Adrien de Marneffe
Ce dimanche, le roi Philippe a tenu son traditionnel discours de fête nationale.
Lors de cette allocution, le chef de l’État a adopté une position tranchée et inédite sur la situation humanitaire à Gaza.
« Je joins ma voix à tous ceux qui dénoncent les graves dérives humanitaires à Gaza, où des innocents meurent de faim et tombent sous les bombes, étouffés dans leur enclave. La situation actuelle n’a que trop duré. Elle est une honte pour l’humanité tout entière. Nous soutenons l’appel du Secrétaire général des Nations unies à mettre fin immédiatement à cette crise insoutenable. »
Ce dimanche, il a donc prononcé un discours au ton plus aiguisé et moins prudent qu’à l’accoutumée pour dénoncer la situation à Gaza, employant des propos d’une force inédite, du moins dans la bouche du chef de l’État.
Le roi Philippe a toutefois veillé, pour amener son propos, à s’appuyer sur des histoires poignantes, qui lui ont permis d’aborder la situation à Gaza à partir d’une perspective plus humaine.
« Il y a quelques semaines, j’ai rencontré deux pères de famille, l’un palestinien, l’autre israélien. Tous deux partagent une souffrance indescriptible : celle d’avoir perdu un enfant, victime du même conflit « , souligne celui qui fêtera ce lundi ses 22 ans de règne. « J’ai été bouleversé par leur témoignage. Ils ont renoncé à tout esprit de vengeance et choisi de porter un message de paix ».
Fin décembre, lors de son discours de Noël, le Roi avait déjà abordé la question des conflits en cours dans le monde à travers des courriers adressés par des enfants de première secondaire. Le Palais royal avait alors veillé à ne pas angler le discours sur l’un ou l’autre de ces conflits, évitant de les nommer afin de ne pas amplifier les tensions politiques qui s’agitaient autour du conflit à Gaza.
Mais 7 mois plus tard, la situation s’est encore détériorée au proche Orient. Le roi Philippe n’est pas insensible aux manifestations et protestations populaires qui ont eu lieu à travers le pays sur la question. Avec la reine Mathilde, il a par ailleurs reçu jeudi des organisations humanitaires actives à Gaza.
Le Roi a donc estimé qu’il n’était plus possible de conserver une position équidistante. S’il a veillé à prendre de la hauteur, il n’a pas omis de dénoncer les actes innommables qui y sont perpétrés.
Je joins ma voix à tous ceux qui dénoncent les graves dérives humanitaires à Gaza, où des innocents meurent de faim et tombent sous les bombes, étouffés dans leur enclave. »
La position sur Gaza, bien qu’inédite dans le discours du Roi, est par ailleurs dans la lignée de la position du gouvernement fédéral.
Le reste du discours, dès son entame, porte également, et largement, sur la situation internationale. Il commence ainsi son propos en constatant que le droit international est « ouvertement remis en question. »
« Or, quand le droit international est bafoué, le monde entier est perdant. On laisse libre cours à l’instabilité et à la violence », souligne le chef de l’État.
Le Roi ne cite personne en particulier, mais on ne peut qu’y voir une référence à l’agression de l’Ukraine par la Russie, le conflit à Gaza, ou la guerre des tarifs douaniers de Donald Trump, et ses vues sur le Groenland ou le Canada.
« Dans ce contexte, l’Europe continue de faire le choix de la coopération et non de la confrontation. Le choix de l’ouverture et non de l’exclusion. C’est un choix remarquable, parfois difficile, et qui demande du courage », souligne le Roi, qui se positionne en fervent défenseur du multilatéralisme européen, comme alternative à la manière dont agissent certaines grandes puissances. « Mais c’est aussi un choix qui a permis à l’Europe de prospérer et de trouver sa voie », ajoute le chef de l’État, qu’on sait très pro-européen, tout en formulant une recommandation claire.
« L’Europe doit encore affirmer davantage son leadership. Elle doit s’imposer comme un rempart et une alternative fiable au rapport de force brutal dont nous sommes les témoins aujourd’hui. »
« L’Europe doit encore affirmer davantage son leadership. Elle doit s’imposer comme un rempart et une alternative fiable au rapport de force brutal dont nous sommes les témoins aujourd’hui. »
« À Bruxelles en particulier, il est urgent qu’un nouveau gouvernement se mette enfin au travail »
Un passage du discours royal, isolé en fin de discours, retient également l’attention. « À Bruxelles en particulier, il est urgent qu’un nouveau gouvernement se mette enfin au travail », assène le Roi. Le roi Phillipe a tenu, tout en orientant fortement son discours sur la situation internationale, à ne pas omettre de parler du blocage régional bruxellois.
Cette phrase, en réalité, elle le fruit d’un cheminement. Elle est prononcée avec prudence, puisqu’une initiative du MR est toujours en cours pour tenter de débloquer les discussions, même si la dynamique n’est pas favorable…
Pour l’anecdote, le formateur bruxellois, David Leisterh (MR), a déjà regretté à plusieurs reprises le fait que le Roi ne puisse s’impliquer dans la coordination des négociations bruxelloises, comme il le fait au fédéral.
En février, lors du discours aux Autorités du pays, le Roi avait déjà appelé les négociateurs bruxellois à retrouver le sens du compromis. « Bruxelles ne doit pas devenir symbole de blocage », avait-il alors déclaré.
Et en avril, lors de la mission d’État au Vietnam, le roi Philippe s’était entretenu longuement avec Rudi Vervoort, dans le hall de l’hôtel où ils logeaient tous les deux, en plein Hanoï.
Le Roi conclut par une tentative de positiver. « Puisons de cette journée de connexion et de célébration l’énergie nécessaire pour affronter demain avec confiance et enthousiasme