.

Ces actions, bien qu’elles n’aient pas atteint leur but, ont transmis le message, celui d’en finir avec le génocide à Gaza. Que le siège soit brisé, que l’aide humanitaire à la population affamée de Gaza soit autorisée à passer.

La question qui, depuis deux ans, demeure lancinante et appelle, inlassablement, à «la conscience universelle » : quand se lèvera le « rideau » du silence et quand tombera le verdict de la condamnation qui mettra fin au génocide perpétré à Gaza.

Le Courrier des Stratèges